Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1104
8 août 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1104ème seance : Mexico. 08/08/95.
CERD/C/SR.1104. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Quarante-septième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1104ème SEANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève,
le 2 août 1995, à 15 heures.


Président : M. GARVALOV


SOMMAIRE

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention

Neuvième et dixième rapports du Mexique


La séance est ouverte à 15 h 20.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour)

Neuvième et dixième rapports périodiques du Mexique (CERD/C/260/Add.1)

1. Sur l'invitation du Président, la délégation mexicaine prend place à la table du Comité.

2. M. GONZALEZ FELIX (Mexique) indique que les neuvième et dixième rapports du Mexique, qui correspondent respectivement aux périodes 1990-1992 et 1992-1994 ont été réunis en un document unique (CERD/C/260/Add.1) à la demande du Comité, afin d'en faciliter l'examen. De ce fait, le rapport du Mexique est un document de synthèse qui ne récapitule pas ce qui a déjà été fait. Il convient donc de l'examiner conjointement avec les rapports précédents. Il est axé sur la situation des populations autochtones pour répondre à l'intérêt accordé à cette question par le Comité lors de l'examen des septième et huitième rapports du Mexique, et, parce que le Mexique considère l'amélioration du sort de ces populations comme l'un des principaux objectifs qu'il doit atteindre pour éliminer les formes les plus pénibles de la misère. Des renseignements plus récents sur d'autres questions, notamment sur la situation dans l'Etat du Chiapas, sont également fournis dans un rapport complémentaire établi à la demande du Comité à sa dernière session, qui a été distribué en tant que document de travail du Comité. Ces renseignements portent sur la période 1991-1994.

3. Le Gouvernement mexicain réaffirme que le phénomène de la discrimination raciale n'existe pas au Mexique. On y trouve néanmoins des formes de discrimination causées par des réalités socio-économiques qui frappent malheureusement les groupes les plus vulnérables - les femmes, les mineurs faisant l'objet d'une mesure de privation de liberté, les handicapés, les travailleurs migrants, les personnes âgées et les autochtones - dont le dénominateur commun est la pauvreté extrême qui est à la fois cause et conséquence de marginalisation économique, sociale et culturelle.

4. Le gouvernement du président Ernesto Zedillo, qui a pris ses fonctions en 1994, a décidé d'établir une nouvelle relation entre l'Etat, la société et l'ensemble des populations autochtones mexicaines pour mettre en place un nouveau contrat social qui revitalisera la République et l'action des institutions et transformera l'idée que les Mexicains se font d'eux-mêmes. Il compte mettre en oeuvre, dans les domaines législatif et administratif, un programme d'action de grande ampleur dont il est en train de définir le contenu exact. A titre d'exemple, le programme national de développement des peuples autochtones qui sera basé sur le Plan national de développement pour la période 1995-2000, sera prêt en novembre 1995.

5. Pour ce qui est des droits réalisables dans l'immédiat, le Mexique a appliqué toutes les dispositions de la Convention et, en général, des instruments juridiques relatifs à la protection des droits de l'homme auxquels il est partie. Il faut rappeler que le Mexique ne dispose pas d'une législation spéciale concernant la discrimination raciale étant donné que la législation mexicaine contient des dispositions applicables en la matière, y compris sur le plan pénal. A ce jour, aucune action en justice n'a été enregistrée et aucune plainte n'a été formulée à l'échelon international au motif de la discrimination raciale.

6. Le Gouvernement mexicain considère que la protection des droits de l'homme constitue l'obligation primordiale de l'Etat. C'est pourquoi il s'attache à prendre des mesures pour supprimer les obstacles à la réalisation de certains droits des membres de groupes particulièrement vulnérables. Il est dit dans le Plan national de développement qu'à la veille du XXIe siècle, le principal défi que le Mexique doit relever consiste à réduire la pauvreté et à atténuer les inégalités entre les différentes couches de la population, le problème social le plus urgent étant l'extrême pauvreté. Près de 14 millions de Mexicains ne peuvent satisfaire leurs besoins les plus élémentaires et la pauvreté et la marginalisation frappent particulièrement la population autochtone. En 1990, 41 % des autochtones, âgés de plus de 14 ans étaient analphabètes et 37 % n'avaient aucune instruction scolaire. 83 % de ceux qui avaient un emploi recevaient un salaire inférieur au salaire minimum. La grande majorité des autochtones vivait dans des communautés sans accès aux avantages sociaux ni aux services publics de base. En bref, les autochtones sont les plus pauvres des pauvres. Il en découle que les phénomènes de discrimination qui se produisent au Mexique n'ont pas leur origine dans le racisme mais dans une discrimination de caractère socio-économique qui frappe les plus démunis, dont certains membres des communautés autochtones aussi bien dans les zones rurales que dans les centres urbains. C'est l'extrême pauvreté qui rend ces personnes vulnérables et les expose à des abus et à l'indifférence.

7. Il est difficile de chiffrer la population autochtone car le Mexique considère qu'il serait discriminatoire de classer la population en fonction de la race, du groupe ethnique ou de la religion de chacun. D'après les estimations qui sont établies à des fins strictement statistiques, il y aurait au Mexique 7 à 10 millions d'autochtones, imprécision due au fait que les recensements sont basés sur le critère linguistique selon lequel les autochtones sont les personnes parlant une langue autochtone. Ce critère est évidemment insuffisant. La Convention No 169 de l'OIT relative aux peuples indigènes et tribaux vivant dans des pays indépendants définit les autochtones en fonction de leur ascendance autochtone et des institutions qui leur sont propres. La conscience de l'identité autochtone est aussi, conformément à cette convention, un critère fondamental. Malheureusement, le fait que certains autochtones cachent leur identité autochtone en raison de la notion de misère associée à cette condition complique les opérations de recensement. Mais, comme on l'a déjà dit, au Mexique, personne ne se définit en fonction de critères raciaux et, toute classification de la population selon de tels critères serait considérée comme une forme de racisme. Encore une fois, c'est la misère qui est le facteur déterminant de la marginalisation de groupes très importants de la population, y compris de ceux qui se déclarent autochtones, et c'est parce qu'ils sont pauvres qu'une attention particulière est accordée aux autochtones dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Diverses mesures ont été prises à cet effet sur la base de la réforme constitutionnelle dont il est question aux paragraphes 85 à 90 du rapport.

8. Ce n'est que depuis 1991 que le Mexique, Etat pourtant millénaire, s'est reconnu juridiquement comme une nation pluriethnique et multiculturelle. Après l'accession à l'indépendance, il y a près de deux siècles, les populations autochtones ont été considérées dans le meilleur des cas comme des peuples à civiliser et à assimiler culturellement. La révolution de 1910 a eu le mérite de revaloriser les civilisations précolombiennes par opposition à l'européisme qui l'avait précédé, sans rompre toutefois avec une politique d'intégration des autochtones dans l'ensemble plus vaste de la population métissée, ce qui s'est traduit par des mesures qui sous-estimaient la capacité des cultures autochtones à contribuer à l'effort national de développement. A bien des égards, on a privilégié une approche paternaliste qui a conduit à penser que la pauvreté était la conséquence de l'existence de différentes cultures au sein de la nation. Les maigres résultats de cette politique d'intégration et d'assistance appliquée pendant plusieurs décennies ont amené les Mexicains à comprendre que c'était une erreur de vouloir à tout prix constituer un pays homogène en niant les origines profondes de la nation mexicaine. La réforme de l'article 4 de la Constitution en 1991 a permis de reconnaître la diversité culturelle comme une source de richesse dont surgira le Mexique de demain.

9. Les revendications historiques des populations autochtones concernent l'administration de la justice, la propriété des terres et la fourniture de services de base ainsi que la création des conditions qui leur permettraient d'exercer effectivement leurs droits politiques. Vu sous cet angle, il s'agit en grande partie d'un problème de ressources. Cependant au-delà de ces besoins qui varient d'une région à l'autre, les autochtones revendiquent le droit de maîtriser leur propre destin. La modernisation du Mexique exige certes l'élimination de la misère, mais les communautés autochtones veulent en outre que leurs systèmes d'organisation sociale, y compris leurs mécanismes de règlement des différends et leur droit d'élire leurs propres représentants, soient respectés en tant qu'expression de leur richesse culturelle et de leur capacité de continuer à contribuer au progrès national. La diversité culturelle de la population mexicaine étant reconnue par la Constitution, il faut maintenant adapter l'ensemble de la législation du Mexique pour éliminer tous les phénomènes de caractère discriminatoire. C'est à cette fin que les autorités compétentes, en premier lieu l'Institut national pour les autochtones, a annoncé une révision de la législation relative aux ressources naturelles (terres, eau, forêts) et à tous les aspects de l'administration de la justice, sans se limiter aux questions agraires et à l'éducation.

10. Reconnaître que les populations autochtones sont capables de prendre les décisions concernant leur vie quotidienne suppose la mise en place de formes nouvelles d'organisation administrative au niveau des communautés. On étudie actuellement les moyens de développer leur capacité d'autogestion, notamment par la création, dans le cadre d'un processus de décentralisation d'une nouvelle entité administrative qui serait dotée des ressources nécessaires et d'attributions bien déterminées. Si cette idée se concrétisait, il faudrait procéder à une nouvelle réforme constitutionnelle afin d'intégrer ce nouveau maillon administratif dans le régime des communes. Ces mesures devraient promouvoir le développement des formes d'organisation sociale qui distinguent les Indiens des autres membres de la communauté nationale.

11. Présentant ensuite le rapport complémentaire consacré dans sa majeure partie au conflit qui a éclaté en 1994 dans l'Etat du Chiapas, M. Gonzalez Felix dit que ce conflit est la douloureuse expression du désespoir né de la misère, en dépit du fait que le Chiapas est l'Etat auquel ont été allouées le plus de ressources ces dernières années au titre du développement social. De 1991 à 1994, le montant des dépenses sociales au Chiapas a augmenté de 93,3 % en valeur absolue et de 48,6 % en valeur réelle.

12. Il convient de signaler tout d'abord que dès le début du conflit, le gouvernement fédéral a reconnu la validité de certains des motifs qui ont incité des membres des communautés autochtones à la révolte. Ces motifs ont pour origine la marginalisation économique et sociale des peuples autochtones et sont sans rapport avec le racisme ou la discrimination raciale. L'armée zapatiste de libération nationale (EZLN) n'a fait d'ailleurs état d'aucun problème qui pourrait être lié à la discrimination raciale au sens de la Convention. Ses principales revendications concernent la terre, le logement, l'emploi, l'alimentation, la santé, l'éducation, la culture, l'information, la démocratie, la liberté, la justice et la paix. La Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) n'a relevé aucune plainte pour discrimination raciale en liaison avec les événements au Chiapas parmi les 564 plaintes qu'elle a reçues au cours de la période de mai 1994 à mai 1995.

13. L'action de l'Etat a consisté à mettre en place des programmes ambitieux dans divers domaines : santé, éducation, communications, création d'emplois, lutte contre la pauvreté dans les zones rurales par l'acquisition de terres en vue de leur redistribution et transferts de ressources, ce qui impliquait l'instauration d'un dialogue avec ceux qui avaient eu recours à la violence. En conséquence, l'Etat a ordonné la cessation unilatérale des hostilités, et il a pris des mesures pour répondre aux revendications des groupes marginalisés du Chiapas, mesures qui sont exposées en détail dans le rapport complémentaire du Mexique. Ainsi, au début du conflit, le nombre de personnes déplacées s'élevait à 22 000. A partir de février 1995, le Comité interinstitutionnel d'assistance aux personnes déplacées par le conflit a élaboré un programme de réinsertion des groupes de personnes déplacées dans leurs communautés d'origine, qui suppose non seulement l'exécution de projets offrant de nouvelles possibilités de développement durable mais aussi la réinstallation de ces groupes dans des conditions de sécurité. Ce processus a permis à 18 500 personnes de retourner progressivement dans 174 communautés dans la zone où s'étaient déroulés les événements violents de 1994.

14. La stratégie adoptée par le Gouvernement mexicain vise à résoudre les problèmes liés à la propriété de la terre et à l'administration de la justice tant au Chiapas que dans d'autres régions du Mexique. Ces derniers mois, le Procureur chargé des questions agraires a satisfait à plus de 80 % des demandes relatives à des problèmes qui se posaient dans l'Etat du Chiapas. Il a en outre intensifié les activités du Programme d'établissement d'actes et de certificats relatifs à la propriété des terrains communaux (PROCEDE) qui a pour but de réduire les incertitudes juridiques liées à la propriété des terres. A ce jour, près de 40 000 actes ou certificats de propriété ont été délivrés à plus de 15 000 familles du Chiapas. L'accès dans des conditions d'égalité aux tribunaux et le strict respect du droit à une procédure régulière sont des conditions indispensables à une meilleure administration de la justice. Cela suppose une mise à jour des registres de l'état civil qui permettrait aux personnes de disposer de documents d'identité en bonne et due forme. Une formule qui habiliterait les autorités de communautés autochtones à certifier les renseignements permettant d'établir la filiation est à l'étude. Un vaste programme de formation des avocats commis d'office pour familiariser ces auxiliaires de la justice avec les coutumes des communautés autochtones et leur permettre d'assister les autochtones au cours des procédures judiciaires a été également mis en place. De même, on forme des interprètes qui assisteront les autochtones ne parlant pas l'espagnol. En 1995, l'Etat a ainsi consacré quelque 129 millions de dollars au Chiapas.

15. En ce qui concerne la solution politique du conflit, M. Gonzalez Felix rappelle que l'armée mexicaine s'est limitée à garantir la sécurité des habitants des zones touchées et n'a fait usage de la force qu'en cas de légitime défense. Dix jours seulement après le début du conflit et pour rétablir la paix sociale au Chiapas, des négociations ont été entamées avec les groupes armés sur le contenu d'un accord futur de concorde et de pacification; elles se poursuivent activement. Cet accord vise à supprimer les causes du conflit, à reconnaître les problèmes socio-économiques qui sont à l'origine des demandes de l'EZLN, à y donner des solutions institutionnelles et à prendre les mesures voulues pour que les membres de l'EZLN participent à la vie politique du pays. Une loi d'amnistie doit, en son temps, assurer la réintégration dans l'ordre juridique de ceux qui ont, pour des motifs légitimes ou non, agi en marge de la loi. M. Gonzalez Felix se félicite que, depuis le 12 janvier 1914, aucun heurt ne se soit produit au Chiapas.

16. Tout ce qui précède démontre que le Gouvernement mexicain s'est conformé strictement aux dispositions de la Convention. Il reconnaît ses manquements, mais montre clairement sa volonté de créer les conditions de la pleine réalisation de tous les droits de l'homme, essentielle à la consolidation de l'état de droit. Les faits concrets qui viennent d'être exposés montrent bien le caractère prioritaire de la promotion des droits de l'homme dans la politique de l'Etat mexicain. Pour conclure, M. Gonzalez Felix dit que la délégation mexicaine est disposée à participer sans réserve à un dialogue constructif avec les membres du Comité pour préciser le contenu du rapport de son pays.

17. M. WOLFRUM (Rapporteur pour le Mexique) dit que le rapport du Mexique (CERD/C/260/Add.1) est tout à fait remarquable par la franchise sans précédent avec laquelle les failles dans l'application des instruments relatifs aux droits de l'homme, en particulier la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, y sont exposées. De son côté, le représentant de ce pays a apporté au Comité des éléments d'information très intéressants. Cependant, M. Wolfrum n'est pas convaincu par la présentation que le représentant du Mexique a faite des progrès accomplis. Leur divergence de vues s'explique peut-être par l'interprétation différente que chacun d'eux donne de la discrimination raciale. Selon M. Wolfrum, la discrimination raciale, telle qu'elle s'entend dans la Convention, est non seulement celle qui est institutionnalisée par un Etat, mais aussi celle qui se manifeste par des politiques ou pratiques perpétuant la marginalisation et la paupérisation de certains groupes ethniques, ce qui lui paraît être justement le cas au Mexique.

18. Les événements qui se sont produits au Chiapas semblent indiquer, en effet, que certains groupes autochtones mexicains sont victimes de discrimination. Certes, deux petites semaines après le début des heurts entre l'EZLN et l'armée mexicaine, le gouvernement a décidé de chercher à régler le conflit par des voies politiques plutôt que militaires, mais il n'est pas certain du tout que la solution soit effectivement en bonne voie, ne serait-ce que parce que c'est l'armée régulière qui a pris en main la répression, avec les arrestations, les détentions, les fouilles et les saisies que cela entraîne. De plus, si le gouvernement a effectivement pris des mesures en faveur des réfugiés et des personnes déplacées et pour rétablir les services et l'infrastructure, rien ne prouve que ces mesures répondent aux demandes des zapatistes. Lorsqu'il a énuméré ces demandes, le représentant du Mexique a dit qu'elles n'avaient aucun lien avec la Convention. M. Wolfrum s'inscrit en faux contre une telle affirmation : ces demandes ressortissent bel et bien à l'application de la Convention, notamment de ses articles 2 et 5.

19. Une première faiblesse du système mexicain est l'absence de recensement fiable de la population autochtone, faute de critères permettant de dire qui est Indien et qui ne l'est pas. De l'aveu même des autorités, le seul critère linguistique ne suffit pas à caractériser un Indien, lequel peut aussi se définir par sa culture ou son attachement à la terre et à un type de vie communautaire, comme il est dit au paragraphe 8 du rapport. Il semblerait, selon les chiffres officiels, que la population autochtone soit au minimum de 7 millions de personnes - dont plus d'un million ne parlent que leur langue autochtone -, soit 9 % de la population totale, et qui sont réparties entre 56 groupes ethniques différents. Cette population vit principalement au sud du pays et dans les régions rurales. Elle se caractérise par le fait qu'elle considère la terre comme une propriété non transférable, un moyen de production et non une marchandise, et même un véritable élément de son identité ethnique. Les autres groupes ethniques vivant au Mexique sont les descendants d'Africains importés comme esclaves, et les descendants de Chinois, d'Européens et d'Américains du Nord; ils sont généralement bien intégrés.

20. En ce qui concerne la situation juridique des Indiens du Mexique, M. Wolfrum note que si les droits de l'homme sont garantis à tous par la Constitution fédérale de 1917, celle-ci est muette sur les droits et besoins spécifiques des peuples autochtones, alors qu'elle reconnaît les "droits sociaux" de tel ou tel groupe défavorisé de la population. Ce n'est qu'en 1992 qu'en vertu d'un amendement à l'article 4 de la Constitution ont été explicitement reconnus des droits constitutionnels spéciaux aux peuples autochtones vivant sur le territoire mexicain. L'importance de cet amendement tient au fait qu'il reconnaît que le Mexique est une nation pluriethnique et pluriculturelle (comme indiqué aux paragraphes 20 et 158 du rapport) et qu'il n'est plus question de créer une société ethniquement homogène. Il n'en reste pas moins que les Indiens sont, de fait, victimes de discrimination dans bien des domaines comme il est précisé aux paragraphes 44 et 165 du rapport, et que, contrairement à ce qui est expliqué aux paragraphes 158 et 161 et à ce qu'a dit M. Gonzalez Felix, c'est bien de discrimination qu'il s'agit, non pas d'extrême pauvreté. M. Wolfrum répète que la Convention, à l'alinéa c) du paragraphe 1 de son article 2, fait obligation aux Etats de modifier, d'abroger ou d'annuler les textes ayant pour effet de perpétuer la discrimination raciale. Les Etats doivent donc agir concrètement sur les situations de discrimination, c'est-à-dire non seulement adopter des lois mais les faire appliquer. Tant que les textes réglementant l'application de l'article 4 n'auront pas été adoptés et mis en oeuvre, cet article restera une promesse, sans plus. M. Wolfrum demande donc s'il existe un projet de texte d'application de l'article 4 de la Constitution.

21. S'agissant du droit pénal, le paragraphe 76 du rapport expose en détail les importantes modifications apportées à la législation pénale par le nouveau gouvernement, notamment aux dispositions du Code de procédure pénale qui prévoient que tout suspect, victime ou témoin non hispanophone, a le droit de bénéficier des services d'un interprète, et que le juge doit s'informer de l'éventuelle appartenance d'un prévenu à un groupe autochtone et des caractéristiques et pratiques propres à ce groupe. En revanche, le rapport ne dit pas si, étant donné la multiplicité des langues indiennes, les interprètes sont assez nombreux, si le juge doit lui-même avoir connaissance des diverses cultures indiennes ou s'il peut s'adresser à des experts, et s'il y a des juges qui sont eux-mêmes d'origine indienne. A ce propos, M. Wolfrum souligne que les Indiens représentant environ 9 % de la population du pays, ils devraient être représentés dans cette proportion dans les emplois publics. Il pose la question au représentant du Mexique, mais doute que tel soit le cas. M. Wolfrum aimerait aussi avoir des explications sur le cas des 700 Indiens détenus que, selon l'Institut national pour les autochtones (INI), les tribunaux n'ont pas pu juger dans les délais légaux. Il se félicite que, par ailleurs, l'INI ait réussi à faire libérer un grand nombre d'autochtones détenus (par. 184 à 187) et que la Commission nationale des droits de l'homme s'efforce d'informer la population autochtone de ses droits (par. 265 à 268), mais il voudrait savoir si les personnes chargées d'administrer la justice connaissent bien les coutumes et les lois indiennes et si, comme il l'a promis aux zapatistes, le Gouvernement mexicain a créé des circonscriptions judiciaires coïncidant géographiquement avec les communautés autochtones. Ces mesures permettraient au moins aux juges exerçant dans ces circonscriptions d'apprendre par la pratique. Quant à une éventuelle réforme de fond du droit pénal positif, le rapport fait seulement mention, au paragraphe 201, de quelques projets et propositions, sans en préciser la teneur. Cependant, certaines des dispositions du Code pénal ont été utilisées dans l'Etat du Chiapas contre des autochtones qui manifestaient pacifiquement contre l'arbitraire de propriétaires terriens ou de fonctionnaires. En réponse à la demande de l'EZLN d'abroger le Code pénal du Chiapas, le Gouvernement mexicain s'est déclaré prêt à instituer un nouveau code. M. Wolfrum demande si cet engagement a été suivi d'effet et si le gouvernement a aboli les dispositions qui permettaient de réprimer les manifestations et réunions pacifiques.

22. M. Wolfrum passe ensuite à une question clef pour les populations autochtones, celle de la terre, essentielle à leur subsistance (par. 21) et à leur identité. Presque toutes les violations des droits de l'homme des Indiens ont résulté de conflits qui les ont opposés aux propriétaires terriens et aux autorités locales. Or l'article 27 de la Constitution, qui date de 1917, fait obligation au gouvernement de faire en sorte que les groupes qui, en droit ou en fait, ont le statut de communauté, possèdent légalement des terres, des forêts et des eaux, soit par restitution, soit par constitution de ces biens. En principe, la propriété privée est interdite sur les ejidos (terrains communaux). Malheureusement, l'application de l'article 27 a soulevé d'innombrables problèmes pratiques : des propriétés privées se sont constituées sur les ejidos, les responsables de la répartition des terres ont parfois alloué les meilleures parcelles à des particuliers et les démarches engagées par une communauté pour obtenir des terres peuvent durer jusqu'à 15 ans. Tout cela est à l'origine de tensions et les autochtones n'ont plus que la violence pour se faire entendre, provoquant ainsi, bien sûr, la réaction, tout aussi brutale, des autorités. Le rapport indique (par. 80 à 84 et 188 à 195) que le Gouvernement mexicain a institué le Bureau du procureur chargé des questions agraires ainsi que des tribunaux agraires et un programme national (PROCEDE) pour remédier à cet état de choses; malheureusement, il ne dit rien des effets pratiques de ces mesures. Il serait utile que la délégation mexicaine apporte les informations voulues sur ce sujet.

23. De toute évidence, les mesures administratives prises par le Gouvernement mexicain sont insuffisantes pour garantir aux Indiens un traitement juste et équitable lors de la distribution des terres. Les droits des groupes autochtones sont certes ignorés dans de nombreuses autres parties du pays mais l'exemple le plus frappant à cet égard est celui du Chiapas dont la population ne représente que 3 à 4 % de la population totale du Mexique mais est impliquée dans 25 à 30 % des conflits fonciers dans ce pays. Pendant des décennies, les propriétaires terriens souvent en opposition avec les autorités locales et l'armée ont dépossédé les peuples autochtones de leurs terres. Les Indiens ont ainsi été progressivement chassés des terres fertiles de la côte Pacifique vers les régions montagneuses du centre et finalement à l'est vers la forêt tropicale qui ne se prête guère à l'agriculture. Cela fait longtemps que le Gouvernement mexicain est accusé par les organisations de défense des droits de l'homme de ne rien faire pour mettre un terme à la violence dans les zones rurales, considérant qu'elle est inévitable.

24. De plus, la situation économique des communautés autochtones semble s'être aggravée depuis l'adhésion du Mexique à l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Pour moderniser son secteur agricole, le gouvernement a procédé en 1992 à une réforme radicale du régime de propriété des terres en modifiant l'article 27 de la Constitution et en promulguant une nouvelle loi agraire. Les réformes législatives introduites en février 1992 autorisent des particuliers et des sociétés à devenir propriétaires de terres autrefois communautaires et permettent la formation de coentreprises entre les personnes installées sur ces terres et les investisseurs privés ou d'autres propriétaires terriens ainsi que l'investissement direct de fonds étrangers dans le secteur des ejidos. Cette réforme visait à protéger l'intégrité des terres des autochtones mais dans le même temps, le droit, énoncé au paragraphe X de l'article 27 de la Constitution, à l'octroi d'une terre par l'Etat a été supprimé, le Gouvernement mexicain estimant qu'une nouvelle distribution des terres ne ferait qu'entraîner une baisse de la productivité, et un accroissement de la pauvreté. Les communautés autochtones du Mexique voient dans cette réforme une menace pour leurs activités économiques et de ce fait pour leur identité. M. Wolfrum souhaiterait donc obtenir des informations sur leurs réactions et sur les effets concrets de la réforme constitutionnelle de 1992. Dans sa réponse initiale aux demandes formulées par l'EZLN, le Gouvernement mexicain avait promis que les besoins et souhaits spécifiques de la population indienne dans le domaine de la réforme agraire seraient pris en compte dans une loi générale sur les droits des communautés autochtones mais M. Wolfrum ne sait pas si cette loi a déjà été adoptée et reste très sceptique quant aux mesures prises.

25. Abordant la question de l'éducation et de la culture, M. Wolfrum dit que l'article 4 de la Constitution, tel que modifié, prévoit expressément la protection et la promotion des langues et des cultures autochtones. Le Programme de modernisation de l'enseignement s'efforce d'assurer un meilleur accès de la population autochtone à l'enseignement à tous les niveaux et d'améliorer la qualité de l'enseignement bilingue et biculturel, en ce qui concerne les conditions matérielles, le personnel enseignant et l'assistance aux élèves autochtones. Des livres scolaires ont été publiés dans diverses langues autochtones. Toutefois, il n'existe pas encore de législation spécifique consacrant expressément le principe de l'enseignement bilingue et biculturel et établissant ses modalités d'application dans les écoles et les universités.

26. M. Wolfrum évoque ensuite les divers organismes créés au niveau fédéral pour promouvoir et protéger les droits des peuples autochtones, dont le plus ancien est l'Institut national pour les autochtones, qui a été créé en 1948 pour mettre en oeuvre la politique de l'Etat à l'égard des autochtones et dont les activités sont décrites aux paragraphes 91 à 95, 183 à 187 et 200 du rapport. Peu d'informations sont données cependant sur les fonctions réelles de cet institut. Il en est de même pour ce qui est du statut exact et des fonctions de la Commission nationale de justice pour les peuples autochtones créée en 1989 et de la Commission nationale de développement général et de justice sociale en faveur des peuples autochtones créée par le décret présidentiel du 19 janvier 1994, peut-être à la suite de la rébellion indienne au Chiapas. Il conviendrait aussi d'avoir plus de précisions sur les relations entre cette Commission et l'Institut national pour les autochtones. Enfin, la Commission nationale des droits de l'homme dont les activités sont largement décrites dans le document de base concernant le Mexique (HRI/CORE 1/Add.12/Rev.1) et dans le rapport à l'étude a été critiquée par le passé par les organisations de défense des droits de l'homme pour n'avoir pas osé agir contre des personnalités politiques importantes. Dans un rapport publié en juin 1994, elle a cependant reconnu que plusieurs violations des droits de l'homme avaient été commises par les membres de l'armée au cours du conflit au Chiapas et que près de 20 ans après le premier incident, le problème des expulsions forcées des Indiens du Chiapas n'était toujours pas réglé. Néanmoins, on peut avoir des doutes sur son efficacité car la plupart des recommandations qu'elle a formulées à l'issue d'enquêtes sur 140 cas de violations de droits de l'homme, sont restées lettre morte. M. Wolfrum aimerait avoir de plus amples informations sur les activités de cette Commission.

27. En ce qui concerne la situation économique et sociale des peuples autochtones au Mexique, il ressort assez clairement du rapport et de la présentation orale que les autochtones se trouvent dans une situation de pauvreté souvent extrême. De nombreuses ressources leur ont certes été allouées depuis 1992, mais leur situation est encore très précaire. Toutefois l'exode des autochtones vers les grandes villes n'a apparemment pas cessé, car ces agglomérations permettent aux autochtones d'avoir accès à des subventions qu'ils ne peuvent obtenir dans leur commune d'origine, surtout dans le domaine de l'alimentation et des transports. La discrimination les pousse souvent à cacher leur identité autochtone. M. Wolfrum estime qu'une telle situation constitue une violation de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et relève du mandat du Comité. Dans la plupart des cas, les territoires habités par les communautés autochtones offrent des ressources suffisantes pour favoriser le développement économique. Toutefois, dans la pratique, ces communautés disposent rarement des moyens financiers et technologiques nécessaires pour mettre en valeur leurs terres. La plupart des parcelles cultivées par les paysans indiens sont trop morcelées pour qu'ils puissent tirer de leur culture une production nécessaire pour assurer leur subsistance. De plus, le statut juridique exact de ces terres n'est pas clair. M. Wolfrum précise également que les ressources naturelles des territoires indiens ont été exploitées par des groupes d'intérêt puissants au détriment des communautés autochtones locales. Les autochtones ont vu leurs terres se détériorer puis ont été eux-mêmes expulsés par des éleveurs et des agriculteurs.

28. Passant au secteur de la santé et de l'éducation, M. Wolfrum dit qu'un grand nombre d'autochtones, en particulier ceux qui vivent dans les zones rurales, ne bénéficient pas de soins médicaux. La dénutrition est également répandue dans les zones autochtones. Le Gouvernement mexicain reconnaît qu'il n'existe dans l'alimentation traditionnelle des peuples autochtones aucun facteur intrinsèque qui explique ces taux élevés de dénutrition. En même temps, il précise que cette population ne bénéficie pas en général des programmes d'aide nutritionnelle. Il n'est donc pas surprenant que le taux de mortalité des enfants soit nettement supérieur à la moyenne nationale (34,82 %) dans les Etats à forte population autochtone comme au Chiapas (51,67 %) et à Oaxaca (49,78 %). La majeure partie de la population autochtone installée en milieu rural ne bénéficie pas de services d'alimentation en eau potable à domicile ou n'est pas raccordée à un réseau d'assainissement. L'absence de services sanitaires influe sur l'état de santé des autochtones. Leur accès au système d'enseignement public est par ailleurs limité. Il n'existe pas de système spécifique permettant de promouvoir l'éducation des enfants autochtones après l'école primaire. Bien que 5 000 bourses soient accordées à des autochtones dans le premier cycle de l'enseignement secondaire, le montant, très bas, de ces bourses ne leur permet pas de poursuivre leurs études.

29. D'autre part, l'infrastructure publique des territoires autochtones est insuffisamment développée. Une grande partie des territoires et des communautés autochtones se trouvent assez loin des routes et restent donc isolés. Cette situation s'explique non seulement par les conditions topographiques difficiles mais aussi par le faible rang de priorité accordé aux projets d'infrastructure publique dans les territoires autochtones. Les routes existantes ont été construites par les communautés autochtones elles-mêmes. En outre, une forte proportion des communautés autochtones ne dispose pas de moyens de communication, notamment de services de poste, de téléphone, de radiocommunication ou de télégraphe. Malgré les progrès accomplis dans l'électrification des zones rurales, nombreux sont les groupes autochtones qui n'ont toujours pas d'électricité. Enfin, pratiquement aucun groupe autochtone n'a bénéficié des grands travaux d'irrigation; par contre, un grand nombre d'entre eux ont subi les effets défavorables de la construction de grands barrages d'irrigation, ce qui a provoqué des déplacements des communautés qui se trouvent ainsi encore plus marginalisées.

30. M. Wolfrum ne conteste pas que le Gouvernement mexicain ait pris des mesures pour améliorer les conditions économiques et sociales des communautés autochtones en élaborant un certain nombre de programmes pour lutter contre la pauvreté dont les plus importants sont le Programme national de solidarité et le Programme national de développement des peuples autochtones. A l'heure actuelle, il est encore difficile d'évaluer l'impact de ces programmes, dans le cadre desquels ont été entrepris des projets de développement de l'infrastructure du pays, sur les conditions de vie des groupes autochtones du Mexique. Le Programme national de solidarité aurait cependant été un échec au Chiapas pour diverses raisons, notamment son utilisation à des fins politiques ou la construction d'ouvrages sans intérêt pour la population locale mais surtout à cause de la résistance opposée par les riches propriétaires terriens et les dirigeants de la branche locale du Parti révolutionnaire international (PRI) qui n'étaient pas prêts à voir leurs privilèges disparaître et à abandonner leurs pratiques corrompues. Le gouverneur de l'Etat du Chiapas en fonctions à l'époque, Patrocinio Gonzales Garrido, aurait été accusé dans un document confidentiel du gouvernement fédéral d'avoir ordonné l'arrestation de trois fonctionnaires du Programme de solidarité en 1992, parce qu'ils avaient refusé de lui laisser administrer les fonds du Programme. Il a pourtant été promu par la suite au poste de ministre de l'intérieur avant d'être contraint de démissionner après la rébellion indienne. L'efficacité du Programme de solidarité reste donc à prouver. Aussi bien le Comité des droits de l'homme que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels ont exprimé leur préoccupation devant la situation économique, sociale et culturelle de nombreux groupes autochtones qui souffrent des difficultés créées par la situation économique générale et la répartition inégale des richesses dans le pays. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a aussi constaté les difficultés que connaissent ces groupes pour préserver leur culture et enseigner leur langue. Il a noté en particulier que, bien que le gouvernement fasse publier et distribuer gratuitement des manuels dans 25 langues, les programmes officiels qui sont consacrés à ces groupes demeurent dans l'ensemble insuffisants.

31. En conclusion, M. Wolfrum dit qu'il ne fait aucun doute que les 56 groupes autochtones vivant au Mexique souffrent d'une discrimination silencieuse mais omniprésente. Leur triste sort est décrit avec beaucoup de candeur dans le rapport présenté par le Mexique, qui pourrait à de nombreux égards servir de modèle à d'autres Etats parties. Toutefois, il n'apparaît pas clairement si le Gouvernement mexicain a perçu le caractère racial de cette discrimination ou s'il s'en tient à sa position traditionnelle, à savoir que le Mexique est une société métissée dans laquelle la discrimination raciale est inconcevable. L'amendement à l'article 4 de la Constitution mexicaine qui reconnaît les droits spécifiques des communautés autochtones marque une étape importante dans le passage d'une société métissée à une nation pluriethnique. Toutefois, sans texte d'application de cette disposition aux niveaux légal et judiciaire cette réforme constitutionnelle n'aura guère d'effet pratique. Le Gouvernement mexicain reconnaît lui-même la nécessité d'une législation spécifique pour reconnaître la propriété collective des communautés autochtones et réglementer l'utilisation et la distribution de leurs terres. Sur un plan plus général, il faudrait que la législation déjà existante soit mieux appliquée. Dans bien des cas, l'oppression des communautés autochtones ne s'explique pas tant par l'absence de règles juridiques puisque les autochtones jouissent des mêmes droits fondamentaux garantis par la Constitution que tous les autres Mexicains, mais par le fait que des groupes d'intérêt économique et des politiciens locaux poursuivent en toute impunité leurs pratiques abusives au détriment des groupes autochtones. Pour que la situation des Indiens s'améliore, il faudra que le Gouvernement mexicain prenne des mesures plus fermes pour mettre un terme aux violations massives des droits de ces populations dans les zones rurales. Le Comité est prêt à lui apporter l'assistance nécessaire pour qu'il puisse compléter l'action déjà entreprise.

32. M. VALENCIA RODRIGUEZ remercie tout d'abord M. Gonzalez Felix pour sa présentation orale du dixième rapport périodique du Mexique ainsi que pour les informations complémentaires qu'il a fournies sur le Chiapas. Il remercie également M. Wolfrum pour son analyse approfondie de la situation au Mexique. Il ressort de toutes les informations présentées que le Mexique est avant tout une nation pluriethnique et multiculturelle. C'est un point essentiel qu'il ne faut pas perdre de vue. M. Valencia Rodriguez note que les traités internationaux constituent, avec la Constitution et les lois fédérales la législation suprême de la nation. Ainsi, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale fait partie du droit interne et peut servir de base à toute action en justice.

33. Les nombreuses données relatives au pourcentage et au nombre de personnes parlant une langue autochtone et à leur répartition dans divers Etats du pays qui sont fournies dans le rapport font ressortir l'importance des communautés autochtones au Mexique et en particulier dans la ville de Mexico où leur forte concentration s'explique à la fois par des raisons traditionnelles et par les courants migratoires internes et externes, de nombreux autochtones étant originaires du Guatemala. M. Valencia Rodriguez aimerait savoir si les nombreux programmes mis en place en faveur des populations autochtones ont effectivement permis d'améliorer leur niveau de vie. Existe-t-il des données comparatives par rapport aux années antérieures ? D'autre part, il est dit au paragraphe 34 que les rapports entre les peuples autochtones et leur territoire sont fonction du régime de propriété et d'occupation des sols. Là encore, compte tenu du degré de pauvreté et de marginalisation des populations autochtones, il serait utile de savoir si des progrès ont pu être enregistrés grâce au processus de conciliation qui a été engagé. Selon le paragraphe 47, l'action des pouvoirs publics a contribué à d'importantes transformations au sein des communautés autochtones. Qu'a-t-on fait concrètement pour réduire leur pauvreté et leur marginalisation et pour donner satisfaction à leurs principales réclamations concernant la justice, principalement dans les domaines pénal, agraire et du travail ? M. Valencia Rodriguez relève avec satisfaction la précision des informations contenues dans les paragraphes 53 à 66 du rapport sur la situation des groupes autochtones dans les domaines économique, social, culturel et de l'éducation et la franchise du Mexique à cet égard. Il est indubitable que de telles conditions incitent à la rébellion et à des actes de violence. Il importe que le Gouvernement mexicain poursuive ses efforts pour trouver des solutions permanentes à ces problèmes.

34. A propos des articles 2 et 5 de la Convention, M. Valencia Rodriguez se félicite des réformes législatives entreprises, notamment des modifications apportées à la Constitution et à la législation pénale. Il espère que le Gouvernement mexicain continuera à informer le Comité des mesures prises dans ce domaine et de leurs effets. Il note également avec intérêt la création de divers organismes chargés de promouvoir et de protéger les droits des communautés autochtones, comme l'Institut national pour les autochtones, la Commission nationale des droits de l'homme, et la Commission nationale de développement général et de justice sociale en faveur des peuples autochtones. Les mesures prises par ces organismes sont sans aucun doute importantes mais M. Valencia Rodriguez se demande s'il n'existe pas, vu leur multiplicité, un danger de bureaucratisation et de double emploi. Il serait bon d'assurer une coordination entre ces divers organismes. Par ailleurs, il ressort du paragraphe 104 du rapport que dans la période comprise entre mai 1992 et mai 1994, la Commission nationale des droits de l'homme a reçu 274 plaintes dont la majorité concernait des problèmes de retard dans l'administration de la justice et dans les processus juridictionnels, de détention arbitraire, de torture, d'abus d'autorité, d'inexécution de jugements portant sur des questions agraires et de refus d'attribuer et de restituer des terres. Il convient que le Gouvernement mexicain poursuive ses efforts pour apporter des améliorations dans ces domaines, en particulier dans la zone métropolitaine de Mexico, où les autochtones sont très nombreux.

35. Il est affirmé dans le rapport qu'aucune législation spécifique n'est nécessaire au Mexique aux fins de l'application de l'article 4 de la Convention, car le problème des autochtones n'y est jamais considéré sous l'angle de la discrimination raciale. Le Comité n'est pas de cet avis. D'une part il estime que les Etats parties sont tenus de promulguer une législation destinée à faire respecter l'article 4, ne serait-ce qu'à titre de précaution et de salubrité sociale. D'autre part, même si la Convention peut être invoquée pour intenter une action en justice au Mexique, rien n'est dit du type de sanction que le juge pourra appliquer dans une affaire relevant de l'article 4 de la Convention. Enfin, s'il est fort louable que la question autochtone soit abordée sous l'angle du droit au développement et comme un problème de marginalisation économique et sociale, il n'en reste pas moins que l'égalité devant la loi ne s'applique pas toujours aux autochtones et que des pratiques discriminatoires subsistent, ainsi qu'il est reconnu au paragraphe 165 du rapport.

36. Ceci amène à l'application de l'article 6. Les autorités mexicaines ont fait de louables efforts pour que les dispositions de cet article soient intégralement appliquées. Mais les problèmes qui se posent en ce qui concerne les autochtones sont très graves, ainsi qu'il ressort des tableaux présentés dans le rapport au sujet de l'administration de la justice. Le Comité ne peut que recommander au gouvernement de redoubler d'efforts et espérer que le prochain rapport reflétera de nouveaux progrès dans ce domaine. Il est vrai qu'un processus dynamique a été engagé en matière de conciliation; ce processus offre de vastes possibilités et M. Valencia Rodriguez espère qu'il se poursuivra.

37. Les informations fournies à propos de l'article 7 de la Convention sont passionnantes et les perspectives ouvertes d'un intérêt exceptionnel. Beaucoup a été fait et beaucoup reste à faire, car l'héritage culturel du Mexique est unique au monde et doit absolument être préservé, mis en valeur et diffusé. Il faut développer le potentiel qu'offre la culture ancestrale des autochtones; les festivals organisés jusqu'à présent ont été un succès et il convient de poursuivre dans cette voie, et d'associer à ces événements les communautés autochtones d'autres pays, comme cela a déjà été fait avec la Bolivie. On favorisera ainsi un sentiment de solidarité culturelle. Le Mexique mérite d'être félicité pour ses efforts dans ce domaine et M. Valencia Rodriguez espère qu'il les poursuivra.

38. L'Etat du Chiapas est le théâtre d'un grave conflit, et d'importants groupes de paysans autochtones y tentent de faire reconnaître leurs droits, notamment le droit à la terre, à la justice, à la santé et à l'éducation; il est habité par les Mayas depuis près de 5 000 ans. Cette population de plus de 2 millions de personnes est essentiellement rurale et d'après le rapport, c'est sa forte dispersion qui explique son état d'abandon et de marginalisation. Il faut rendre hommage au gouvernement pour les efforts qu'il consent dans le but de surmonter ces graves difficultés. C'est une tâche de longue haleine et qui nécessite des ressources importantes. Des mesures ont déjà été prises pour favoriser le retour des personnes déplacées, l'intégration sociale de cette population et le rétablissement des services essentiels suspendus pendant les hostilités.

39. M. Valencia Rodriguez souhaiterait poser quelques questions à ce propos. Tout d'abord, il semblerait que des forces paramilitaires sont encore présentes au Chiapas : quelles mesures ont été prises pour mettre fin à leurs activités ? En second lieu, à la suite des récentes négociations, des détenus autochtones ont été relâchés; beaucoup d'entre eux ont subi des tortures et mauvais traitements. Si certains n'ont pas été libérés, ont-ils du moins bénéficié d'une procédure judiciaire impartiale et équitable ? Par ailleurs, il serait utile de savoir si les persécutions et mises en détention de personnes ayant eu, dans d'autres parties du pays, des activités politiques ou de défense des droits civils et politiques au Chiapas ont cessé et combien de personnes se trouvent toujours en prison pour ces motifs. D'autre part, les responsables civils ou militaires des disparitions et tortures au Chiapas ont-ils été arrêtés et traduits en justice ? Quelles mesures ont été prises pour faire la lumière sur les exécutions sommaires qui, d'après le rapport d'Amnesty International pour 1995, auraient été perpétrées au Chiapas ? Enfin, M. Valencia Rodriguez souhaiterait savoir quelles sont les mesures prévues à long terme pour satisfaire aux revendications croissantes des autochtones, notamment en matière foncière.

40. M. de GOUTTES rend hommage à la délégation mexicaine qui poursuit fidèlement le dialogue engagé avec le Comité et a soumis avec diligence un rapport qui abonde en précieux renseignements, notamment sur les mesures, programmes et stratégies en faveur des populations paysannes et autochtones, tant dans le domaine social que dans les domaines économique, culturel, agricole ou judiciaire. Ce rapport évoque avec franchise deux problèmes majeurs du Mexique dont le Comité avait parlé lors de l'examen du précédent rapport périodique. Le premier de ces problèmes est la persistance de discriminations profondes, liées à la race non directement mais indirectement, sous la forme d'inégalités socio-économiques, de marginalisation des autochtones et de leur participation insuffisante au développement du pays. Le second de ces problèmes est l'incompatibilité entre le système juridique national et les normes et institutions découlant des traditions et coutumes des peuples autochtones, en matière agraire et foncière notamment.

41. De la lecture du rapport, M. de Gouttes retire deux impressions, celle d'une originalité indiscutable dans la conception de l'action à mener en faveur des populations autochtones, mais aussi celle d'un certain décalage entre les mesures élaborées et la réalité. Cette originalité se manifeste par exemple de manière très intéressante dans le programme de réforme de la justice, dont les objectifs ambitieux rompent dans une certaine mesure avec le principe de l'égalité de tous devant la loi; ce programme est à classer parmi les mesures de "discrimination positive" prévues à l'article premier de la Convention. On notera en particulier l'obligation faite aux juges et notamment au juge d'instruction de réunir tous les éléments voulus sur la personnalité et la situation des auteurs d'infractions appartenant à des groupes ethniques déterminés. De plus, si ceux-ci ne connaissaient pas l'existence de la loi ou croyaient leur comportement justifié, ils bénéficient aussi d'une exonération de la responsabilité pénale : cette disposition va très loin, puisqu'elle déroge au principe selon lequel nul n'est censé ignorer la loi.

42. Une autre démarche témoigne d'une grande originalité, à savoir l'approche anthropologique retenue pour élaborer les réformes juridiques entreprises en faveur des populations autochtones, décrite aux paragraphes 196 et suivants du rapport. On y apprend notamment que l'Institut national pour les autochtones entreprend des recherches sur les usages juridiques autochtones, afin que ceux-ci trouvent leur expression concrète dans la législation qui sera adoptée à la suite de la réforme de l'article 4 de la Constitution : voilà une démarche qui mérite de retenir l'attention, car elle repose sur une volonté de reconnaissance culturelle mutuelle et de concertation sociale.

43. La seconde impression qui se dégage du rapport est celle d'un certain décalage entre ces mesures ambitieuses et la réalité. La situation au Chiapas l'illustre bien. Le dixième rapport, pourtant très complet, évoque à peine la situation au Chiapas. Il a fallu attendre le document complémentaire, transmis le 31 juillet 1995 en réponse à une demande du Comité, pour trouver des renseignements plus complets sur le conflit du Chiapas et sur les mesures prises depuis lors. Or en l'occurrence, on ne saurait reprocher au Comité de ne pas avoir pressenti le problème et alerté les autorités mexicaines à l'occasion de l'examen du précédent rapport périodique du Mexique, en 1991. M. de Gouttes, alors rapporteur pour ce pays, avait demandé à la délégation d'apporter des informations supplémentaires sur les actes de violence, arrestations illégales et expulsions irrégulières dont avaient été victimes les paysans et autochtones, en particulier au Chiapas, de la part des propriétaires terriens, des forces de sécurité ou des Pistoleros. Or, aujourd'hui encore, plusieurs documents émanant d'organisations non gouvernementales, et notamment d'Amnesty International, font état de multiples violations des droits de l'homme dont seraient victimes les paysans autochtones au Chiapas et ailleurs. M. de Gouttes aimerait entendre la délégation à ce sujet et souhaiterait notamment savoir quelles poursuites ont été engagées et quelles condamnations prononcées contre les auteurs de telles exactions.

44. Cette impression de décalage est aussi due au malentendu qui persiste entre le Comité et le Mexique au sujet de l'application de l'article 4. Le gouvernement continue à affirmer que le droit mexicain est conforme aux exigences de la Convention puisque la Constitution garantit tous les droits fondamentaux à tous les individus sans discrimination, qu'aucun texte n'est nécessaire dans la mesure où la discrimination raciale n'existe pas au Mexique. Ce discours n'est pas conforme aux exigences du Comité, qui estime que des dispositions spécifiques doivent être prises même lorsqu'il n'existe pas de phénomène raciste dans un pays (ce qui est d'ailleurs toujours sujet à discussion), ne serait-ce que pour prévenir la discrimination raciale ou ethnique et pour faire oeuvre de pédagogie. M. de Gouttes espère que le dialogue instauré avec le Gouvernement mexicain permettra de rapprocher les points de vue et amènera ce dernier à compléter sa législation pénale; peut-être pourra-t-il alors envisager de faire la déclaration prévue à l'article 14 de la Convention.

45. M. BANTON rappelle qu'il y a quelque temps, le Comité s'était demandé s'il fallait réclamer des informations supplémentaires au Mexique au sujet du Chiapas. L'un de ses membres avait alors donné lecture des revendications de l'EZLN publiées dans un journal de langue espagnole, dont la teneur était d'ailleurs très semblable à ce que vient d'exposer le représentant du Mexique. A l'époque, le Comité examinait parallèlement le cas de deux autres Etats où la situation pouvait aussi amener à se demander si les dispositions de la Convention étaient bien applicables. Dans le cas du Mexique, le Comité a convenu de demander des informations supplémentaires à l'Etat partie afin de pouvoir décider si les faits en cause entraient bien dans le champ d'application de la Convention. Depuis lors, un journal mexicain a publié, le 21 février 1994, un exposé des objectifs de l'EZLN : le treizième de ces objectifs est d'obtenir que toutes les langues des groupes ethniques soient officiellement reconnues et utilisées dans l'enseignement à tous les niveaux, et le quatorzième de faire en sorte que les droits, la dignité et les traditions des peuples autochtones soient respectés. Ces revendications semblent bel et bien entrer dans le champ de la Convention.

46. Une autre difficulté, pour juger si telle situation relève de la compétence du Comité, tient à ce que l'on a toujours tendance à considérer qu'un groupe doit se définir en fonction d'un certain critère par opposition à un autre, alors que souvent l'un n'exclut pas l'autre. A propos de la Bosnie, il a été dit à une séance précédente qu'il ne fallait pas désigner un groupe ethnique par le terme de "musulman", puisqu'on se réfère alors à une religion. Beaucoup de personnes désignées comme d'appartenance musulmane sont en réalité athées. Il en va de même dans le cas des Juifs ou des Sikhs par exemple : il s'agit de groupes identifiés par la religion mais dont certains membres sont athés, ce qui montre qu'il s'agit de groupes religieux mais aussi ethniques. On peut tenir le même raisonnement en ce qui concerne les groupes religieux opposés à l'avortement qui se lancent dans des actions à caractère politique : ce sont des groupes à la fois religieux et politiques, même s'il ne s'agit pas de partis politiques; ce problème a été évoqué à propos du Bélarus.

47. Au Chiapas, il semble que l'on est en présence d'individus qui ont des revendications dont il est fait état dans le rapport. Ces individus sont apparemment exploités par une autre couche de la société mexicaine, différente d'eux sur le plan culturel. Les revendications formulées par l'EZLN montrent que ces personnes utilisent leur appartenance ethnique pour mobiliser la population, ce qui, de l'avis de M. Banton, les fait entrer dans le champ d'application de la Convention. Des violences ont éclaté au Chiapas le 1er janvier 1994 et, ainsi que M. Wolfrum l'a souligné, ce n'étaient pas les premiers actes de violence qui s'y étaient produits mais pour la première fois, c'étaient les victimes qui prenaient l'initiative des hostilités.

48. Le Comité a entendu avec beaucoup d'intérêt et même d'espoir l'exposé fait par le représentant du Mexique sur les projets de son gouvernement en vue de mettre en place un nouveau contrat social. Mais d'aucuns mettent en doute la capacité des structures sociopolitiques en place de se réformer elles-mêmes à ce point. M. Gonzales Felix a fait valoir que l'extrême pauvreté est à la fois la cause et la conséquence de la marginalisation : il y a là effectivement un cycle dont il faut sortir, mais y a-t-on inclus tous les éléments et, en particulier, n'y manque-t-il pas un facteur essentiel, à savoir l'impunité ? Ce cycle n'est-il pas aggravé par le fait que les gens qui bénéficient de cette impunité sont précisément ceux sur lesquels le système politique s'appuie, ce qui rend son action plus difficile ? La question de l'impunité apparaît comme cruciale aux paragraphes 184 et suivants du rapport. Il semble que les lois ne sont pas toujours appliquées dans le sens voulu par le législateur. A cet égard, les indicateurs sociaux ont une grande importance, car ils permettent aux gouvernements de mesurer les progrès accomplis. Dans le présent rapport, il aurait été bon de sélectionner un petit nombre d'indicateurs clés qui auraient permis de décider vers quels secteurs orienter prioritairement les ressources, et de discerner si les programmes ont eu l'effet escompté. S'agissant de l'impunité, un indicateur essentiel, absent du rapport, est celui des mesures disciplinaires prises à l'encontre des fonctionnaires responsables de la mauvaise application des lois. Certains pays ont un médiateur, d'autres des inspecteurs; en tout état de cause, lorsqu'il y a de tels retards, un tel décalage, pour reprendre l'expression de M. de Gouttes, entre la loi et la situation concrète, il faudrait que des gens soient chargés de rechercher si certains fonctionnaires n'ont pas failli à leur mission. Pour M. Banton, des chiffres précis sur les mesures disciplinaires prises à l'encontre de telles personnes seraient un indicateur précieux de la volonté politique du gouvernement.

49. M. Banton approuve sans réserve tout ce que M. Wolfrum a dit au sujet du rapport, ainsi que les observations de M. Valencia Rodriguez sur les paragraphes 160 et 161 de celui-ci. Chaque fois qu'un Etat déclare au Comité avoir incorporé les dispositions de la Convention au droit interne, il lui est répondu qu'il est indispensable de les compléter par des sanctions, celles-ci n'étant pas prévues par la Convention. D'autre part, ainsi que l'a souligné M. Valencia Rodriguez à propos de l'article 161, la question autochtone est à la fois une question de marginalisation économique et sociale et de discrimination raciale, car l'une n'exclut pas l'autre. M. Banton se félicite que soit rappelé, au paragraphe 96 du rapport, le principe séculaire selon lequel on ne doit pas accorder un traitement égal à des inégalités. Ce paragraphe est peut-être à rapprocher du paragraphe 89 où il est dit qu'en raison de leur marginalisation, les autochtones sont souvent victimes de discrimination. Il s'agit plutôt en l'occurrence d'inégalité; ou encore, on peut dire qu'on a affaire à un groupe défavorisé. Un enfant dont les parents ne parlent pas la langue nationale sera défavorisé sur le plan scolaire, alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune discrimination. La distinction entre ces deux phénomènes peut être utile, car ils appellent parfois un traitement différent.

50. M. Banton souscrit tout particulièrement à ce que M. Wolfrum a dit sur la discrimination raciale. Dans les pays d'Amérique centrale, il y a un risque de confusion car par discrimination raciale, on y entend souvent ce qui sévit en particulier au sud des Etats-Unis, où le racisme prétend s'appuyer sur une solution de continuité entre Blancs et Noirs. Or il ne s'agit là que d'une des formes de la discrimination raciale, la forme la plus courante faisant appel à une différenciation sans solution de continuité, où entrent en ligne de compte, outre l'aspect physique, des facteurs socio-économiques. De ce point de vue, le Mexique tombe sous le coup des dispositions de la Convention.

51. Enfin, M. Banton est lui aussi très intéressé par les travaux d'anthropologie juridique et d'élaboration d'un nouveau droit dans les pays d'Amérique latine, décrits dans le rapport.


La séance est levée à 18 heures.

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