Distr.

GENERALE

CRC/C/SR.165
6 octobre 1994


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 165ème séance : Madagascar. 06/10/94.
CRC/C/SR.165. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CRC
COMITE DES DROITS DE L'ENFANT

Septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 165ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 30 septembre 1994, à 15 heures

Président : M. BADRAN



SOMMAIRE


Examen des rapports présentés par les Etats parties

Rapport initial de Madagascar (suite)



Le présent compte rendu est sujet à rectifications.



La séance est ouverte à 15 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES (point 4 de l'ordre du jour)

Rapport initial de Madagascar (CRC/C/8/Add.5) (suite)

1. Sur l'invitation de la Présidente, la délégation malgache, composée de MM. Rason et Edafe, de la Mission permanente de Madagascar à Genève, reprend place à la table du Comité.

2. La PRESIDENTE invite la délégation malgache à continuer à répondre aux questions posées par les membres du Comité à la séance du matin sur la section "Administration de la justice pour mineurs" de la liste de points CRC/C.7/WP.5.

3. M. RASON (Madagascar) reconnaît le fondement des inquiétudes exprimées par Mme Santos País au sujet de l'administration de la justice pour mineurs. Il précise que le système pénal malgache ne prévoit pas spécifiquement une protection des enfants. L'ordonnance du 19 septembre 1962 relative à la protection de l'enfance, qui s'inspire de la législation française, comporte malheureusement de nombreuses lacunes. M. Rason reconnaît que les conditions de détention des mineurs sont souvent mauvaises et ne satisfont pas aux règles d'hygiène et d'alimentation. Il explique cette situation par la crise économique que traverse le pays et par le manque d'intérêt des pouvoirs publics pour cette question. Il serait bon de renforcer le système de prévention et de se conformer à la fois à l'Ensemble de règles minima des Nations Unies concernant l'administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) et aux Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad). M. Rason prend note de la suggestion de M. Hammarberg visant à instituer une coopération internationale dans ce domaine et demande aux membres du Comité les modalités à suivre pour bénéficier d'une telle assistance.

4. S'adressant à Mgr Bambaren Gastelumendi, le représentant de Madagascar dit qu'il n'existe pas de statistiques à Madagascar sur la durée de la détention préventive, mais qu'elle peut aller jusqu'à un an. L'âge de la responsabilité pénale dans la législation malgache s'inspire des dispositions de la législation française. D'autre part il donne raison à Mlle Mason, qui a relevé la contradiction entre la présence obligatoire de la défense dans les procédures judiciaires et la confidentialité de ces procédures et il explique que cette situation s'explique par le fait que la législation en vigueur ne tient compte que des adultes.

5. Répondant encore à Mgr Bambaren Gastelumendi, M. Rason dit que les mères de famille détenues sont autorisées à garder les enfants en bas âge avec elles, mais que très souvent ce sont les familles qui s'occupent des enfants. Comme tout détenu, une mère peut recevoir une fois par jour la visite de son enfant.


6. La PRESIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions sur les réponses données par la délégation malgache à la section "Enfants en situation d'exploitation" de la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial de Madagascar (CRC/C.7/WP.5) :
7. M. HAMMARBERG dit que le rapport initial CRC/C/8/Add.5 et les réponses de la délégation malgache donnent une description très insuffisante du problème du travail des enfants à Madagascar. Certes, Madagascar a ratifié nombre de conventions de l'OIT : la Convention No 5 fixant l'âge minimal d'admission des enfants aux travaux industriels (1909), la Convention No 33 concernant l'âge d'admission des enfants aux travaux non industriels (1932), la Convention No 81 concernant l'inspection du travail dans l'industrie et le commerce (1947) et la Recommandation No 133 concernant l'inspection du travail dans l'agriculture (1969), à l'exception toutefois de la convention principale dans ce domaine, à savoir la Convention No 138 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi (1973). De nombreuses améliorations doivent cependant être apportées pour que la législation existante soit mise en oeuvre dans la pratique et qu'un système d'inspection permette de vérifier que l'enfant n'est pas exploité. M. Hammarberg souhaite des éclaircissements de la délégation malgache sur ce point.

8. Mme SANTOS PAIS partage les inquiétudes exprimées par M. Hammarberg sur la situation des enfants qui travaillent. Il importe bien sûr que Madagascar ratifie la Convention No 138 concernant l'âge minimum d'admission à l'emploi, mais Madagascar doit avant tout porter toute son attention sur le sort des enfants dans la pratique. Mme Santos País se dit très préoccupée par la situation des enfants des couches les plus pauvres de la société, qui sont encouragés à participer activement au secteur informel de l'emploi pour assurer leur survie et celle de leurs familles. Elle demande quelles mesures le Gouvernement malgache prend pour remédier à cette situation, au sort des enfants domestiques, et à l'exploitation du travail des enfants dans les zones rurales. Elle estime par ailleurs que le Comité intersectoriel de suivi pourrait jouer un rôle non négligeable dans ce domaine. Elle préconise également des campagnes de sensibilisation pour mettre fin à l'exploitation sexuelle des enfants et pour pallier un certain laxisme du gouvernement qui laisse passer la représentation de scènes de brutalité et de violences sexuelles dans les spectacles.

9. A propos de l'exploitation sexuelle, Mlle MASON dit que la réaction du Gouvernement malgache est semblable à celle de tous les autres Etats parties qui se sont présentés au Comité. Leurs informations sur ce sujet sont très laconiques par rapport à celles sur l'exploitation économique, par exemple. Elle demande quelle est l'attitude de la société traditionnaliste malgache àl'égard du problème de l'exploitation des jeunes enfants. Des mesures sont-elles prises pour assurer la réadaptation psychologique et sociale des enfants victimes d'abus sexuels ? Mlle Mason souhaite aussi avoir plus de détails sur la politique suivie par Madagascar sur la question de l'usage des stupéfiants et en particulier du "rongony" (chanvre indien).

10. Mgr BAMBAREN GASTELUMENDI s'associe aux préoccupations exprimées par les orateurs précédents et dit que la toile de fond de tous ces problèmes est l'extrême pauvreté des familles. Il déplore le manque d'informations sur la protection sociale des enfants qui travaillent. Il serait bon que les ONG collaborent dans ce domaine, notamment avec les éducateurs des rues, pour tenter de rééduquer les enfants dans leur milieu familial.

11. M. HAMMARBERG partage l'avis exprimé par Mgr Bambaren Gastelumendi sur le manque de données relatives au travail des enfants. Il convient de mener une étude plus approfondie sur la question, qui permette de mieux appréhender les problèmes dans des contextes spécifiques, et d'élaborer une stratégie systématique de lutte contre ce fléau. M. Hammarberg rappelle à cet égard les études menées avec succès à Lima, sur l'initiative de Mgr Bambaren Gastelumendi.

12. La PRESIDENTE précise que, selon de nombreuses études, les enfants seraient plus heureux dans la rue que dans des institutions. Il importe donc de mettre l'accent sur la formation des éducateurs pour leur apprendre à mieux s'occuper des enfants.

13. Mme EUFEMIO dit que le personnel d'assistance sociale devrait également bénéficier d'une formation plus poussée pour pouvoir mieux comprendre le passé des enfants. Les ONG pourraient contribuer à un travail de recherche dans ce domaine, en particulier pour la mise en place d'écoles des rues.

14. Mlle MASON demande si une protection sociale est accordée aux enfants du secteur informel, en particulier à ceux qui travaillent comme domestiques, en cas de maladie.

15. M. RASON (Madagascar) reconnaît que les informations sur le travail des enfants dans son pays sont assez minces. Il précise que le Code du travail ne comprend pas de section sur les enfants. La majorité des enfants mineurs se trouvent dans les zones rurales. A l'heure actuelle, le Gouvernement malgache revoit, en collaboration avec le BIT, la législation du travail et de la protection sociale dans les milieux ruraux.

16. Répondant à Mme Santos País, M. Rason dit qu'il n'existe pas, à Madagascar, d'organisme chargé d'inspecter le travail des enfants. Cette tâche relève de la compétence du Ministère du travail, qui ne fait pas de distinction entre les enfants et les adultes. Le Comité intersectoriel de suivi envisage de regrouper toutes les informations sur les enfants pour élaborer un code de l'enfant. M. Rason reconnaît que la mise en oeuvre de la législation dans ce domaine est très imparfaite mais il précise que, compte tenu de la situation économique, sociale et politique du pays, les propositions du Comité ne peuvent malheureusement pas entrer dans les priorités du moment. Un mécanisme interministériel devrait toutefois être mis en place pour tenter de remédier à cette situation.

17. A propos de la situation des domestiques, le représentant de Madagascar reconnaît l'existence d'abus, surtout dans les zones rurales. Il déplore l'absence de législation dans ce domaine, mais dit que trois experts travaillent à l'heure actuelle en coopération avec le BIT pour tenter de combler les lacunes existantes.

18. S'agissant de l'exploitation sexuelle des enfants, M. Rason précise que les autorités malgaches n'ont mis aucun programme de prévention en oeuvre et que seul le Ministère de l'intérieur peut agir par le biais de la répression. Il est par ailleurs vrai que le tourisme, qui est une des principales sources de devises étrangères pour Madagascar, est susceptible d'être exploité pour la prostitution. C'est ainsi que des enfants se prostituent dans les villes de province et dans les ports. Le Gouvernement malgache a conclu des accords bilatéraux avec certains pays pour lutter contre la prostitution des enfants. M. Rason prend également note de la suggestion de Mlle Mason de modifier les dispositions législatives qui, à l'heure actuelle, n'interdisent pas la prostitution et reconnaît, d'autre part, qu'il serait nécessaire de prendre des mesures pour assurer le suivi des victimes d'abus sexuels et pour atténuer les dommages psychologiques et physiques qu'elles ont subis.

19. S'agissant de la lutte contre la toxicomanie, le représentant de Madagascar précise que, comme ailleurs en Afrique, certains enfants consomment des stupéfiants. A cet égard, la réforme de la législation n'en est encore qu'au stade théorique et des campagnes d'information seraient
nécessaires. Il convient, dans ce contexte, de signaler qu'un département du Ministère de l'intérieur collabore actuellement avec les services des Nations Unies chargés de lutter contre le trafic des stupéfiants.

20. Répondant à une suggestion de Mme Eufemio, selon laquelle les autorités malgaches devraient, dans divers domaines, tirer parti des expériences menées par d'autres pays et des efforts déployés par les ONG, le représentant de Madagascar tient à souligner qu'il y a actuellement prolifération d'ONG à Madagascar et qu'il est très difficile de déterminer quels sont les objectifs de ces diverses organisations.

21. Enfin, en ce qui concerne les mineurs non protégés, M. Rason précise que des assistants sociaux travaillent en étroite collaboration avec les services du Ministère du travail et du Ministère de la santé pour répondre aux besoins spécifiques de ces enfants.

22. Mme SANTOS PAIS se félicite que la délégation malgache partage les préoccupations du Comité en ce qui concerne l'exploitation sexuelle des enfants. Elle recommande à cet égard aux autorités malgaches de s'inspirer des recommandations du Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé d'examiner les questions se rapportant à la vente d'enfants, à la prostitution des enfants et à la pornographie impliquant des enfants (E/CN.4/1994/84 et Add.1).

23. Mgr BAMBAREN GASTELUMENDI rappelle qu'il avait demandé des précisions quant à l'ordonnance adoptée le 19 novembre 1962 qui prévoit les sanctions encourues par ceux qui se rendent coupables d'abus sexuels.

24. M. RASON (Madagascar) précise que l'application de l'ordonnance du 19 novembre 1962 a fait l'objet de nombreuses controverses et qu'il demandera aux services des ministères compétents de communiquer des informations plus détaillées au Comité.

25. La PRESIDENTE invite à présent les membres du Comité à formuler des commentaires généraux à la suite de l'examen du rapport initial de Madagascar.

26. Mlle MASON se félicite de l'honnêteté dont ont fait preuve les représentants de Madagascar. En effet, dans le type de situation que connaît leur pays, on aurait pu penser que certains éléments seraient occultés. Or, même si des informations détaillées font défaut dans certains domaines, le débat s'est révélé ouvert.

27. S'agissant des traditions, Mlle Mason souligne qu'elles ne sont pas, en soi, toujours négatives, mais qu'elles doivent être utilisées au bénéfice des enfants. Par ailleurs, peut-être le Gouvernement malgache pourrait-il mettre davantage l'accent sur les zones rurales dans les projets, programmes et mesures qu'il adoptera suite à l'examen de son rapport par le Comité ? S'agissant de la toxicomanie, de la prostitution, et des violences sexuelles en général, Mlle Mason ne peut que réitérer les recommandations visant àmodifier la législation afin de mettre davantage l'accent sur la formation et la prévention, plutôt que sur la répression. Dans ce contexte, il serait nécessaire de se pencher sur la question de l'éducation sexuelle.

28. En ce qui concerne le travail des enfants, des réformes sont nécessaires. Etant donné la situation économique précaire de Madagascar il serait irréaliste de recommander l'élimination du travail des enfants, mais il est impératif d'en améliorer les conditions. Enfin, il est également nécessaire de revoir le système d'enregistrement des naissances et il serait peut-être utile de nommer un ombudsman chargé de garantir les droits de l'enfant dans la société malgache, dans le cadre des travaux du Comité intersectoriel de suivi.

29. Mme SANTOS PAIS se félicite du fait que les instruments internationaux ratifiés par Madagascar soient incorporés dans la législation nationale et puissent être invoqués directement devant les tribunaux. Elle salue également l'établissement à titre permanent du Comité intersectoriel de suivi qui s'occupe de l'application de la Convention.

30. Au chapitre des recommandations, Mme Santos País estime qu'il convient de donner davantage d'ampleur aux actions de mobilisation sociale et de sensibilisation de la population en matière de droits de l'enfant. Ces actions ne peuvent avoir un résultat positif que si elles sont soutenues par les chefs locaux, les chefs religieux et les ONG, qui sont au contact direct de la population. La seule façon de changer les mentalités de la population est de renforcer les mesures en matière d'information, d'éducation et de formation des diverses catégories professionnelles en contact direct avec les enfants. Il convient également de renforcer les campagnes d'information visant à lutter contre les mauvais traitements et les violences sexuelles dont les enfants sont victimes, y compris au sein des familles. Dans ce contexte, lorsque des infractions sont commises, il convient de lutter contre les mesures qui s'apparenteraient à des vengeances familiales ou à de simples réparations matérielles.

31. Il est également urgent de lutter contre les disparités qui subsistent entre les villes et les campagnes, les riches et les pauvres et les hommes et les femmes. Par ailleurs les négociations visant à l'allégement ou à la suppression de la dette extérieure pourraient être utilisées au profit des enfants. Dans ce contexte, il appartient au Comité d'encourager le renforcement de la coopération internationale, y compris au sein du système des Nations Unies, sous les auspices du PNUD, qui coordonne l'ensemble des activités des organisations intergouvernementales à Madagascar. Il convient également de faire davantage appel aux ONG et de mieux utiliser leurs capacités, ainsi que de développer les systèmes communautaires dans les domaines de l'éducation et de la santé.

32. En ce qui concerne la législation, Mme Santos País reste préoccupée par les dispositions relatives à l'âge du mariage - qui est différent pour les hommes et les femmes - à la situation des enfants adultérins et incestueux, au cadre juridique de l'adoption et au cadre juridique de l'accès des enfants à l'emploi. Il convient également d'élaborer un cadre juridique spécifique de la justice pour mineurs, qui tienne compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et qui prévoie une assistance juridique à tous les niveaux de la procédure, le respect des droits de la défense et la recherche de solutions alternatives à la mise en détention.


33. Dans le domaine de l'éducation, il est primordial que l'opinion selon laquelle la langue n'est pas un outil de combat politique mais uniquement un outil de communication puisse s'imposer à tous. D'autre part, l'école ne doit pas être un luxe mais un moyen de formation de tous les enfants. Enfin, Mme Santos País se félicite de l'intention des autorités malgaches de diffuser le rapport initial, et les encourage à diffuser également les comptes rendus analytiques et les observations finales du Comité relatifs à l'examen de ce rapport.

34. M. HAMMARBERG pense que Madagascar devrait s'efforcer d'obtenir la collaboration et le soutien financier des principales organisations internationales concernées, notamment l'UNICEF, qui devrait jouer un rôle de chef de file dans le domaine de l'enfance, l'OMS et l'UNESCO. De même, les services consultatifs du Centre pour les droits de l'homme pourraient l'aider à assurer la promotion de la Convention à Madagascar.

35. Il serait utile que le Gouvernement malgache indique clairement comment il souhaiterait intégrer la coopération internationale dans la planification nationale. A cet égard, si l'article 4 de la Convention prévoit le recours àla coopération internationale, il stipule cependant que les droits de l'enfant doivent constituer un domaine d'action prioritaire à l'échelon national et que chaque pays doit mobiliser ses ressources à cette fin. C'est pourquoi les mécanismes de surveillance et d'application (Comité intersectoriel de suivi, Conseil national de l'enfance) qui agissent dans les différents secteurs (exécutif, législatif, judiciaire, etc.) doivent refléter la volonté politique du gouvernement de traiter les droits de l'enfant comme un domaine prioritaire. Un organe indépendant devrait être chargé de suivre l'application de la Convention et il devrait être possible d'instaurer une coopération fructueuse et constructive avec les ONG et des représentants de la société civile.

36. En ce qui concerne la réorganisation envisagée des ONG, il faudrait s'abstenir de faire une évaluation des ONG basée sur des critères politiques. Les activités de plaidoyer des ONG sont importantes et doivent être respectées, et le gouvernement devrait s'efforcer de faciliter leur tâche. La coordination nécessaire de cette action avec celle du gouvernement doit se faire sous le signe du dialogue et de la volonté de procéder à des ajustements. Il pourrait être utile, à cet égard, de prendre en considération l'expérience acquise au Burkina Faso dans le domaine des relations avec les ONG.

37. La situation des enfants handicapés pourrait faire l'objet d'une coopération internationale avec l'OMS, qui a élaboré un intéressant programme de réhabilitation dans le cadre communautaire, dont les résultats se sont avérés extrêmement positifs dans un certain nombre de pays. Peu coûteuse, cette méthode permet aux enfants handicapés de poursuivre leur traitement et leur éducation dans leur cadre de vie habituel. M. Hammarberg souligne enfin l'utilité d'améliorations dans les procédures d'enregistrement des naissances, l'administration de la justice pour mineurs et le système d'éducation.


38. Mme EUFEMIO est préoccupée par les traditions et comportements dysfonctionnels entravant la promotion des droits de l'enfant, problèmes que la délégation malgache a évoqués à de nombreuses reprises dans ses réponses. Il lui semble que les programmes de mobilisation pourraient faire appel aux anciens et à des volontaires, dans le cadre d'un mouvement pour le changement. Il faudrait veiller à améliorer la formation, les compétences et la sensibilisation du personnel des services sociaux, de la police, de l'éducation, du corps médical et de la magistrature pour les inciter àcontribuer au respect et à la promotion des droits de l'enfant. De plus, il faudrait rendre la législation existante plus contraignante, au moyen de programmes et stratégies adaptés. On pourrait par exemple commencer par insister sur le rôle de la famille dans l'éducation de l'enfant, sur la prévention des violences sexuelles et affectives et de l'exploitation économique au sein de la famille et sur la lutte contre la délinquance juvénile.

39. Il faudrait en outre éliminer les obstacles à l'éducation, par exemple en remaniant les calendriers scolaires pour réduire les abandons en cours d'études. Il pourrait être utile d'étudier les stratégies qui ont donné de bons résultats dans des pays comparables et, étant donné l'insuffisance des ressources, d'élaborer des programmes et services reposant sur des méthodes novatrices. Par ailleurs, il serait également utile de mettre à jour l'analyse existante sur la situation des enfants à Madagascar.

40. Mgr BAMBAREN GASTELUMENDI déclare que la pauvreté, aussi importante soit-elle, ne doit pas servir d'excuse pour se dégager de l'obligation de s'efforcer, dans la limite des ressources disponibles, de préserver l'intérêt supérieur de l'enfant. Cet impératif s'accorde d'ailleurs très bien avec la tradition culturelle malgache qui veut que l'enfant soit roi et représente la plus grande richesse de sa famille. C'est dans le respect de ce principe que le gouvernement devrait agir dès à présent pour préserver l'avenir des enfants. Des progrès demeurent nécessaires sur le plan juridique, notamment en ce qui a trait aux dispositions du code de justice relatives aux mineurs. Les obligations de la nation à l'égard de l'enfant doivent être également respectées en matière de santé, de sécurité sociale et d'éducation. A cet égard, la baisse de la qualité des enseignants et du niveau de l'éducation est particulièrement préoccupante.

41. Par ailleurs, il faudrait améliorer les procédures d'enregistrement des naissances et, enfin, prendre des mesures prioritaires en faveur des enfants des milieux les plus pauvres, en particulier les enfants handicapés et autres dont la situation est particulièrement difficile.

42. Pour améliorer les statistiques, il serait peut-être indiqué de recourir à la coopération avec les organismes des Nations Unies et certains Etats qui sont disposés à offrir une aide financière et technique. D'une manière générale cette coopération est aussi très souhaitable pour assurer une meilleure diffusion de la Convention et en superviser l'application àMadagascar.

43. Il faudrait également veiller à associer la population le plus largement possible à l'action des différents organes (Comité intersectoriel de suivi et Conseil national) et aux activités (mois de l'enfance, "La famille heureuse", séminaires, etc.) entreprises pour assurer l'application de la Convention. En conclusion, l'intervenant souligne une fois de plus que les conditions imposées par le Fonds monétaire international sont extrêmement dures pour les plus pauvres et les couches marginalisées; elles devraient être assorties de mesures sociales propres à éviter l'aggravation de leur situation.

44. M. KOLOSOV fait siennes les remarques et recommandations des intervenants précédents. Il regrette qu'aucun spécialiste travaillant avec les enfants dans le domaine social ne fasse partie de la délégation malgache. Il espère que dans cinq ans, les conditions financières permettront aux responsables des politiques sociales de participer à l'examen du rapport de Madagascar devant le Comité. D'autre part, il serait utile, à son avis, que le rapport de Madagascar, les comptes rendus analytiques et les observations du Comité soient mis à la disposition de toutes les personnes intéressées sous une forme simplifiée et abordable.

45. La PRESIDENTE présente une synthèse des principales questions qui ont été soulignées dans les commentaires finals des membres du Comité. Elle rappelle qu'ils se sont tout d'abord félicités de ce que Madagascar a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant et s'est engagé à la mettre en oeuvre. Ils ont pris note avec satisfaction des efforts de Madagascar pour établir son rapport et répondre par écrit et avec franchise aux questions du Comité. Ils ont pris note avec inquiétude des effets de la pauvreté sur différents aspects de la vie sociale, en particulier sur la situation des enfants, et exprimé l'espoir que l'on saura utiliser les aspects positifs de la culture malgache, notamment ceux qui mettent en valeur la vocation de protection de l'enfant incombant à la famille. Ils ont relevé avec inquiétude les disparités et les pratiques discriminatoires fondées sur le sexe, le lieu d'habitation (zones rurales ou urbaines) et proposé des mesures juridiques pour les combattre. Ils ont également proposé de mobiliser des ressources àl'échelle nationale en s'adressant aux ONG - dont l'indépendance, ont-il précisé, doit être strictement respectée -, et à l'échelle internationale.

46. Les membres du Comité ont jugé préoccupante la situation des enfants qui se trouvent dans une situation difficile, notamment du fait d'une exploitation économique ou sexuelle ou de l'obligation d'interrompre leurs études, à cause d'un handicap physique ou de diverses pratiques discriminatoires - en particulier celles qui pénalisent les filles. Ils ont insisté sur la nécessité de renforcer le mécanisme de coordination existant, en s'inspirant par exemple de l'expérience d'autres pays de la région. Ils ont souligné l'importance de l'éducation et la nécessité de maintenir la qualité de l'enseignement, d'améliorer la formation des travailleurs sociaux et de mettre en place des programmes et services novateurs n'exigeant que des investissements financiers modiques. Les membres ont encore demandé que soient facilitées les procédures d'enregistrement des naissances et, enfin, que soient mis en place des programmes communautaires de réhabilitation des enfants handicapés en collaboration avec l'OMS.

47. M. EDAFE (Madagascar) reconnaît que le programme d'ajustement structurel imposé à Madagascar a sous-estimé la dimension sociale, qui avait été considérée comme une simple variable de l'ajustement économique. C'est ainsi
que l'éducation, la formation et la santé ont été négligées et que de nombreux travailleurs ont été mis au chômage sans que soit mis en place un système adéquat de protection sociale.

48. Toutefois, conscient des intérêts de l'enfant, le Gouvernement malgache a ratifié sans hésitation la Convention et intégré la protection des droits de l'enfant dans le préambule de la Constitution. Vu l'insuffisance des moyens de mise en oeuvre et des lacunes de la législation en vigueur, Madagascar compte sur le soutien du Comité pour assurer la promotion des droits de l'enfant.

49. M. Edafe remercie le Comité de la souplesse et de la fermeté dont il a fait preuve au cours de l'examen du rapport initial de son pays, qui laisse augurer d'une collaboration constructive en faveur des enfants malgaches.

50. La PRESIDENTE remercie la délégation de sa franchise et espère que le Gouvernement malgache voudra bien tenir compte des observations du Comité et que le prochain rapport périodique de Madagascar fera état d'améliorations sensibles. Elle déclare que le Comité a ainsi achevé l'examen du rapport initial de Madagascar.

La séance est levée à 17 h 15.

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