Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.227
9 juin 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 227ème séance : Tunisia. 09/06/95.
CRC/C/SR.227. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 227ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 2 juin 1995, à 15 heures
Présidente : Mme BELEMBAOGO

SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

Rapport initial de la Tunisie (suite)








__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

GE.95-16924 (F)
La séance est ouverte à 15 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Tunisie (suite) (CRC/C/11/Add.2; CRC/C.9/WP.5)

1. Sur l'invitation de la Présidente, M. Zouari, M. Ennaceur, M. Kotrane, M. Youssef, M. Najar, M. Cherif, M. Neji, Mme Bachtobji, M. Ayadi, Mme Abdennabi, B. Baati, M. Koubaa, M. Chatty, Mme Elmouaden, M. Eloued et M. Chebbi (Tunisie) reprennent place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE invite les membres du Comité à revenir brièvement, s'ils le souhaitent, sur les sections "santé et bien-être", et "éducation, loisirs et activités culturelles", de la liste des points à traiter (CRC/C.9/WP.5), puis à passer à la section "mesures spéciales de protection de l'enfance", qui se lit comme suit :
"Mesures spéciales de protection de l'enfance
(Art. 22, 30, 32 à 36, 37, 38, 39 et 40 de la Convention)

- la vente et l'usage de stupéfiants,

- la vente, la traite et l'enlèvement d'enfants.


3. M. MOMBESHORA demande des éclaircissements sur la loi No 92/71 du 27 juillet 1992 relative aux maladies sexuellement transmissibles mentionnée au paragraphe 176 du rapport et notamment sur les mesures prises pour lutter contre la propagation du virus du Sida.

4. A propos des mesures spéciales de protection, Mme KARP voudrait savoir comment l'intérêt supérieur de l'enfant est pris en compte dans la répartition des ressources budgétaires entre le secteur rural et le secteur urbain. Elle demande en particulier si les centres d'observation existent non pas seulement dans la capitale, mais aussi dans les diverses régions du pays.

5. Mme BADRAN, notant qu'en 1988, sur environ 2 000 infractions, 70 % avaient été commises par des enfants de 14 à 18 ans, demande comment ces chiffres ont évolué. Elle souhaite aussi savoir s'il existe des services sociaux dans les établissements scolaires et, dans l'affirmative, si le gouvernement prévoit de les renforcer pour prévenir les infractions commises par des mineurs.

6. Mlle MASON note avec satisfaction qu'il est très rare que les juges prennent des mesures de privation de liberté à l'égard des mineurs. Elle souhaiterait toutefois obtenir des précisions sur l'affirmation selon laquelle "la plupart des centres sont des centres de garçons et situés dans la région de Tunis". Cela signifie-t-il qu'il n'y a pas de délinquants dans les zones rurales ou que les jeunes délinquants sont envoyés dans des centres très éloignés de leur milieu familial ? Dans ce dernier cas, des mesures sont-elles prises pour respecter les dispositions de l'article 20 selon lesquelles "Tout enfant ... privé de son milieu familial ... a droit à une protection et à une aide spéciales de l'Etat" et les dispositions de l'article 39, selon lesquelles la réadaptation et la réinsertion de l'enfant "se déroulent dans des conditions qui favorisent la santé, le respect de soi et la dignité de l'enfant ?".

7. M. KOLOSOV demande des précisions sur l'alinéa 2 de l'article 225 du Code de procédure pénale qui dispose qu'"exceptionnellement, les juges peuvent, lorsque les circonstances et la personnalité du délinquant leur paraissent l'exiger, prononcer contre le mineur âgé de 13 ans une sanction pénale". Qu'en est-il de la présomption d'innocence ?

8. Mme SANTOS PAIS souhaite avoir des informations supplémentaires sur les enfants en situation difficile vivant au-dessous du seuil de pauvreté, compte tenu des disparités qui existent entre les régions rurales et urbaines. Il est fait état dans la réponse à la question 24 de la réalisation d'une enquête, mais il serait surtout intéressant de connaître les conclusions de cette enquête, les facteurs identifiés et les mesures pratiques envisagées pour faire face aux problèmes qui sont apparus. Mme Santos Pais constate d'une manière générale que les réponses fournies par la délégation sont souvent imprécises, alors qu'il importe pour le Comité de connaître les grands défis que le Gouvernement tunisien doit relever et surtout de comprendre comment la protection et la promotion des droits de l'enfant sont réalisées dans la pratique.

9. Abordant la question des réfugiés, Mme Santos Pais croit comprendre que la Tunisie ne connaît pas de problème dans ce domaine mais fait observer que ce n'est pas toujours l'apparition de difficultés qui doit déclencher l'adoption de mesures. Ainsi, il serait utile que le Gouvernement tunisien adopte à titre préventif des mesures applicables aux enfants réfugiés et demandeurs d'asile et veille à ce que les procédures d'octroi du statut de réfugié s'inspirent des dispositions de la Convention, notamment pour ce qui est du traitement des mineurs non accompagnés. A cet égard, la délégation tunisienne devrait préciser ses réponses aux questions 29 et 30 de la liste des points.

10. Répondant à une question de M. Mombeshora, M. YOUSSEF (Tunisie) dit que le problème du Sida ne se pose pas en Tunisie de façon alarmante. Le Ministère de la santé a entrepris une politique de prévention qui s'adresse aux jeunes des écoles et des lycées. Des tables rondes sur le sujet sont organisées avec des supports réalisés par le Ministère, des prospectus sont distribués aux jeunes et des messages à leur intention sont régulièrement diffusés à la télévision nationale. M. Youssef précise qu'il n'existe pas de loi spécifique sur le Sida en Tunisie. La loi dans son ensemble régit les relations entre les membres de la société et, de plus, la tradition arabo-musulmane impose un comportement propre à éviter les maladies sexuellement transmissibles.

11. A propos du problème de la délinquance juvénile, M. Youssef reconnaît que le travail social ne donne de résultats que si les professionnels de l'action sociale sont soutenus par un ensemble d'actions communautaires. La protection sociale en général et celle de l'enfance en particulier bénéficient de l'aide d'associations qui interviennent pour soutenir l'action du gouvernement. A cet égard, M. Youssef mentionne l'Union tunisienne de solidarité sociale qui vise à assurer le développement communautaire des couches les plus défavorisées et ajoute que l'action sociale en milieu scolaire est la plus importante et la plus efficace, même si elle ne touche encore que 450 à 500 écoles sur les 5 000 écoles tunisiennes. Quant aux enfants privés de milieu familial, il faut distinguer, d'une part, l'Institut national de protection de l'enfance qui prend en charge les enfants abandonnés aux fins de placement familial ou d'adoption et, d'autre part, les centres intégrés de la jeunesse et de l'enfance qui offrent aux enfants partiellement privés de milieu familial une prise en charge dans le cadre d'"unités de vie familiale" ou en milieu ouvert, l'enfant continuant à vivre parmi les membres de sa famille. Des éducateurs interviennent auprès des familles pour essayer de résoudre à la fois les problèmes des enfants et ceux des adultes.

12. A propos du Sida, M. CHERIF (Tunisie) rappelle que l'article premier de la loi No 92/71 du 21 juillet 1992 relative aux maladies sexuellement transmissibles stipule clairement que les dispositions de la loi s'appliquent dans le cadre du respect des droits de l'homme et de l'enfant. Tout enfant atteint du Sida doit donc être traité conformément aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant et un contrôle judiciaire peut être exercé si l'administration enfreint une disposition de la Convention. Par ailleurs, une certaine confusion s'est glissée, selon M. Cherif, dans la distinction entre les centres de rééducation et les centres d'observation. Il convient de préciser qu'il existe sept centres de rééducation en Tunisie mais qu'il n'existe qu'un seul centre d'observation à Tunis qui a été créé conformément à la loi du 12 juillet 1992. Les centres de rééducation situés en dehors de la capitale jouent donc le double rôle de centre d'observation et de centre de rééducation.

13. Les dispositions du Code de procédure pénale garantissent pleinement le principe de la présomption d'innocence. De même, le principe de l'égalité s'applique pour les enfants comme pour les adultes. Les tribunaux pour enfants s'efforcent d'éviter les termes "culpabilité" et "innocence", dans la mesure où les principes qui sous-tendent les dispositions du Code de procédure pénale sont surtout axés sur la rééducation et la réinsertion des enfants. La "sanction" prise à l'égard de l'enfant tient compte de son intérêt et a un but essentiellenent éducatif. Si le tribunal ne parvient pas à prouver une faute de l'enfant, il rend un jugement de non-lieu.

14. Répondant aux préoccupations de Mme Santos Pais, M. ZOUARI (Tunisie) dit que le revenu par habitant en Tunisie s'est considérablement amélioré au cours des trois dernières décennies (environ 2 000 dollars par an) et que les pays industrialisés considèrent même que la Tunisie n'a plus besoin d'aide. La croissance moyenne a également connu un chiffre record de 8 % en 1993 et s'est stabilisée à un niveau allant de 4 à 5 %. Il ne faut toutefois pas oublier que la Tunisie connaît encore un taux de pauvreté de 6,7 %. Des efforts considérables sont déployés pour résoudre notamment le problème de la condition féminine dans le milieu rural et 55 % du budget national sont consacrés à l'éducation et à la santé dans le cadre d'une politique économique de libre marché. La Tunisie s'efforce également d'éviter les conséquences du libéralisme extrême. En fait, la société tunisienne est une société "de juste milieu" où les problèmes de la pauvreté, de la drogue, du Sida et des réfugiés ne se posent pas avec la même acuité que dans d'autres pays. M. Zouari dit que, depuis 1956, le Gouvernement tunisien s'est engagé dans une politique de partage des responsabilités. L'Etat joue un rôle bien défini sur le plan social, économique et politique. Dans le domaine de l'éducation des enfants, la famille dispose d'un rôle beaucoup plus grand. Les ONG sont également de plus en plus mobilisées. En conclusion, M. Zouari dit que, malgré les insuffisances auxquelles son pays tente de remédier, la Tunisie est fière de l'engagement qu'elle a pris à l'égard des enfants pour qu'ils vivent, dans les meilleurs conditions possibles.

15. Mlle MASON souhaiterait savoir à qui un enfant victime de violences sexuelles peut adresser une plainte, quel est le nombre de ces plaintes et s'il existe un organisme spécialisé chargé d'examiner les cas de violences sexuelles infligées aux enfants. Elle demande également s'il existe des cas de prostitution enfantine et si la situation économique et les coutumes locales encouragent de telles pratiques.

16. Mme SANTOS PAIS dit que la Tunisie peut être fière des efforts qu'elle déploie pour améliorer la situation des enfants, notamment dans le domaine de l'enseignement et encourage vivement le gouvernement à poursuivre son action en faveur de l'enfance.

17. M. HAMMARBERG souhaiterait savoir si le gouvernement envisage de mettre en place un système indépendant de surveillance des différentes institutions qui s'occupent d'enfants.

18. Mme KARP demande si un enfant peut être gardé à vue par la police et s'il a le droit d'être assisté d'un conseil lorsqu'il est placé en détention provisoire et lorsqu'il est jugé.

19. M. CHERIF (Tunisie) dit qu'un enfant qui a subi des violences sexuelles peut adresser une plainte soit aux autorités administratives concernées, par exemple à la direction de l'établissement scolaire où ces violences ont été commises, soit à la police. Il peut également saisir directement la justice. C'est au ministère public qu'il appartient ensuite d'engager immédiatement des poursuites s'il le juge nécessaire.

20. Le Code de protection de l'enfant, qui entrera prochainement en vigueur, prévoit une procédure d'alerte rapide : tout enfant victime de violences sexuelles ou autres pourra saisir immédiatement le Commissaire chargé de la protection de l'enfance, lequel prendra sans délai les mesures de protection qui s'imposent et demandera éventuellement au ministère public d'engager des poursuites contre les auteurs de ces violences.

21. En ce qui concerne la détention des jeunes, il faut préciser qu'un enfant ne peut en aucun cas être placé en détention provisoire ou en garde à vue. Il peut cependant, si les circonstances le justifient, être placé dans un centre d'observation où l'on étudie sa personnalité et son comportement.

22. Quant aux établissements de rééducation pour jeunes délinquants, le juge de l'application des peines est tenu de s'y rendre périodiquement pour examiner la situation des enfants qui y sont placés. Ces enfants peuvent lui adresser une plainte s'ils estiment avoir été victimes de mauvais traitements de la part du personnel. Enfin, le droit de l'enfant à être défendu par un avocat est reconnu dans le projet de code de protection de l'enfant, qui prévoit notamment qu'un avocat doit être commis d'office en cas de besoin.

23. M. ZOUARI (Tunisie) dit que des affaires de violences sexuelles ont déjà été jugées et que des sanctions très sévères ont été infligées aux auteurs de tels actes. Rien dans les traditions tunisiennes n'encourage de tels actes, dont les auteurs sont vivement condamnés dans les médias, ce qui a un effet dissuasif certain sur les personnes qui seraient tentées de commettre de tels actes.

24. M. CHERIF (Tunisie) dit que la prostitution est un phénomène très limité en Tunisie; il s'agit surtout d'adolescents qui louent leurs services à des femmes dans les zones touristiques. La brigade des moeurs s'emploie à mettre fin à ces pratiques.

25. M. KOLOSOV souhaiterait avoir des précisions sur le fonctionnement des centres d'observation pour enfants et savoir combien de temps un enfant peut y être gardé.

26. M. KOTRANE (Tunisie) dit qu'avant d'être jugé tout jeune délinquant est placé dans un centre d'observation pendant un mois, ou plus si les circonstances l'exigent. Pendant cette période, des spécialistes, sociologues, psychologues, médecins, éducateurs, étudient son comportement et constituent un dossier de personnalité qui a pour but de parvenir à une meilleure individualisation de la mesure ou de la sanction qui sera décidée par le juge.

27. Parallèlement à ces centres d'observation, il existe aussi des centres de défense et d'intégration sociale, qui jouent un rôle préventif. Ces centres ont été créés à l'intention des jeunes qui vivent dans des zones où le risque de devenir délinquant est particulièrement grand. Dans ces centres, les jeunes bénéficient de programmes de formation professionnelle et sont ensuite dirigés vers des secteurs où ils pourront trouver un emploi. Pour l'heure, ces centres ne peuvent accueillir que 60 % de la population juvénile concernée. C'est pourquoi le gouvernement a décidé d'en créer d'autres. Cette politique témoigne de la volonté du gouvernement de privilégier la prévention.

28. Sur le plan pénal, la présomption d'innocence s'applique à tous les suspects. Quant à la responsabilité pénale, les enfants de moins de 13 ans en sont totalement exemptés et ne peuvent donc se voir infliger une peine d'emprisonnement. Les peines prononcées contre des délinquants âgés de 13 à 18 ans sont systématiquement réduites de moitié par rapport à celles qui seraient infligées à un adulte pour le même délit.

29. En tout état de cause, le juge privilégie la rééducation et, en application de l'article 241 du Code de procédure pénale prononce, par décision motivée, l'une des mesures suivantes : i) remise de l'enfant à ses parents, à son tuteur, à la personne qui en avait la garde ou à une personne de confiance; ii) placement dans une institution ou un établissement public ou privé d'éducation ou de formation professionnelle; iii) placement dans un établissement médical ou médico-pédagogique; iv) remise au service de l'assistance à l'enfance; v) placement dans un internat pouvant accueillir des mineurs délinquants d'âge scolaire (voir par. 255 d) du rapport).

30. Mme KARP demande si un enfant qui a commis un crime peut être traduit devant un tribunal pour adultes.

31. M. KOLOSOV souhaiterait savoir qui décide du placement d'un enfant dans un centre de défense et d'intégration sociale ou dans un centre d'observation. Il s'agit là en effet d'une privation de liberté.

32. M. CHERIF (Tunisie) dit que seules les autorités judiciaires sont habilitées à placer un enfant dans un établissement de rééducation. Les enfants auxquels est imputée une infraction pénale ne sont pas traduits devant les juridictions pénales de droit commun, mais sont jugés par le juge des mineurs en cas de délit et par la cour criminelle des mineurs en cas de crime (voir par. 254 a) i) du rapport). Il convient de préciser à ce propos que le projet de code de protection de l'enfant prévoit que le jeune délinquant sera jugé non seulement à la lumière du Code pénal mais aussi en fonction d'un certain nombre de critères sociaux.

33. En ce qui concerne l'examen de personnalité, il convient d'indiquer qu'il peut être mené dans le cadre d'un régime de liberté surveillée, ce qui permet au jeune délinquant de rester dans sa famille et de continuer à mener une vie normale. Les autorités judiciaires sont en effet soucieuses de ne priver un jeune de sa liberté qu'en dernier ressort.

34. M. ZOUARI (Tunisie) dit qu'un enfant de moins de 13 ans ne peut être traduit devant une quelconque juridiction. Les enfants âgés de 13 à 15 ans qui ont commis un crime bénéficient de la présomption irréfragable et les jeunes délinquants âgés de 15 à 18 ans bénéficient de la présomption simple. En outre, le nouveau code de protection de l'enfant prévoit que les jeunes délinquants ne pourront être jugés que par des tribunaux composés de magistrats pour enfants ayant reçu une formation spéciale, que ce soit en première instance ou en appel. Il convient enfin de préciser que seuls les jeunes qui ont enfreint la loi peuvent être placés dans des centres d'observation.

35. M. HAMMARBERG dit que le Comité a posé de nombreuses questions très précises à la délégation tunisienne pour pouvoir se servir de l'exemple tunisien lors de l'examen de rapports d'autres pays. Il espère d'ailleurs que le rapport de la Tunisie et les observations finales du Comité à ce sujet pourront être publiés dans d'autres pays.

36. Le Comité est particulièrement impressionné par le fait que, malgré la récession économique mondiale, la Tunisie a maintenu un taux de croissance économique de 4 à 5 % tout en conservant des budgets sociaux qui représentent 50 % des dépenses de l'Etat. D'autre part, M. Hammarberg a cru comprendre que les autorités tunisiennes allaient se pencher sur la question des réserves et déclarations formulées lors de la ratification de la Convention. A cet égard, il semble que, depuis l'élaboration du rapport, la législation a évolué et qu'il sera dès lors peut-être possible de lever certaines réserves.

37. Le Comité encourage les autorités tunisiennes à poursuivre leurs activités dans les domaines de la diffusion de l'information relative aux droits de l'enfant et de la formation des personnels concernés par les droits de l'enfant. Il importe également que les autorités tunisiennes poursuivent leurs échanges avec les ONG et diffusent le rapport et les observations finales du Comité dans le pays.

38. En ce qui concerne les mesures d'application générale, M. Hammarberg estime que le Gouvernement tunisien doit encore examiner la question d'un mécanisme national permanent de coordination. Ainsi, il faudra peut-être envisager, à côté du Conseil supérieur de l'enfance, du Ministère de la jeunesse et de l'enfance et des autres ministères concernés, la création d'un mécanisme indépendant chargé de surveiller la mise en oeuvre de la Convention par les autorités nationales. De même, il semble nécessaire d'améliorer le système de collecte de données. Dans le domaine des principes généraux, que le Comité a très à coeur, M. Hammarberg estime que des mesures doivent encore être prises pour résoudre l'ensemble des problèmes auxquels peuvent être confrontés les enfants nés hors mariage. Par ailleurs, il serait utile d'intégrer la notion de respect de l'opinion de l'enfant dans le code de protection de l'enfant actuellement en cours d'élaboration.

39. Le Comité a noté que la Tunisie avait ratifié diverses Conventions de l'OIT, mais M. Hammarberg insiste sur la nécessité de ratifier la Convention No 138 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, qui a une valeur hautement symbolique. En ce qui concerne les réfugiés, peut-être la Tunisie pourrait-elle accroître sa coopération avec le HCR et bénéficier de l'expérience de ce dernier pour créer le cadre juridique nécessaire à l'assistance aux enfants réfugiés. Enfin, M. Hammarberg encourage les autorités tunisiennes à incorporer les dispositions de l'article 19 de la Convention, concernant toutes les formes de violence à l'égard de l'enfant, dans la législation nationale. Cette notion semble en effet ne pas être tout à fait couverte par la législation tunisienne actuelle.

40. Mme BADRAN se félicite du débat fructueux qui a eu lieu lors de l'examen du rapport de la Tunisie et apprécie les efforts déployés par les autorités tunisiennes en faveur de la promotion et de la protection de l'enfance. Outre les points soulevés par M. Hammarberg, Mme Badran estime que des améliorations pourraient encore être apportées dans le domaine de l'enseignement destiné aux filles.

41. Mme KARP se félicite du processus visant à améliorer en permanence la promotion et la protection des droits de l'enfant en Tunisie et des projets dont est actuellement saisi le Parlement dans ce domaine. Elle espère, par ailleurs, que le Comité pourra disposer d'une copie de la nouvelle loi sur la délinquance juvénile, qui pourra servir de modèle lors de l'examen de rapports d'autres pays.

42. M. KOLOSOV rappelle que le Comité poursuit un objectif ambitieux visant à ce que tous les Etats retirent leurs réserves et déclarations à la Convention. Il estime que la Tunisie pourrait être le premier Etat à entamer ce processus. Il faut rappeler à cet égard que lorsqu'un Etat retire une réserve ou une déclaration, il n'est nullement tenu d'expliquer les raisons de sa démarche. D'autre part, M. Kolosov attache lui aussi une importance particulière à la ratification de la Convention No 138 de l'OIT. Cette convention est en effet d'une grande utilité puisqu'elle fait appel à un mécanisme international de surveillance qui contribue à la mise en oeuvre des dispositions relatives au travail des enfants. Enfin, M. Kolosov reste préoccupé par le problème des unions polygames illégales. Il s'agit d'une question délicate et M. Kolosov estime qu'un simple divorce ne cause pas de traumatisme psychologique aussi important pour l'enfant que les décisions prises par les tribunaux concernant les unions polygames. Il est vrai que le nombre de cas dans ce domaine est peu élevé mais le Comité se doit de prendre en compte la situation de chaque enfant dans chacun des Etats parties.

43. Mlle MASON estime que la Tunisie constitue un modèle en matière de promotion et de protection des droits de l'enfant, que le Comité pourra utiliser dans ses délibérations futures. Elle n'est cependant pas entièrement satisfaite de la fixation à 13 ans de l'âge du discernement en Tunisie. En effet, la délégation tunisienne a donné l'exemple d'un cas d'une famille vivant dans la pauvreté et dont un enfant aurait un comportement répréhensible. Elle a expliqué que, si l'enfant était âgé de moins de 13 ans, les services chargés de régler le problème n'en parleraient pas en sa présence. Mlle Mason estime que c'est précisément dans ce genre de circonstances qu'il faut examiner les problèmes avec l'enfant concerné et lui expliquer pourquoi il doit changer son comportement et comment les services concernés peuvent l'aider. Par ailleurs, elle n'est pas entièrement satisfaite des explications de la délégation tunisienne concernant la manière dont les programmes nationaux sont répercutés au niveau local. Enfin, elle encourage les autorités tunisiennes à ne pas se contenter des résultats déjà obtenus et à continuer de progresser sur la voie de la promotion et de la protection des droits de l'enfant.

44. M. MOMBESHORA se félicite de la clarté du rapport du Gouvernement tunisien et de l'ouverture d'esprit dont a fait preuve la délégation tunisienne lors de l'examen du rapport. L'approche adoptée par les autorités tunisiennes en ce qui concerne la mise en oeuvre de la Convention est tout à fait positive. M. Mombeshora insiste cependant sur la nécessité de ratifier la Convention No 138 de l'OIT.

45. La PRESIDENTE indique que les observations et recommandations préliminaires des membres du Comité seront formulées de manière précise et transmises ultérieurement au gouvernement. Le Comité souhaite que le gouvernement s'inspire du dialogue instauré pour renforcer les efforts qu'il déploie dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'enfant et que la délégation joue un rôle primordial dans le suivi des recommandations du Comité.

46. M. ZOUARI (Tunisie) exprime la gratitude de la délégation tunisienne pour les encouragements prodigués par le Comité, qui permettront à la Tunisie d'aller plus loin dans la mise en oeuvre de la Convention et de faire en sorte qu'elle devienne non seulement une réalité juridique mais également une réalité sociale. M. Zouari assure le Comité de la volonté politique du Gouvernement tunisien et de l'engagement de l'Etat tunisien dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'enfant. A cet égard, il convient de mentionner une récente initiative du Président de la République tunisienne visant à décerner un prix national des droits de l'enfant à toute personne, physique ou morale, ayant accompli des efforts particuliers dans le domaine des droits de l'enfant. Ce prix consiste en une récompense de 10 000 dollars E.-U. et a été décerné, en 1995, lors de la fête nationale de l'enfance, à une ONG nationale.

47. Toutes les remarques et observations du Comité seront prises en compte dans le cadre des prochains plans définis par le gouvernement en faveur de l'enfance. Le Gouvernement tunisien continuera à examiner les stratégies et les programmes qui permettront de surmonter les problèmes qui persistent dans le cadre des plans de développement. Enfin, M. Zouari invite officiellement tous les membres du Comité à se rendre en Tunisie le 11 janvier 1996, lors de la fête nationale de l'enfance, afin de fournir avis et conseils aux autorités tunisiennes dans le domaine de la promotion et de la protection des droits de l'enfant.

48. La PRESIDENTE dit que le Comité se félicite de l'invitation officielle faite par la délégation tunisienne et examinera les modalités pratiques d'y donner suite. Elle remercie, au nom des membres du Comité, la délégation et le Gouvernement tunisiens pour les informations détaillées apportées et pour le dialogue très enrichissant qu'ils ont établi. Elle souhaite plein succès aux autorités tunisiennes dans l'action qu'elles entreprendront afin d'améliorer la situation des enfants.

49. La délégation tunisienne se retire.
La séance est levée à 17 heures.
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