Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.225
8 juin 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 225ème séance : Tunisia. 08/06/95.
CRC/C/SR.225. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT
Neuvième session
COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 225ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève,
le jeudi 1er juin 1995, à 15 heures
Présidente : Mme BELEMBAOGO

SOMMAIRE

Examen des rapports présentés par les Etats parties (suite)

Rapport initial de la Tunisie







__________

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.


GE.95-16880 (F)
La séance est ouverte à 15 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 5 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de la Tunisie (CRC/C/11/Add.2; CRC/C.9/WP.5)

1. Sur l'invitation de la PRESIDENTE, M. Zouari, M. Ennaceur, M. Kotrane, M. Youssef, M. Najar, M. Cherif, M. Neji, Mlle Bachtobji, M. Ayadi, Mme Abdennabi, M. Baati, M. Koubaa, M. Chatty, Mme Elmouaden, M. Eloued et M. Chebbi (Tunisie) prennent place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE invite la délégation tunisienne à présenter le rapport initial de son pays (CRC/C/11/Add.2) et remercie vivement le Gouvernement tunisien, par son intermédiaire, d'avoir adressé au Comité déponses écrites (document sans cote), qui ont été distribuées en séance, en langue française.

3. M. ENNACEUR (Tunisie) indique tout d'abord que la composition même de la délégation, présidée par M. Zouari, ministre de la jeunesse et de l'enfance, traduit l'importance qu'attache le gouvernement à la Convention relative aux droits de l'enfant et à son application. Dès l'indépendance, la Tunisie a déployé des efforts considérables en faveur de l'enfance, et plus particulièrement depuis le lancement du plan de développement après le 7 novembre 1987. Le rapport de la Tunisie rend compte de ces activités et du souci que le gouvernement et le Président de la République ont d'améliorer la situation des enfants.

4. M. ZOUARI (Tunisie) indique que dans le rapport initial de la Tunisie (CRC/C/11/Add.2), l'accent est mis sur l'ensemble des mesures législatives, des programmes et des mécanismes mis en place en faveur de l'enfant, qui découlent des choix politiques, économiques et sociaux fondés sur les principes des droits de l'homme et des droits de l'enfant. Ces choix constituent les fondements de la société civile dont les contours ont été définis par le Président de la République tunisienne, dans sa Déclaration du 7 novembre 1987. L'intérêt accordé à la survie, à la protection et au développement de l'enfant, valeurs enracinées dans la civilisation arabo-musulmane tunisienne, a remarquablement évolué. Depuis l'indépendance, il est le principe directeur de la politique de développement des ressources humaines et de la politique nationale générale. Les réformes et mesures en faveur de l'enfant mises en oeuvre depuis l'indépendance sont en harmonie avec la déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant, et avec la Convention relative aux droits de l'enfant que la Tunisie a ratifiée le 11 janvier 1992. Le Président de la République, qui allait faire de cette date la Fête nationale de l'enfant, est résolu à renforcer la place accordée à l'enfant parmi les priorités inscrites dans le projet de société fondée sur l'homme, principale richesse de toute action de développement. La Tunisie a axé sa politique sur un ensemble de principes nés de la volonté d'instaurer un nouveau type de rapports entre l'enfant et l'Etat. Elle a préconisé une approche d'avant-garde que reflète l'action quotidienne du chef de l'Etat. En effet, le Président reçoit périodiquement, et à l'occasion des fêtes nationales et religieuses, des groupes d'enfants de tous horizons géographiques et sociaux, sans oublier les enfants les plus démunis, privés de soutien familial. En outre, le chef de l'Etat a l'habitude de se rendre à l'improviste dans les institutions spécialisées dans le domaine de l'enfance en difficulté, telles que l'Institut de protection de l'enfance, les centres de rééducation des mineurs et les hôpitaux d'enfants, ainsi que dans les écoles rurales et dans les quartiers populaires. A la suite de ces visites des mesures et des dispositions législatives ont été adoptées en vue de renforcer la capacité d'intervention de ces institutions. La solidarité est devenue en Tunisie un moyen d'action sociale et de développement qui a débouché sur la création d'un Fonds national de solidarité, qui vise à éliminer la pauvreté. La Tunisie est convaincue qu'investir en faveur des générations futures est la meilleure garantie de progrès, de stabilité et de développement durable pour le pays. Les réformes entreprises dans les domaines de l'enseignement de base et de la santé maternelle et infantile s'inscrivent dans la stratégie recommandée par la Tunisie pour préparer les enfants à relever avec succès les défis du XXIe siècle. De nombreuses initiatives et réformes visent à modifier et à élaborer des textes législatifs et réglementaires, et à renforcer le cadre institutionnel relatif à l'enfance. Ainsi, le Ministère de la jeunesse et des sports est devenu le Ministère de la jeunesse et de l'enfance, et on a créé le Conseil national de l'enfance, organe consultatif regroupant les représentants des ministères intéressés, certains députés, des membres d'associations et organisations non gouvernementales, et des experts. Il convient de noter aussi la création de centres spécialisés, dont le Centre d'étude, de recherche et de documentation pour la jeunesse, l'enfance et le sport, le Centre d'étude, de documentation et d'information de la femme, l'aide de l'Etat aux projets relatifs à l'enfance que prévoit le nouveau code d'investissements, et la promulgation d'une loi obligeant les caisses de sécurité sociale à participer, à hauteur de 50 %, aux frais de prise en charge des enfants par les crèches, de façon à généraliser ces institutions éducatives et à améliorer leurs prestations. De plus, la Tunisie a mis en place un programme de création d'un réseau de centres de loisirs pour les familles et les enfants.

5. Le développement et la diversification de la vie associative dans le domaine de l'enfance s'inscrit dans cette perspective. Les associations jouent un rôle consultatif plus important dans le choix des programmes et dans la définition des plans d'action relatifs à l'enfance. En outre, elles ont contribué à l'élaboration du rapport initial et ont pris une part active à la diffusion de la Convention. Ainsi, quelque 135 conférences et rencontres ont été organisées à l'échelle nationale, régionale et locale.

6. Contrairement à d'autres pays, le programme d'ajustement structurel lancé en Tunisie en 1986 n'a pas nui aux conditions de vie des adultes et des enfants. En effet, des mesures sociales d'accompagnement ont été prises, notamment pour améliorer le pouvoir d'achat des catégories défavorisées, maîtriser la consommation, consolider l'élan national de solidarité et améliorer la capacité de la famille de prendre en charge les enfants. De plus, l'Etat consacre 55 % de son budget aux secteurs sociaux, en premier lieu à l'éducation, à la santé et à la protection sociale. Le huitième plan de développement pour la période 1992-1996 affecte 50 % des ressources aux projets à caractère social. Depuis son indépendance, la Tunisie consacre 7 % de son PIB et 25 % de son budget à l'éducation. En vertu de la loi du 29 juillet 1991 relative à la réforme du système éducatif et à ses nouvelles orientations, il incombe à l'Etat de garantir la scolarisation gratuite de tous les enfants en âge d'être scolarisés; la scolarité est désormais obligatoire jusqu'à la fin de l'enseignement de base (de 6 à 16 ans) et des sanctions sont prévues à l'encontre des parents qui contreviennent à cette obligation. Grâce à cette volonté politique, le taux d'inscription dans l'enseignement primaire était de 99,1 % pour les garçons et 96,9 % pour les filles, et le taux de réussite scolaire était de 79 %, pour l'année scolaire 1993/1994.

7. Le programme national d'action pour la survie, la protection et le développement de l'enfant vise, à l'horizon 2000, à généraliser l'enseignement de base, de façon que 80 % des enfants âgés de 6 à 14 ans terminent l'école primaire. Ces chiffres ont été dépassés puisqu'en 1994, seuls 4,6 % des enfants de cette tranche d'âge ne fréquentaient pas l'école.

8. La protection de la santé de l'enfant est l'un des fondements de la Déclaration mondiale en faveur de la survie, de la protection et du développement de l'enfant. La Tunisie a déployé des efforts en matière de soins de santé primaires et de médecine préventive, plus particulièrement dans les domaines de la santé maternelle et infantile. Des campagnes de vaccination ont été lancées, des services en matière de planification familiale développés et la couverture sociale étendue à l'ensemble de la population. Ainsi, les maladies infantiles ont été éradiquées grâce à la mise en oeuvre de programmes publics spécifiques et intensifs. La couverture maximale vaccinale s'est généralisée et le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans a diminué. De plus, 80 % des familles tunisiennes sont propriétaires de leur logement, ce qui favorise leur équilibre psychologique et leur stabilité sociale.

9. L'un des principes essentiels de la Convention est le droit de l'enfant à une protection. Il incombe en premier lieu aux parents de protéger l'enfant contre toute forme d'abus et de danger et à l'Etat d'aider les parents à mieux comprendre leurs responsabilités familiales. A cette fin, le Président de la République a ordonné l'élaboration d'un projet de code de protection de l'enfant, qui a été approuvé le 17 mai 1995 par le Conseil des Ministres. L'un de ses principes les plus importants est le maintien de l'enfant dans sa famille, principe qui s'applique aussi au mineur délinquant. En vertu du code de protection de l'enfant, il incombe au délégué à la liberté surveillée d'encadrer l'enfant demeuré dans son milieu familial, aux fins de rééducation. Si le mineur délinquant est placé dans une institution de rééducation, il a le droit de revenir dans sa famille les fins de semaine. Dans un souci de solidarité et d'assistance, le code prévoit que les citoyens doivent signaler les cas d'enfants menacés dans leur intégrité physique et morale. Ce devoir incombe particulièrement aux personnes qui s'occupent d'enfants, éducateurs, médecins et autres travailleurs sociaux. En outre, le code consacre la mise en place d'un mécanisme de suivi prévoyant la possibilité d'une intervention sociale, lorsque l'enfant est menacé dans son intégrité physique et morale : le poste de commissaire de protection de l'enfance est ainsi créé. Afin d'éviter de déférer les jeunes délinquants à la justice, le code prévoit le recours à une conciliation, ou médiation, entre le mineur et la victime. Il institue, en outre, le principe de la correctionnalisation et de la non-incrimination de l'enfant qui a commis un crime, afin de favoriser sa rééducation et sa meilleure intégration dans la société. Le code a prévu par ailleurs une amélioration et une réorganisation des structures judiciaires compétentes; ainsi, le code prévoit la spécialisation des juges chargés d'affaires où des enfants sont impliqués, tant à l'échelle du ministère public que de l'instruction du jugement, la participation de conseillers choisis parmi les spécialistes des affaires auxquelles des enfants sont mêlés, de façon à mieux connaître la personnalité de l'enfant et son milieu. Diverses mesures visant à simplifier les procédures ont aussi été mises en place. Ainsi, le juge peut rendre visite à l'enfant pour connaître sa situation et savoir s'il accepte les mesures prises en vue de sa rééducation. Le code prévoit également l'unification et la spécialisation de la juridiction d'appel. Il introduit un nouveau principe relatif au traitement de l'enfant, qui consiste à suspendre le jugement portant incarcération, dans le cas d'un pourvoi en cassation. Il ne fait aucun doute que toutes ces mesures nouvelles seront de nature à améliorer le traitement général de l'enfant et à permettre à la Tunisie d'atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés dans le plan national d'action pour la survie, la protection et le développement de l'enfant dans les années 90.

10. La Tunisie, sous l'impulsion du Président de la République, Président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine, entend jouer un rôle dynamique en faveur de l'enfant africain. Lors de la Conférence africaine sur le suivi des objectifs de la décennie en faveur de l'enfance tenue à Tunis du 11 au 13 janvier 1995, à l'initiative de la Tunisie, les ministres chargés de la protection de l'enfance et les hauts responsables qui représentaient 45 pays africains ont manifesté leur inquiétude au sujet de la situation des enfants d'Afrique, situation due au sous-développement, à la pauvreté, à l'analphabétisme et aux conflits armés. La Déclaration de Tunis, adoptée par la Conférence, appelle à coordonner des efforts et à mettre en place des mécanismes et des organes de communication et de suivi au sein de l'OUA, en vue de mieux réaliser les droits de tous les enfants à la survie, au développement et à la protection.

11. Le Gouvernement tunisien est convaincu que le meilleur moyen de préserver les droits de l'enfant est d'élever l'enfant lui-même dans la conscience et le respect de ces droits. Ainsi, en Tunisie, on envisage d'introduire dans les programmes scolaires, à tous les niveaux, un enseignement sur la question des droits de l'homme et de l'enfant, plus particulièrement dans les cours d'instruction civique et d'histoire, et dans l'enseignement de base, afin que l'école inculque les valeurs de la citoyenneté, de la liberté, de la paix, de la tolérance, de l'égalité entre les sexes et de l'amitié entre les peuples, valeurs qui sont en totale harmonie avec l'article 29 de la Convention. Parallèlement, la Tunisie s'efforce de renforcer cette action éducative par d'autres activités de sensibilisation et d'information. Ainsi, les droits de l'homme et les droits de l'enfant figurent dans les programmes de formation des associations et des organisations non gouvernementales, ainsi que dans les médias, notamment la chaîne de télévision spécialisée dans les programmes pour les jeunes. Une radio pour la jeunesse sera mise en service prochainement. Certes, il reste du chemin à parcourir dans le domaine de l'enfance et la Tunisie doit poursuivre ses efforts afin d'édifier une société civile qui privilégie l'enfant. M. Zouari forme le voeu que les enfants du monde entier connaissent un avenir meilleur et puissent espérer vivre dans le développement et la prospérité.

12. La PRESIDENTE remercie la délégation tunisienne de sa déclaration liminaire très détaillée qui reflète l'engagement du Président et du Gouvernement tunisiens à l'égard de la situation des enfants dans le pays. L'exposition de manuels scolaires, de documents divers et d'affiches, organisée devant la salle de réunion, a servi à illustrer les renseignements fournis et il faut saluer cette initiative heureuse. Elle invite les membres du Comité à formuler les questions et les observations que leur inspire la première section de la liste des points à traiter (CRC/C.9/WP.5), qui se lit comme suit :
"Mesures d'application générales
(Art. 4, 42 et 44 (par. 6) de la Convention)

13. Mlle MASON note avec satisfaction les nombreuses initiatives prises par les ministères pour coordonner les différentes mesures que le Gouvernement tunisien a adoptées afin de s'acquitter des obligations qui lui incombent au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant. Il serait intéressant d'avoir des précisions sur les indicateurs utilisés pour évaluer les progrès accomplis ou les difficultés rencontrées dans le processus de mise en oeuvre. Est-il envisagé de mettre en place un système de collecte de données statistiques qui permettrait de mieux évaluer les progrès réalisés dans la situation des enfants et de s'assurer que les initiatives prises atteignent bien les groupes cibles ?

14. M. HAMMARBERG accueille avec satisfaction les réalisations impressionnantes qui sont mentionnées dans le rapport et dans la déclaration liminaire (Code de protection de l'enfant) mais souhaiterait surtout connaître les domaines qui posent des problèmes et savoir comment le gouvernement compte y remédier dans les années à venir. Il serait aussi utile d'avoir une idée plus précise de la réflexion qui a conduit à formuler chacune des réserves émises lors de la ratification de la Convention relative aux droits de l'enfant. Enfin, M. Hammarberg préconise la mise en place d'un système indépendant de suivi (par exemple l'institution d'un médiateur), qui permettrait d'améliorer le respect des droits de l'enfant.

15. Mme BADRAN se félicite de ce que la Tunisie soit représentée par une délégation d'aussi haut niveau et elle espère que les suggestions émises dans le cadre du dialogue avec les membres du Comité aboutiront à des mesures concrètes. Elle remercie également la délégation des documents, manuels et affiches exposés à l'intention des membres, et qui sont d'une grande utilité.

16. A propos de la politique d'ajustement structurel suivie par la Tunisie, il serait utile de connaître les répercussions négatives de cette politique, en particulier sur la situation des enfants, et d'avoir des informations sur les mesures prises pour les contrecarrer.

17. Par ailleurs, Mme Badran reconnaît que l'application de la chari'a et la question du patrimoine puissent justifier les réserves formulées à propos de l'article 2 de la Convention mais elle estime qu'étant à l'avant-garde des pays du monde islamique en ce qui concerne la promotion des droits de la femme (adoption de mesures sur l'héritage des jeunes filles en leur accordant la totalité de l'héritage en cas de décès des parents), la Tunisie pourrait interpréter la chari'a d'une manière plus éclairée. La Tunisie envisage-t-elle d'adopter d'autres mesures progressistes et de réexaminer la réserve faite à l'article 2 de la Convention ?

18. Mme Badran demande si le Conseil supérieur de l'enfance créé auprès du Ministère de la jeunesse et de l'enfance a élaboré une politique générale dans le domaine de l'enfance et, si tel est le cas, elle souhaite connaître les principaux volets de cette politique. En conclusion, elle voudrait savoir si le Gouvernement tunisien a procédé à une évaluation à mi-parcours du Programme d'action national pour l'application de la Déclaration mondiale en faveur de la survie et de la protection et du développement de l'enfant dans les années 90 et souhaiterait que lui soient précisés les problèmes qui ont pu être rencontrés.

19. Mme SANTOS PAIS se félicite de la présence du Ministre de la jeunesse et de l'enfance devant le Comité, ce qui témoigne de la volonté politique du Gouvernement tunisien d'assurer la mise en oeuvre des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant avec efficacité et réalisme. L'exposition sur les enfants tunisiens est un témoignage supplémentaire de l'importance que la Tunisie accorde aux campagnes de sensibilisation aux droits de l'enfant. Notant avec satisfaction que différents mécanismes de coordination et de suivi sont mis en place en Tunisie (par exemple, Conseil supérieur de l'enfance créé auprès du Ministère de la jeunesse et de l'enfance) et que chaque ministère est doté d'un service des droits de l'homme, elle se demande si le Gouvernement tunisien envisage d'instituer un mécanisme de coordination et de surveillance chargé d'évaluer en permanence la situation des enfants, compte tenu de la réalité aux niveaux national, provincial et local.

20. Mme Santos País croit comprendre que la Tunisie éprouve encore des difficultés à déterminer les progrès réalisés dans la mise en oeuvre des droits énoncés dans la Convention par rapport aux droits civils et politiques ou aux droits économiques, sociaux et culturels, du fait que les données statistiques rassemblées ne recouvrent pas encore systématiquement tous les domaines traités par la Convention. Des précisions sur ce point seraient bienvenues.

21. En ce qui concerne la question des réserves formulées par la Tunisie à l'égard de la Convention, Mme Santos País engage le Gouvernement tunisien à réexaminer ses réserves en vue de les lever. Compte tenu de la volonté politique de la Tunisie et des engagements qu'elle a pris, elle veut espérer que certaines des raisons qui justifiaient au départ ces réserves disparaîtront avec l'adoption du Code de protection de l'enfant. La réserve formulée à l'égard de l'article 2, selon laquelle "les dispositions de l'article 2 ne peuvent constituer un obstacle à l'application des dispositions de la législation nationale", donne à penser que la législation nationale l'emporte sur les dispositions internationales, ce qui est contradictoire avec ce qui est affirmé dans le rapport. Il serait opportun d'envisager de lever cette réserve qui a de nombreuses incidences, notamment en ce qui concerne le nom de l'enfant. La réserve formulée à propos de l'article 7 laisse aussi subsister des doutes quant à la primauté du droit international sur la législation nationale. Pour ce qui est des déclarations formulées par le Gouvernement tunisien et en particulier de la première déclaration, selon laquelle le gouvernement "ne prendra en application de la Convention aucune décision législative ou réglementaire en contradiction avec la Constitution tunisienne", Mme Santos País rappelle que selon l'article 4 "les Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus dans la Convention". Une telle déclaration pourrait légitimement être interprétée comme traduisant une absence de volonté politique de la part du Gouvernement tunisien et le désir de faire prévaloir le droit national. La deuxième déclaration selon laquelle "l'engagement du gouvernement pour l'application des dispositions de la Convention sera pris dans les limites et moyens dont il dispose" semble en revanche conforme à l'article 4 de la Convention ("ils prennent ces mesures dans toutes les limites des ressources dont ils disposent"). Quoi qu'il en soit, il est souhaitable que le Gouvernement tunisien revoie sa position au sujet des déclarations et réserves.

22. Mme KARP voudrait savoir si le Gouvernement tunisien, qui fait un grand effort d'éducation à l'égard des enfants, cherche aussi à éduquer les générations précédentes, qui ont grandi dans des traditions différentes. Par ailleurs elle demande quels sont les problèmes rencontrés dans le cas particulier des enfants nés hors mariage et des enfants abandonnés.

23. La PRESIDENTE propose, pour faciliter les réponses de la délégation tunisienne, de regrouper les questions en trois catégories : premièrement, les questions sur la situation des enfants en Tunisie et les mesures palliatives appliquées pour atténuer les effets négatifs du programme d'ajustement structurel sur les enfants; deuxièmement, les mécanismes de coordination et de suivi, les indicateurs appliqués pour évaluer les programmes en faveur des enfants, le système national mis en place pour la collecte de données dans les domaines couverts par la Convention; et troisièmement, les questions relatives aux réserves et aux déclarations formulées à l'égard des articles 2 et 7 de la Convention.

24. M. ZOUARI (Tunisie) remercie les membres du Comité du vif intérêt dont leurs questions et préoccupations témoignent, intérêt qui incite à déployer encore plus d'efforts pour donner à l'enfant, c'est-à-dire à l'homme de demain, un cadre équilibré dans lequel il puisse s'épanouir. Depuis son indépendance, la Tunisie a toujours oeuvré dans ce sens et le Gouvernement tunisien a élaboré des politiques de développement des ressources humaines visant à assurer l'équilibre économique et social du pays, en faisant la place voulue aux enfants. Les choses n'ont pas été sans difficultés, mais le gouvernement a réussi à surmonter certains problèmes grâce, notamment, à la détermination et à l'encouragement du chef de l'Etat. A l'occasion des fêtes nationales et religieuses, le président Ben Ali reçoit au palais présidentiel des groupes d'enfants de toutes les régions du pays au nombre desquels se trouvent des enfants démunis. Le chef de l'Etat se rend également dans des "centres intégrés de l'enfance et de la jeunesse" qui accueillent les enfants sans soutien familial, orphelins ou abandonnés. Ces visites ont développé le sens de la solidarité, véritable moyen d'action sociale et de développement en Tunisie. Si la cellule familiale s'est désagrégée dans les pays développés, elle est encore très solide dans les pays en développement, où les familles ont encore de nombreux enfants. Le Gouvernement tunisien prend des mesures de planification familiale, dans l'esprit des dispositions du Code du statut personnel. Fidèle à son attachement à l'amélioration de la condition de la femme, le législateur tunisien a conféré à la femme la possibilité d'avoir la garde de ses enfants en cas de divorce. Un ministère chargé des affaires de la femme et de la famille vient d'être créé et un plan national en faveur de la famille a été lancé. Le Code de protection de l'enfant adopté récemment consacre la famille comme la cellule qui garantit le développement sain et harmonieux de l'enfant et lui assure protection. Les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant, tandis que l'Etat joue un rôle d'appui aux parents.

25. En ce qui concerne les jeunes délinquants, le juge peut, à la lumière de leur comportement, modifier les décisions de justice les concernant et les autoriser par exemple à regagner leurs foyers dans le cadre d'un régime de liberté surveillée (voir par. 255 f) du rapport). De même, le juge peut laisser dans sa famille un enfant qui a commis un délit emportant une peine d'emprisonnement ou, s'il prononce une telle peine, l'autoriser à se rendre dans sa famille toutes les semaines. Le gouvernement met également l'accent sur la prévention. C'est dans cet esprit qu'a été créé le poste de commissaire chargé de la protection de l'enfance, qui a des représentants dans tout le pays, et qui joue un rôle de prévention et de conciliation. Il peut par exemple prendre des mesures d'urgence lorsqu'un enfant est en danger ou risque d'entrer en conflit avec la loi. Il travaille aussi en collaboration avec les juges.

26. En ce qui concerne la situation économique, force est de reconnaître que les programmes mis en oeuvre en collaboration avec le FMI et la Banque mondiale ont eu des effets négatifs sur la famille et l'enfance, notamment en raison de l'augmentation des prix et de la réduction du nombre d'emplois. C'est pourquoi le gouvernement s'efforce d'atténuer les effets négatifs de cette nécessaire restructuration économique sur les familles à faible revenu. Par exemple, l'augmentation des prix ne s'applique pas à cette catégorie de population et les familles nécessiteuses reçoivent une aide de l'Etat. Malgré les difficultés rencontrées, le principe de l'enseignement gratuit obligatoire a été maintenu. Toutes ces mesures ont été rendues possibles par un taux de croissance annuel de l'économie qui se situe entre 5 et 6 %.

27. En ce qui concerne la diffusion des principes de la Convention, il convient de rendre hommage aux ONG qui apportent une contribution essentielle dans ce domaine. De nombreux colloques et séminaires portant sur les droits de l'enfant ont été organisés. L'un d'entre eux, organisé en collaboration avec la CEE, avait pour but de préparer le code de la protection de l'enfance. Des campagnes d'éveil et d'information sont également organisées par les médias, notamment la chaîne de télévision nationale réservée à la jeunesse.

28. M. CHERIF (Tunisie) dit qu'en matière d'héritage, de tutelle, de garde et de pension alimentaire, le gouvernement a pris récemment des mesures législatives visant à instaurer l'égalité entre les hommes et les femmes (voir par. 118 et 119 du rapport). Dans ces domaines, il a réussi à appliquer la chari'a de manière éclairée. C'est ainsi par exemple que lorsque le père ou la mère décède avant le grand-père, il n'y a plus de discrimination, en matière d'héritage, entre les petits-fils et les petites-filles.

29. Pour ce qui est des réserves et déclarations concernant la Convention, elles n'empêchent pas le gouvernement d'adapter, dans toute la mesure possible, la législation du pays aux dispositions de cet instrument, comme en témoignent les modifications apportées au Code du statut personnel, la législation concernant les mineurs délinquants et le Code de protection de l'enfant. Il convient de rappeler que les instruments internationaux ratifiés par la Tunisie sont de ce fait automatiquement incorporés au droit interne. De nombreux pays ratifient des instruments internationaux sans formuler aucune réserve, sachant pertinemment que nombre de leurs dispositions législatives sont incompatibles avec celles de ces instruments; la Tunisie a quant à elle opté pour la clarté, la franchise et la cohérence en formulant certaines réserves. Cela ne signifie évidemment pas qu'elle écarte toute possibilité de reconsidérer ses réserves le moment venu.

30. M. HAMMARBERG se félicite de ce que la Tunisie prenne très au sérieux à la fois la lettre et l'esprit de la Convention. Il rappelle cependant qu'aucune réserve "incompatible avec l'objet et le but de la Convention n'est autorisée" (art. 51 de la Convention). Les trois déclarations formulées lors de la ratification ont une très grande portée puisque le Gouvernement tunisien y déclare qu'il ne prendra en application de la Convention aucune décision législative ou réglementaire en contradiction avec la Constitution tunisienne, que son engagement pour l'application des dispositions de la présente Convention sera pris dans les limites des moyens dont il dispose et enfin que le préambule ainsi que les dispositions de la Convention, notamment l'article 6, ne seront pas interprétés comme faisant obstacle à l'application de la législation tunisienne relative à l'interruption volontaire de grossesse. Les deux premières réserves portent elles aussi sur des dispositions essentielles de la Convention puisqu'elles tendent à limiter le champ d'application des articles 2 et 40. M. Hammarberg se demande si ces réserves et ces déclarations sont véritablement nécessaires étant donné l'importance que revêt la défense des droits de l'enfant pour le Gouvernement tunisien.

31. Mme SANTOS PAIS se félicite de ce que la délégation tunisienne ait accepté d'engager un dialogue constructif sur la question des réserves. Le Comité attache une grande importance non seulement à la ratification universelle de la Convention mais aussi à l'adhésion universelle aux principes qui y sont énoncés. Or certaines réserves, par leur portée, et certaines déclarations, par leur imprécision, risquent de donner lieu à des interprétations de la Convention qui ne s'inspirent pas de l'intérêt supérieur de l'enfant. Or s'il est indiqué dans le rapport que les dispositions de la Convention peuvent être invoquées devant les tribunaux, rien n'est dit en revanche sur la façon dont elles seront interprétées par le juge.

32. En ce qui concerne le principe de non-discrimination, on ne peut que se féliciter des modifications apportées au Code du statut personnel en vue de surmonter les obstacles rencontrés dans ce domaine immédiatement après la ratification de la Convention. On peut penser qu'au moment de la ratification, il n'existait pas en Tunisie un cadre juridique permettant d'adopter la Convention sans formuler la réserve à propos de l'article 2, qui concerne le mariage et le droit successoral. La délégation tunisienne a tenu à cet égard des propos encourageants et le moment est peut-être venu pour la Tunisie d'envisager le retrait de ses réserves afin de contribuer à l'acceptation universelle du contenu de la Convention. Puisqu'elle assure actuellement la présidence de l'OUA, la Tunisie pourrait jouer un rôle moteur dans ce sens.

33. En ce qui concerne la distinction entre réserve et déclaration, il y a lieu de rappeler que d'après l'article 2.1 d) de la Convention de Vienne sur le droit des traités, l'expression "réserve" s'entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat quand il ratifie un traité, par laquelle il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet Etat. L'article 27 du même instrument dispose qu'une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit interne comme justifiant la non-exécution d'un traité.

34. Pour ce qui est de la surveillance de l'application de la Convention et de la coordination des différentes activités en faveur de l'enfance, il convient de se féliciter de la création du Ministère de la jeunesse et de l'enfance. En effet, les enfants disposent ainsi d'un porte-parole permanent au sein du gouvernement. On peut cependant se demander si les autres ministères ne risquent pas de se désintéresser quelque peu du sort des enfants sous prétexte qu'un ministère spécifique s'occupe de ces derniers. Il ne serait donc pas inutile de savoir si le Ministère de la jeunesse et de l'enfance reçoit un véritable soutien de la part des autres ministères et s'il existe un mécanisme efficace de coordination et de suivi concernant la politique de l'enfance.

35. Mme BADRAN dit qu'il existe deux catégories de tutelle : le tuteur peut être chargé de veiller sur la personne ou de gérer les biens de celle-ci. Dans certains pays arabes, la femme peut être tutrice aux biens, mais ne peut être tutrice à la personne. Qu'en est-il en Tunisie ?

36. M. YOUSSEF (Tunisie), répondant à la question relative à la surveillance de l'application de la Convention, dit que c'est le Ministère de la jeunesse et de l'enfance qui est chargé de veiller au respect de l'intérêt supérieur de l'enfant aux niveaux national, régional et local. Le Conseil supérieur de l'enfance, qui relève de ce Ministère, joue un rôle de coordination dans ce domaine et émet des avis consultatifs sur toutes les questions intéressant l'enfance. Il se compose des représentants des départements ministériels concernés par les problèmes de l'enfance, d'une bonne partie des organisations s'occupant de l'enfance, de parlementaires et de diverses personnalités s'intéressant à l'enfance. Tous les six mois, le Ministère de la jeunesse et de l'enfance soumet au Conseil supérieur de l'enfance un certain nombre de questions que celui-ci examine à la lumière des données démographiques fournies par l'Institut national de la statistique et des données relatives à l'éducation, à la santé, aux affaires sociales et à la famille fournies par les différents départements ministériels. Le Conseil supérieur de l'enfance procède également à l'évaluation des programmes mis en oeuvre par les différents départements ministériels. Différents centres de recherche spécialisés ont été créés, notamment le Centre de recherche et de documentation sur la jeunesse, l'enfance et les sports et le Centre d'étude, de recherche et d'information sur la femme, afin de mener des études permettant de suivre l'évolution de la situation de l'enfant et de la femme dans le pays.
37. S'agissant des priorités, il faut préciser que le gouvernement a toujours accordé une place prioritaire à l'enseignement et à la santé. De plus, depuis quelques années, il accorde une attention particulière aux handicapés. Le Ministère des affaires sociales mène actuellement une étude sur cette catégorie de la population en vue d'élaborer une politique de prévention et de prise en charge des personnes souffrant d'un handicap. Le Ministère de l'enfance et de la jeunesse étudie actuellement, en collaboration avec le Commissaire chargé de la protection de l'enfance, les moyens d'accroître l'aide en faveur des enfants en situation difficile, notamment les orphelins. Enfin, M. Youssef précise que les résultats des travaux menés par les différents centres de recherche sont publiés et diffusés.

M. HAMMARBERG demande si les autorités tunisiennes ont envisagé la possibilité d'établir un organe indépendant chargé de surveiller la mise en oeuvre de la Convention par les pouvoirs publics.

M. YOUSSEF (Tunisie) reconnaît que tout système de contrôle doit lui-même être contrôlé. Cependant, à l'heure actuelle, la Tunisie ne dispose pas d'un organe indépendant chargé de surveiller la mise en oeuvre de la Convention par les autorités. Toutefois, le Conseil supérieur de l'enfance regroupe tous les intervenants, gouvernementaux ou non, concernés. Tous les participants peuvent apporter des informations et formuler des propositions au gouvernement.

M. ZOUARI (Tunisie) précise, en ce qui concerne la coordination, que le Ministère de la jeunesse et de l'enfance est représenté au sein de nombreuses institutions nationales, telles que le Conseil économique et social et le Conseil de la formation et de l'emploi par exemple. Par ailleurs le Ministère de la jeunesse et de l'enfance joue un rôle essentiel dans la préparation des plans quinquennaux. On peut également citer l'action de la Commission tunisienne des droits de l'homme qui, bien que constituée par le chef de l'Etat, est une instance non gouvernementale qui s'occupe également des droits de l'enfant.

A propos des réserves, M. Zouari explique que les autorités tunisiennes ont le souci très clair d'être crédibles. C'est pourquoi elles ont formulé certaines réserves, afin d'être sûres de donner véritablement effet à la Convention. Cela dit, le Gouvernement tunisien est ouvert à la discussion en la matière. En ce qui concerne la réserve relative aux dispositions de l'alinéa b) v) du paragraphe 2 de l'article 40, concernant la procédure d'appel, M. Zouari informe le Comité du fait que la Tunisie est allée bien au-delà des exigences de la Convention, puisque le Code de procédure pénale prévoit non seulement que les jugements rendus sur le fond par le juge des enfants sont susceptibles d'appel mais également "que le juge peut à tout moment, à la requête du mineur, de ses parents, de son tuteur ou de la personne qui en a la garde, modifier les décisions qui ont été rendues sans comparution du mineur et sont devenues définitives par l'expiration des délais d'appel". Par ailleurs, le Gouvernement tunisien a effectivement déclaré qu'il ne prendrait en application de la Convention aucune décision législative ou réglementaire en contradiction avec la Constitution; la Convention étant parfaitement en harmonie avec la Constitution, cette déclaration ne pose aucun problème. Il reste que le Gouvernement tunisien n'est pas en mesure de prendre le moindre engagement concernant la réserve relative aux droits de succession. Si les autorités tunisiennes sont hostiles à toute discrimination et favorables à l'égalité entre garçons et filles, il n'en va pas de même pour l'opinion publique, qui n'est pas encore prête à accepter ce type de changement. Les autorités tunisiennes font donc tout ce qui est en leur pouvoir pour faire évoluer les mentalités mais ce processus prendra du temps.

M. CHERIF (Tunisie) dit que, en matière de tutelle, le Code du statut personnel prévoit que les deux époux coopèrent pour la conduite des affaires de la famille, l'éducation des enfants, ainsi que la gestion des affaires de ces derniers, y compris l'enseignement, les voyages et les transactions financières. La mère exerce donc la tutelle sur les personnes et le patrimoine de ses enfants au même titre que le père. C'est ainsi que l'article 6 du Code du statut personnel stipule que le mariage des enfants mineurs est soumis à l'autorisation de la mère. En cas de désaccord de la mère, seul le juge peut trancher, en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant. En cas de divorce des parents, si la garde des enfants mineurs est accordée à la mère, celle-ci se voit conférer les prérogatives de la tutelle en ce qui concerne les voyages des enfants, leurs études et la gestion de leurs comptes financiers. De même, si le père est absent, malade ou incapable d'exercer sa tutelle, le juge peut accorder toutes les autres prérogatives de la tutelle à la mère et en priver le père. En réalité, toutes ces dispositions visent à privilégier l'intérêt des enfants et non celui des parents. Ainsi, par exemple, avant de prononcer le divorce de deux êtres qui ont des enfants mineurs, le juge impose trois tentatives de conciliation, ce qui n'est pas le cas lorsque le couple n'a pas d'enfant.

M. Cherif précise, par ailleurs, en ce qui concerne la réserve portant sur les possibilités de recours, que toute décision du juge pour enfant peut faire l'objet d'un appel devant le tribunal d'instance supérieure et que les jugements à caractère pénal ne peuvent être soumis qu'à la cassation.

Mme BADRAN constate que deux mécanismes spécifiques de protection de l'enfance coexistent en Tunisie : le Conseil supérieur de l'enfance et le Ministère de la jeunesse et de l'enfance. Mme Badran croit comprendre que le premier est chargé de la coordination et de la planification des mesures prises en faveur de l'enfance et non de la mise en oeuvre des politiques et des mesures en la matière. On peut donc supposer que c'est le Ministère de la jeunesse et de l'enfance qui est chargé de cette tâche. Mme Badran souhaite savoir quelles sont les politiques mises en oeuvre par le Ministère de la jeunesse et de l'enfance et ce qu'elles ont de spécifique par rapport aux mesures et politiques exécutées par le Ministère de l'éducation, le Ministère de la santé ou le Ministère des affaires sociales, par exemple.

Mme SANTOS PAIS se félicite de ce que le Ministère de la jeunesse et de l'enfance plaide en permanence pour la protection de l'enfance. Il semble toutefois qu'il devrait se charger aussi de la coordination des actions entreprises et de l'évaluation sectorielle des politiques mises en oeuvre dans le domaine de l'enfance. La création d'un service chargé de la promotion et de la protection des droits de l'enfant au sein de chaque ministère est une initiative louable et Mme Santos País se demande s'il existe un mécanisme analogue au niveau des provinces et des gouvernorats.

Par ailleurs, étant donné que la délégation tunisienne a déclaré qu'il n'y avait pas la moindre incompatibilité entre la Convention et la Constitution de la République tunisienne, on voit mal la raison d'être de la déclaration formulée en la matière. De même, si les dispositions du droit tunisien vont plus loin que ce qui est prévu à l'alinéa b) vi) du paragraphe 2 de l'article 40 de la Convention, les autorités tunisiennes pourraient retirer la réserve formulée à cet égard, puisque, aux termes de l'article 41 de la Convention, "aucune des dispositions de la Convention ne porte atteinte aux dispositions plus propices à la réalisation des droits de l'enfant qui peuvent figurer" dans la législation d'un Etat partie. Pour ce qui est de la réserve émise à l'article 2 de la Convention, et du principe de l'égalité entre les enfants, Mme Santos País note que les autorités tunisiennes considèrent qu'il est positif que la Convention ne se contente pas d'une attitude défensive interdisant toute forme de discrimination mais adopte, au contraire, une série de dispositions et de mesures positives engageant les Etats parties dans une voie pouvant assurer, de façon tangible et réelle, le principe de l'égalité entre les enfants et estiment que les perspectives d'avenir résident, sans doute, dans la nécessité d'éliminer toutes les discriminations juridiques et sociales à l'égard, par exemple, des mères célibataires. Mme Santos País constate donc avec satisfaction que les autorités tunisiennes reconnaissent l'existence d'un problème dans le domaine de la non-discrimination mais souhaitent oeuvrer en faveur d'une évolution de la situation. Elle estime en effet que le législateur a un rôle extrêmement important à jouer pour faire évoluer les mentalités en la matière.

M. HAMMARBERG dit que les observateurs qui prendraient connaissance des réserves et déclarations formulées par la Tunisie sans avoir participé aux débats au sein du Comité pourraient se faire une idée fausse des raisons qui les ont motivées. En effet, la première déclaration peut laisser croire que des contradictions pourraient surgir à l'avenir entre la Convention et la Constitution tunisienne. C'est pourquoi, s'il n'y a véritablement aucune incompatibilité entre la Convention et la Constitution, M. Hammarberg suggère aux autorités tunisiennes de retirer cette déclaration. En ce qui concerne la deuxième déclaration, il faut rappeler que le paragraphe 3 de l'article 27 de la Convention stipule que "les Etats parties adoptent les mesures appropriées, compte tenu des conditions nationales et dans la mesure de leurs moyens" pour aider les parents et autres personnes ayant la charge de l'enfant à mettre en oeuvre le droit de l'enfant à un niveau de vie suffisant. La deuxième déclaration semble signifier que la mise en oeuvre des autres droits de l'enfant s'inscrira également dans la limite des moyens dont le Gouvernement tunisien dispose, ce qui, d'après la délégation tunisienne, n'est pourtant pas le cas. Ici encore la déclaration est susceptible d'être à l'origine d'un malentendu regrettable.

M. YOUSSEF (Tunisie) précise que chaque ministère a des attributions particulières dans le domaine de l'enfance. Toutefois, contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays, arabes ou appartenant à l'aire d'influence française, les questions relatives à l'enfance n'ont jamais fait partie des attributions du Ministère des affaires sociales, qui est chargé des catégories défavorisées de la population, au sens large. Le Ministère des affaires sociales ne s'occupe que des enfants souffrant de handicaps et de la prévention de la délinquance juvénile. Le Ministère de la jeunesse et de l'enfance a, pour sa part, des attributions précises dans trois domaines spécifiques : l'éducation préscolaire, les activités formatrices, culturelles et sportives pour les enfants d'âge scolaire (de 6 à 14 ans) pendant leurs loisirs et la mise en oeuvre de programmes de sauvegarde des enfants en situation socialement difficile. Dans ce dernier domaine, le Ministère de la jeunesse et de l'enfance a, par exemple, récemment créé des foyers, appelés "communautés d'enfants", qui fonctionnent à l'image de la structure familiale tunisienne et comprennent de 8 à 12 enfants sous la responsabilité d'un couple d'éducateurs.

Enfin, comme il a été précisé auparavant, le Ministère de la jeunesse et de l'enfance plaide la cause des enfants à tous les niveaux ministériels et notamment auprès du Ministère du développement économique, afin que les programmes en faveur de l'enfance figurent dans les plans de développement.

M. ZOUARI (Tunisie) réaffirme que les autorités tunisiennes sont ouvertes au dialogue et disposées à la réflexion en ce qui concerne les réserves qu'elles ont formulées. Toutefois, les mentalités n'évoluent pas vite et, malgré les programmes d'éducation et de sensibilisation de l'opinion publique mis en oeuvre, les autorités tunisiennes ne peuvent pas encore s'engager à retirer les réserves relatives à la succession.

La PRESIDENTE se demande si le Ministère de l'enfance et de la jeunesse est également chargé du suivi et de l'évaluation des programmes en faveur de l'enfance. En ce qui concerne les réserves, même si le Comité est parfaitement conscient du fait que le Ministre de la jeunesse et de l'enfance n'est pas habilité à retirer immédiatement les réserves formulées par les autorités tunisiennes, il espère que le dialogue engagé avec lui incitera le Gouvernement tunisien à approfondir sa réflexion en la matière. Le Comité prend note avec satisfaction des dispositions législatives positives adoptées dans certains domaines couverts par les réserves formulées par la Tunisie.
La séance est levée à 18 h 10.
-----

©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland