Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.194
23 mai 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 194ème séance : Poland. 23/05/95.
CRC/C/SR.194 . (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Huitième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 194ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le mardi 17 janvier 1995, à 10 h 20


Présidente : Mme BADRAN


SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties

- Rapport initial de la Pologne (suite)









Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

GE.95-15164 (F)
La séance est ouverte à 10 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial présenté par la Pologne (suite) (CRC/C/8/Add.11; CRC/C.8/WP.4)

1. La PRESIDENTE invite la délégation polonaise à répondre aux questions que les membres du Comité lui ont posées la veille.

2. M. JAKUBOWIAK (Pologne) dit que le gouvernement a pleinement conscience des problèmes que pose le SIDA. C'est pourquoi il a créé un organisme, financé par le Ministère de la santé, en vue de sensibiliser la population, notamment les jeunes, aux dangers que représente cette maladie. De nombreux documents ont été publiés afin d'informer l'opinion publique sur les données épidémiologiques relatives à cette maladie et d'éviter l'exclusion des malades du SIDA par la population. Actuellement le nombre des personnes séropositives s'élève à 2 500.

3. En ce qui concerne les minorités, notamment les Tziganes, le gouvernement a créé un organisme chargé de veiller à ce que les incidents isolés dont des minorités ont été victimes et que les Polonais regrettent vivement, ne se reproduisent pas.

4. M. SAWICKI (Pologne), abordant les questions relatives au travail des enfants, à la mendicité, aux enfants abandonnés, aux sévices infligés aux enfants et à la prostitution des enfants, dit que ces problèmes sont extrêmement complexes, car ils mettent en jeu à la fois l'individu et la société dans son ensemble. Ils sont notamment dus à la baisse du niveau de vie de certains groupes sociaux. Le travail des enfants ne représente pas un problème particulier en Pologne. En effet, les enfants effectuent parfois de petits travaux après l'école, dans des stations-service, par exemple, mais ne sont jamais employés dans des activités de spectacle ou de divertissement. Quant à la mendicité, le gouvernement est préoccupé par ce problème, mais il lui est difficile d'y remédier dans la mesure où les enfants qui s'y livrent appartiennent pour la plupart à des familles roumaines entrées illégalement en Pologne afin d'y chercher du travail.

5. S'agissant des enfants abandonnés, quiconque connaît un enfant dans cette situation est tenu d'en informer la police. L'enfant est alors placé dans un des établissements décrits au paragraphe 99 du rapport. En ce qui concerne les enfants victimes de mauvais traitements ou de la postitution, une institution non gouvernementale, subventionnée par le gouvernement, a été créée pour leur venir en aide. Dans les principales villes, quiconque a connaissance de mauvais traitements infligés à une enfant peut dénoncer ces pratiques en appelant un numéro de téléphone qui a été créé spécialement à cet effet et qui est porté à la connaissance du public par les organes d'information. Ce système sera étendu à l'ensemble du pays et un organe public de coordinaton sera mis sur pied pour renforcer la lutte contre les sévices infligés aux enfants et l'utilisation des enfants à des fins de prostitution.


6. Mme SKOCZYNSKA-SOROKO (Pologne) indique que pour le Gouvernement polonais, les expressions "intérêt supérieur de l'enfant" et "bien-être de l'enfant" recouvrent en fait la même notion ainsi qu'il est précisé au paragraphe 59 du rapport, et comme il ressort de la première phrase du paragraphe 50 où il est dit que "l'article 3 de la Convention souligne que dans toutes les décisions prises par des institutions publiques ou privées ou par des individus, le bien-être de l'enfant doit être une considération primordiale".

7. S'agissant de la discrimination dont les filles seraient victimes en ce qui concerne l'âge légal du mariage, il faut savoir que la jeune fille qui se marie devient titulaire d'un grand nombre de droits conférés aux adultes par les conventions internationales ou par le droit interne, tout en conservant les droits que lui confère son statut d'enfant; elle peut, par exemple, faire des études et, si elle a des enfants, elle a l'autorité parentale sur eux, qu'elle n'aurait pas si elle n'était pas mariée.

8. Pour ce qui est de la possibilité qu'a le juge de ne pas faire comparaître un enfant dans un procès pour des raisons éducatives (voir par. 43 et 69 du rapport), il faut préciser qu'une telle décision n'est prise que dans les cas où l'intérêt de l'enfant serait menacé, notamment dans les affaires de retrait partiel ou de déchéance de l'autorité parentale. En tout état de cause, l'enfant est entendu au préalable par un psychologue et le juge se range généralement à l'avis de celui-ci. De même, l'avis des psychologues des "centres de diagnostic familial" a une influence déterminante sur les décisions des juges en matière de divorce et de séparation. Certes, l'enfant n'est pas entendu par le tribunal, mais son point de vue est pris en considération; par exemple, s'il souhaite vivre avec son père plutôt qu'avec sa mère, le juge tiendra compte de sa volonté.

9. En ce qui concerne les maisons de correction où sont placés les jeunes délinquants, les juges aux affaires familiales exercent un contrôle permanent sur ces établissements. Ces jeunes ont le droit de s'adresser directement au juge aux affaires familiales pour toute question les concernant. Les personnes qui infligent des sévices psychologiques, physiques ou sexuels à des jeunes filles ou qui sont impliquées dans la prostitution de mineures de 15 ans sont passibles des peines prévues par la loi. En 1992, environ 400 affaires relevant de cette catégorie ont été enregistrées. Les jeunes filles qui se livrent à la prostitution font l'objet de mesures éducatives si elles ont moins de 13 ans et de mesures correctionnelles si elles sont âgées de 13 à 18 ans. Enfin, l'enlèvement et la vente d'enfants sont punis par la loi, mais sont rares en Pologne.

10. M. KUZNIAR rappelle qu'à la séance précédente, la Pologne a été accusée de fabriquer et d'exporter des mines terrestres antipersonnel. La délégation polonaise souligne à ce propos que la Pologne a été parmi les auteurs de la résolution 48/75 K de l'Assemblée générale des Nations Unies en date du 18 octobre 1994, intitulée "Moratoire sur l'exportation de mines terrestres antipersonnel". En effet, conscient des effets meurtriers de ces mines sur les populations, notamment les enfants, le Gouvernement polonais a décidé de ne plus en produire ni en exporter. Il conviendrait donc à l'avenir de s'informer davantage avant de porter des accusations aussi graves.

11. Le gouvernement ne dispose pas de statistiques sur le taux de chômage des personnes âgées de 20 à 30 ans mais on sait que 57,4 % des chômeurs sont âgés de moins de 34 ans. Si 1,7 % des personnes ayant fait des études supérieures et 7,7 % des personnes ayant fait des études secondaires sont au chômage, la proportion de chômeurs est plus élevée pour celles qui ont suivi un enseignement professionnel. Des enquêtes ont montré que le chômage influe sur la planification familiale. Un tiers des couples interrogés ont déclaré que si l'un des deux conjoints était au chômage, ils reporteraient la naissance du premier enfant ou la naissance des enfants suivants. Les femmes non mariées sont encore plus touchées par les difficultés en cas de chômage. Des mesures sociales pourraient donc partiellement remédier à cette situation.

12. M. JAKUBOWIAK, abordant la question des violences commises au sein de la famille, dans les établissements scolaires et dans d'autres institutions, dit que de tels actes sont souvent liés à l'alcoolisme, problème important puisque la consommation d'alcool de la population a doublé entre 1989 et 1994, probablement en raison des difficultés dues à la période de transition. Quoi qu'il en soit, tous les cas de violence qui sont signalés font l'objet d'une enquête approfondie. Il faut préciser toutefois que les cas de violences dans les établissements scolaires et les autres institutions restent isolés et sont le fait de personnes inadaptées à leurs fonctions.

13. Mme BELEMBAOGO, tout en reconnaissant les efforts déployés par les pouvoirs publics et les organisations non gouvernementales pour améliorer la situation des enfants malgré les difficultés financières, se déclare préoccupée par les imprécisions qui subsistent dans l'interprétation des principes fondamentaux de la Convention, notamment ceux de la non-discrimination et de l'intérêt supérieur de l'enfant. Certaines mesures législatives doivent être rendues conformes aux dispositions de la Convention. S'agissant des châtiments corporels, il semble qu'aucune mesure n'ait été prise pour protéger les enfants. Certes, la délégation a assuré qu'ils étaient rares à l'école mais il reste qu'en vertu du Code du travail, les enseignants qui s'en rendraient coupables jouissent de l'impunité de poursuites, ce qui pourrait encourager ces abus.

14. Mme Belembaogo se demande si la loi de 1968 sur la famille est toujours en vigueur; elle prévoit que les pères qui, pour des raisons professionnelles, sont obligés de séjourner à l'étranger peuvent être déchus de l'autorité parentale et ne pas bénéficier des mesures visant au regroupement familial, ce qui est préjudiciable à leurs enfants obligés de rester en Pologne. Par ailleurs, Mme Belembaogo a l'impression que l'on s'efforce de maintenir en vigueur des lois qui correspondent à l'attitude et aux mentalités de la population, alors que la ratification de la Convention, dont les dispositions ont un caractère universel, oblige au contraire les pays à adapter leur législation.

15. S'agissant de l'âge minimum du mariage, plus tardif pour les garçons que pour les filles au motif que ces dernières sont pubères plus tôt, cette attitude propre à de nombreux pays bat en brèche le principe de la non-discrimination qui, du reste, s'applique pour la majorité civile. Le fait que les filles soient en mesure de procréer plus tôt que les garçons n'est pas un argument suffisant. Par ailleurs, il convient de souligner que le concept de responsabilité paternelle fait de plus en plus place à celui d'autorité parentale, autrement dit d'égalité de responsabilités entre père et mère. Mme Belembaogo, saluant l'ouverture d'esprit de la délégation, souhaiterait qu'elle précise son interprétation de la Convention afin que le Comité puisse formuler des suggestions à ce sujet aux autorités.

16 M. HAMMARBERG se souvient qu'il y a vingt ans des Suédoises qui voulaient une interruption de grossesse allaient en Pologne. Aujourd'hui, c'est l'inverse. Certes, le Comité reste neutre en ce qui concerne l'avortement mais il estime qu'il faut toujours s'intéresser aux circonstances qui conduisent àrecourir à cet acte. La sévérité de la législation polonaise en matière d'avortement est préoccupante car elle risque de favoriser les abandons d'enfants. Les prestations accordées aux mères célibataires dans le besoin sont-elles suffisantes ? Il conviendrait de s'intéresser de plus près à cette question. En effet, quelque 100 000 enfants, handicapés pour la plupart, sont placés dans des foyers ou dans des institutions. Ce chiffre est élevé et il faudrait prendre des mesures destinées à encourager davantage de familles àaccueillir des enfants.

17. D'après la délégation polonaise, les abus sexuels dans les familles et la recrudescence de l'alcoolisme sont liés. Quelles politiques ont été mises en place pour les contrecarrer ? Le Parlement, les pouvoirs publics et la société en général doivent adopter une position ferme à cet égard et faire comprendre à tous les parents que les abus sexuels sont condamnables.

18. En ce qui concerne les châtiments corporels à l'école, selon une étude menée en 1990 par le Center Programme of Basal Investigations (CPBP), 18 % des enfants déclarent qu'ils sont soumis à des châtiments corporels à l'école. On peut toujours contester la validité d'une enquête, mais il n'en reste pas moins que la situation mérite d'être examinée de plus près, d'autant plus que, d'après une autre source, des enseignants auraient affirmé que les châtiments corporels constituaient un bon moyen de faire régner la discipline à l'école. Le Parlement a-t-il interdit les châtiments corporels à la maison, dans les foyers d'enfants ou à l'école ?

19. Mme EUFEMIO, évoquant le droit des enfants de donner leur avis sur la garde en cas de séparation des parents, relève que, selon le rapport, les enfants ne peuvent exprimer leur opinion sur leur adoption qu'à 13 ans. Considère-t-on que ce n'est qu'à cet âge que les enfants font preuve de discernement ? Au sujet de l'adoption, Mme Eufemio se demande si le Gouvernement polonais a l'intention de ratifier la Convention sur la protection des enfants en matière d'adoption internationale.

20. Mme Eufemio voudrait des précisions sur les critères appliqués pour prononcer le divorce puisque le juge peut refuser le divorce, ce qui peut nuire à l'intérêt supérieur de l'enfant, obligé de vivre dans une ambiance de disputes violentes perpétuelles, par exemple.

21. Constatant que le nombre de familles monoparentales a augmenté, Mme Eufemio fait observer que les mères célibataires ont besoin non seulement d'une assistance financière et matérielle, mais aussi d'un appui moral et psychologique. Elle se demande si la Pologne ne devrait pas effectuer une étude approfondie sur la situation des mères célibataires, comme l'ont fait d'autres pays, et si le gouvernement serait disposé à financer une telle étude qui déboucherait sur la mise en place d'un programme de soutien. Elle aimerait savoir par ailleurs si les travailleurs sociaux reçoivent une formation spéciale pour pouvoir mieux s'occuper des familles monoparentales.

22. Mme SANTOS PAIS, saluant les efforts déployés par la délégation pour répondre aux questions du Comité, estime comme d'autres membres du Comité, qu'il faut réfléchir davantage à l'influence que la Convention doit avoir sur les lois, la politique et les attitudes et chercher à considérer la situation des enfants sous d'autres angles. Les principes généraux de la Convention doivent être examinés de plus près, notamment les principes de la non-discrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant et du respect de son avis. Ainsi, il semble, à la lecture du rapport, que l'autorité parentale prime sur l'opinion de l'enfant. Le Code polonais de la famille prévoit que les parents ne sont privés de leur autorité parentale que lorsqu'ils en abusent ou qu'ils négligent leurs responsabilités de façon flagrante; l'intérêt supérieur de l'enfant peut être en jeu dans des situations moins extrêmes et il faudrait que les institutions sociales et les tribunaux agissent plus tôt.

23. Remarquant que, selon le rapport, il n'existe pas de dispositions interdisant expressément la torture, les mauvais traitements ou les châtiments corporels et que seule la cruauté est sanctionnée, Mme Santos País souligne que ce n'est pas un hasard si l'article 9 de la Convention établit que l'enfant doit être séparé de ses parents lorsque ces derniers le maltraitent ou le négligent, sans préciser le degré de gravité de ces mauvais traitements ou négligences. Elle se demande s'il est envisagé de prendre des mesures pour remédier à cette situation et si la conférence qui a été consacrée à la violence à l'égard des enfants et à ses conséquences sociales a été suivie d'effet. De même il est peut-être nécessaire de mettre en place des mécanismes pour veiller à ce que les enfants soient à l'abri de mauvais traitements, àl'école et dans les institutions où ils peuvent être placés. L'absence de dispositions juridiques relatives aux mauvais traitements est préoccupante. Les autorités polonaises devraient s'inspirer des articles 19 et 37 de la Convention.

24. Au sujet de la justice des mineurs il est indiqué au paragraphe 41 du rapport que la responsabilité pénale est fixée à 16 ou à 17 ans, selon la nature du délit. Or, selon une publication de l'UNICEF, les enfants peuvent être privés de liberté et placés dans des maisons de rééducation dès l'âge de 13 ans et en 1991 un nombre élevé d'enfants de 13 à 15 ans se trouvaient dans ces établissements. De plus, certains motifs qui peuvent justifier le placement d'un enfant dans ce genre d'établissements, par exemple "la perte de sens moral", sont mal définis et laissent une trop grande liberté d'interprétation aux juges, ce qui est contraire à l'esprit de la Convention; des éclaircissements à cet égard seraient souhaitables. Par ailleurs, ces enfants peuvent être placés avec des délinquants juvéniles, avec tous les risques que cela comporte. Il faut prendre des mesures de prévention qui traitent de la situation de ces enfants lorsque des symptômes "pathologiques", selon la terminologie des autorités, se manifestent dans leur famille ou leur entourage. Il est essentiel de prendre en considération la dignité de l'enfant et son désir de prendre une part active à la société.

25. S'agissant des enfants réfugiés, Mme Santos País est bien consciente qu'une nouvelle législation à cet égard est en cours de préparation mais souhaiterait connaître la situation des enfants non accompagnés qui demandent l'asile, et ce qui se passe dans le cas des enfants en situation illégale dans le pays qui n'ont pas le statut de réfugiés et sont sur le point d'être expulsés. L'article 37 de la Convention consacre le droit des enfants privés de liberté à une assistance juridique. Les enfants qui, de fait, sont privés de liberté par des officiers d'immigration ou qui demandent le statut de réfugiés, bénéficient-ils d'une assistance de ce type ?

26. M. KOLOSOV constate que les lois et règlements administratifs adoptés par la Pologne ainsi que les institutions chargées de veiller à leur application et les mécanismes de contrôle mis en place témoignent de la volonté des autorités polonaises de protéger l'enfant. Cela étant, il aimerait savoir si le nombre de mineurs délinquants, prostitués, abandonnés ou travaillant dans la rue a augmenté ou baissé car ce n'est qu'au regard de ces tendances que l'on peut juger de l'efficacité de la législation et des mécanismes existants. Si la délégation polonaise ne dispose pas de ces informations, les autorités pourront les communiquer ultérieurement par écrit.

27. Mme SARDENBERG, revenant à la question de la scolarité, se déclare préoccupée par le fait que les autorités reconnaissent que compte tenu de la faible densité de la population rurale, il est difficile d'ouvrir des écoles primaires dans les régions rurales puisque pour ce faire, il faut qu'il y ait au minimum dix élèves. Elle aimerait savoir ce que font les enfants qui n'ont pas d'école dans leur village. De plus, il apparaît que la plupart des jeunes des zones rurales ne peuvent poursuivre des études secondaires et que les programmes scolaires ne répondent pas aux besoins des enfants de familles rurales. Elle se demande si les autorités ne pourraient pas élaborer un programme spécial mieux adapté aux besoins des enfants vivant dans ces régions.

28. La PRESIDENTE propose au Comité de suspendre la séance pour laisser à la délégation polonaise le temps de préparer ses réponses.

La séance est suspendue à 11 h 40; elle est reprise à 12 h 10.

29. M. JAKUBOWIAK (Pologne) tient tout d'abord à préciser que la différence entre les hommes et les femmes pour ce qui est de l'âge du mariage n'est pas considérée comme discriminatoire en Pologne, qu'elle n'a donné lieu à aucune plainte et n'a fait l'objet d'aucun débat. C'est une situation qui résulte de la législation et des traditions polonaises. Au demeurant la loi admet des exceptions et les parents peuvent autoriser leur fille ou leur fils à se marier avant l'âge minimum prescrit.

30. En ce qui concerne les observations formulées à propos de la législation interdisant l'avortement, M. Jakubowiak précise que des exceptions sont prévues. La loi en question ne porte pas expressément sur l'avortement, mais a pour objet la planification familiale. Elle impose aux Ministères de la protection sociale, de l'éducation et de la santé diverses obligations devant favoriser la planification familiale. Un programme a ainsi été élaboré avec la coopération d'instances internationales et l'assistance financière du Fonds des Nations Unies pour la population; il prévoit des actions que les organismes de planification familiale relevant du Ministère de la santé sont chargés de mettre en oeuvre. Il n'a pas encore permis de répondre àtoutes les attentes, mais il est sans cesse amélioré et fait l'objet d'un débat constant afin de concilier les points de vue de ceux qui préconisent le respect de la liberté de chacun et de ceux qui sont plus attachés aux traditions. Le Ministère de la protection sociale doit aussi mettre au point un programme spécial en faveur des familles monoparentales et notamment des mères célibataires. Il a créé à cet effet un fonds spécial doté aujourd'hui de près d'un milliard de zlotys. La loi fait également obligation aux différents ministères de présenter chaque année un rapport au Parlement sur la mise en oeuvre de leurs programmes respectifs. Cette loi, entrée en vigueur il y a près de deux ans devrait permettre d'améliorer à long terme les conditions de vie de l'enfant.

31. En ce qui concerne le problème de l'alcoolisme, M. Jakubowiak signale qu'il existe une loi contre l'abus d'alcool, qui vise à protéger la population de l'alcoolisme ainsi qu'un organisme gouvernemental chargé de mettre au point une stratégie pour lutter contre ce problème. Cet organisme, financé par le Ministère de la santé dont il dépend, doit présenter chaque année un rapport au Parlement, lequel formule ses recommandations. Sur la base de ce rapport, le gouvernement doit adopter une politique dont la mise en oeuvre incombe essentiellement aux autorités locales qui peuvent prélever des taxes sur les alcools et mettre au point des programmes sociaux, en particulier en faveur des enfants exposés à des situations dangereuses liées à l'alcoolisme.

32. Pour ce qui est du nombre d'enfants placés en institutions qui a été mentionné au cours de l'examen du rapport, M. Jakubowiak aimerait savoir de quelles institutions il s'agit et d'où les chiffres cités sont tirés, car ils ne correspondent pas du tout aux données dont il dispose. Concernant l'éducation surveillée, M. Jakubowiak rappelle qu'en 1991 les tribunaux ont décidé d'appliquer des mesures éducatives ou correctives dans le cas de 12 050 mineurs qui avaient commis des infractions pénales. Dans 90 % des cas, les mesures éducatives sont conçues de façon à être appliquées dans le cadre familial du mineur. En 1991, 5 045 mineurs ont été placés sous la surveillance d'un tuteur désigné par le tribunal et 2 995 sous la surveillance renforcée des parents; 1 916 mineurs ont reçu une admonestation, 601 ont été placés dans un établissement de caractère éducatif, 882 ont été condamnés avec sursis àl'éducation surveillée et 405 ont été effectivement placés dans un établissement de ce type. M. Jakubowiak reconnaît que les conditions de vie dans les établissements d'éducation surveillée sont mauvaises. L'ombudsman a fait une enquête et établi un rapport qui a donné lieu à des recommandations et des mesures ont été prises. M. Jakubowiak se propose d'envoyer par écrit au Comité un complément d'information à ce sujet.

33. M. SAWICKI (Pologne), répondant aux observations concernant les écoles dans les zones rurales, pense que l'application de programmes spéciaux pour ces écoles constituerait une mesure discriminatoire. La priorité en matière d'investissements et d'équipements est donnée aux écoles rurales, mais il faudrait aussi mettre en place des infrastructures, ce qui nécessite des fonds considérables. Cela étant, la situation des villages sur le plan matériel et culturel s'est améliorée depuis quatre ou cinq ans, et des efforts continuent à être déployés en ce sens. Pour ce qui est de la scolarisation des enfants vivant dans de petits villages, M. Sawicki ne pense pas que la création d'écoles pour une dizaine d'enfants soit une bonne solution, car ces écoles ne pourraient offrir un enseignement aussi complet qu'un établissement plus grand. Il faut savoir qu'un système de ramassage scolaire gratuit permet aux enfants des très petits villages d'aller à l'école dans des villages plus grands. D'après ses informations, les écoles de villages compteraient en moyenne 80 élèves.

34. En ce qui concerne la prostitution des enfants et les autres types d'exploitation des enfants, il est exact que la situation a tendance às'aggraver. Dans ce domaine également, il est urgent de créer un organisme public chargé de veiller à la mise en oeuvre de la Convention.

35. S'agissant des enfants qui feraient l'objet de mauvais traitements àl'école, il est important de mentionner qu'une loi a été adoptée au lendemain de la seconde guerre mondiale pour interdire formellement les châtiments corporels à l'école. Certes des cas isolés d'enseignants qui maltraitent leurs élèves se produisent mais lorsque l'infraction est prouvée, l'auteur de tels agissements est immédiatement révoqué.

36. Mme SKOCZYNSKA-SOROKO (Pologne) précise que, conformément à la législation polonaise, un enfant polonais ne peut être adopté à l'étranger que si l'adoption est impossible en Pologne. Il existe un organisme central chargé de l'adoption, par lequel doivent passer toutes les demandes d'adoption nationale et internationale.

37. Par ailleurs, la notion de "perte du sens moral chez les jeunes", mentionnée au paragraphe 6 du rapport de la Pologne, n'est pas réellement définie dans la loi de 1982 concernant la procédure applicable aux délinquants mineurs. En réalité, il appartient au juge de déterminer dans chaque cas si tel ou tel enfant présente l'un des symptômes d'une perte du sens moral, qui peut être l'alcoolisme, la toxicomanie, la pratique de la prostitution ou le vagabondage.

38. En ce qui concerne les mères célibataires, Mme Skoczynska-Soroko signale à l'attention des membres du Comité un programme social d'envergure spécialement mis sur pied à leur intention et ajoute que de nombreuses organisations féminines déploient des efforts considérables pour les aider.

39. Enfin, s'il est exact que le phénomène de la délinquance juvénile est de plus en plus préoccupant, il ne faut pas oublier qu'il est lié à la situation économique difficile du pays.

40. M. JAKUBOWIAK (Pologne) tient à préciser qu'une situation dans le cadre de laquelle un enfant réfugié serait condamné à une peine de prison est totalement impossible.

41. En conclusion, M. Jakubowiak rappelle que son pays est en train de construire une nouvelle société démocratique et que ce processus peut être quelquefois douloureux. L'Etat doit élaborer une nouvelle législation et en même temps veiller à sa mise en oeuvre. A cet égard, le Parlement est actuellement très vigilant sur la manière dont les lois qu'il a adoptées sont appliquées, notamment dans le domaine des droits de l'enfant.

42. Mme SANTOS PAIS se félicite de la franchise dont la délégation polonaise a fait preuve au cours de l'examen du rapport ainsi que de son intention de faire état des recommandations du Comité aux autorités compétentes. Elle se félicite également de l'intention exprimée par la délégation polonaise d'étudier un retrait éventuel des réserves formulées par la Pologne lors de la ratification de la Convention. Cela étant, certaines préoccupations demeurent, notamment en ce qui concerne la coordination entre les organismes publics, les ONG et les autorités centrales et locales, la sensibilisation de l'opinion publique à la nécessité de promouvoir et de respecter les droits de l'enfant et les programmes de formation destinés à certains groupes professionnels. Il est également nécessaire que la réforme législative prévue en Pologne soit mise en oeuvre conformément aux principes généraux consacrés par la Convention. Les lois nouvelles ou modifiées devront traiter de la question des mauvais traitements dont les enfants pourraient être victimes, au sein de la famille ou en dehors de celle-ci. Il est urgent de se pencher sur la situation des enfants placés en institutions. Dans le domaine de la justice des mineurs, il est important que les autorités polonaises s'efforcent d'aligner la législation polonaise sur la Convention ainsi que sur les normes internationales existantes. Il convient en particulier de protéger les droits des enfants privés de liberté, ainsi que des enfants confrontés à la justice. Dans ce contexte, Mme Santos País tient à rappeler qu'aux termes des Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, "par privation de liberté, on entend toute forme de détention, d'emprisonnement, ou le placement d'une personne dans un établissement public ou privé dont elle n'est pas autorisée à sortir à son gré, ordonnés par une autorité judiciaire, administrative ou autre".

Enfin, Mme Santos País invite le Gouvernement polonais à faire appel àl'assistance technique du Centre pour les droits de l'homme dans les domaines de la formation des groupes professionnels en contact avec les enfants et de la réforme législative envisagée.

43. Mme SARDENBERG reconnaît que la Pologne vit actuellement une période de transition qui peut comporter des aspects négatifs. Cela étant, le moment est particulièrement adéquat pour oeuvrer au changement des mentalités. On a en effet souvent l'impression que la société polonaise est réticente à accepter la notion même de droits de l'enfant. C'est pourtant dès à présent qu'il faut former une nouvelle génération de citoyens responsables. Il est donc nécessaire de multiplier les efforts de sensibilisation de l'opinion publique et de s'employer à combler l'écart entre les intentions exprimées et la capacité réelle des autorités polonaises de s'organiser d'un point de vue institutionnel, ainsi qu'entre le cadre juridique existant et les mesures réellement mises en oeuvre, notamment en faveur des groupes les plus vulnérables de la société.

44. M. HAMMARBERG se félicite de l'intention affichée par la délégation polonaise de tenir compte des recommandations du Comité et estime qu'il importe d'améliorer les structures administratives de surveillance de l'application de la Convention et de coordination entre les divers organismes concernés par les droits de l'enfant. Il est également indispensable d'améliorer la formation des divers groupes professionnels en contact avec les enfants et de sensibiliser davantage l'opinion publique aux questions relatives aux droits de l'enfant.
45. Mme EUFEMIO reste, pour sa part, préoccupée par les problèmes qui peuvent découler de l'idée dominante, dans certaines sociétés, que les enfants n'ont d'autre choix que d'obéir. Il est certes difficile de changer les mentalités, mais cette évolution est nécessaire.

46. M. KOLOSOV s'associe aux remarques et préoccupations des autres membres du Comité.

47. La PRESIDENTE remercie la délégation polonaise de la franchise et de l'esprit d'ouverture dont elle a fait preuve et ne doute pas qu'elle transmettra les recommandations du Comité aux autorités polonaises compétentes.

48. La délégation polonaise se retire.

La séance est levée à 13 h 5.

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