Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1853
4 octobre 2000


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1853ème séance : Kuwait. 04/10/2000.
CCPR/C/SR.1853. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR


COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1853ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mercredi 19 juillet 2000, à 10 heures

Présidente : Mme MEDINA QUIROGA



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial du Koweït


La séance est ouverte à 10 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT à L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Koweït (CCPR/C/120/Add.1, CCPR/C/69/L/KWT) (suite)

Sur l'invitation de la Présidente, la délégation koweïtienne reprend place à la table du Comité.

1. La PRÉSIDENTE invite les membres du Comité à poser des questions complémentaires à celles qui figuraient sur la liste des points à traiter à l'occasion de l'examen du rapport initial de l'État du Koweït (CCPR/C/120/Add.1).

2. Mme GAITAN DE POMBO annonce qu'elle va être amenée à répéter certaines des questions qui ont déjà été posées parce qu'elle considère essentiel d'insister sur ces points. Elle se joint à ceux de ses collègues qui ont trouvé le rapport du Koweït trop généreux en informations d'ordre juridique et trop avare d'informations d'ordre pratique, de telle sorte que le Comité ne peut guère se faire une idée des tendances générales de l'évolution du pays, des difficultés qu'il rencontre ou des objectifs qu'il se propose.

3. Comme M. Kretzmer, elle est préoccupée par la situation faite à la presse et voudrait savoir quelle est la portée des restrictions imposées aux professionnels de l'édition et de la publication quant au contenu de tout ce qui s'imprime. Ensuite, au paragraphe 261 du rapport, il est déclaré d'emblée qu'il n'y a pas de partis politiques au Koweït et l'on peut même se rendre compte que la Constitution n'encourage pas véritablement leur création; pourtant le Koweït se déclare État démocratique. En l'absence de partis, Mme Gaitan de Pombo ne voit comment une démocratie peut fonctionner. Elle demande comment l'opposition s'exprime institutionnellement, comment est exercé le droit à la dissidence et comment il peut y avoir alternance au pouvoir.

4. Un autre trait de la vie politique du Koweït peu favorable à l'exercice de la démocratie est la situation réservée aux femmes, qui se trouvent dans l'impossibilité d'exercer pleinement tous leurs droits civils et politiques, y compris ceux de voter et d'être élues. Elle demande si le Koweït envisage de lever sa réserve à l'alinéa b) de l'article 25. Elle voudrait savoir également par quels moyens concrets autres que l'insistance, l'exécutif a tenté d'influencer le Parlement lors de la présentation du projet de loi sur le vote des femmes.

5. Mme Gaitan de Pombo n'a toutefois pas que des motifs de préoccupation à l'endroit du Koweït, elle a aussi des motifs de satisfaction. Elle se félicite notamment de la présence au Koweït d'une délégation du Comité international de la Croix-Rouge, qui a accès aux prisons et à tous les détenus, et dont le Koweït a rendu la tâche plus aisée en lui offrant des garanties et des facilités.

6. Lord COLVILLE, sans répéter ce qu'a dit M. Kretzmer dans ses questions sur l'application de l'article 9, déclare qu'il appuie son collègue sans réserve sur ce point. Revenant, après M. Solari Yrigoyen, sur le cas des personnes condamnées pour collaboration avec l'Iraq lors de la guerre de 1991, lord Colville demande si les sentences prononcées par les cours martiales à l'époque ont effectivement été examinées par le bureau spécial crée à cet effet. Il croit savoir que des Jordaniens ont été graciés, mais aucune information n'est parvenue au Comité sur les condamnés koweïtiens, bidun et iraquiens. Il y a tout lieu de penser que leurs procès n'ont pas été équitables, d'une part parce qu'ils n'ont pas eu tout le temps nécessaire à la préparation, avec un avocat, de leur défense; ensuite parce que les preuves présentées contre eux ne leur ont pas été révélées, les sources étant secrètes, ou ne l'ont été qu'au dernier moment, ce qui a rendu leur défense difficile; enfin parce qu'il y a eu des erreurs judiciaires et que certaines ont pu conduire à l'exécution d'innocents.

7. La révision de ces procès s'impose d'autant plus que, depuis lors, le Koweït a ratifié le Pacte. Lord Colville pense, par exemple, que l'homme qui fut quelque temps président du gouvernent provisoire du Koweït libre, qui avait quitté le pays, avait été condamné à mort par contumace en 1993 et est revenu au Koweït au début de l'année en cours, va probablement être rejugé et va bénéficier alors de toutes les garanties prévues au paragraphe 3 de l'article 14. Il va se trouver alors en quelque sorte privilégié par rapport à ceux que la Cour martiale a condamnés et qui sont toujours en prison. Lord Colville appelle aussi l'attention du Comité sur le cas d'un homme qui a été condamné à mort par la Cour martiale, qui a fait appel de cette condamnation et dont un tribunal ordinaire a réduit la peine à six mois de prison. Un cas aussi stupéfiant donne à penser que les premiers procès ont été entachés d'irrégularités graves. Le Comité appréciera toute information sur la situation passée, présente et envisagée de ces condamnés encore en prison.

8. La situation des femmes a aussi retenu l'attention de lord Colville. Le fait que les Koweïtiennes qui saisissent la Cour constitutionnelle pour faire valoir leurs droits sont systématiquement déboutées est très préoccupant. Il cite le cas de Mme Badria al Awadi, avocate, qui s'est vu refuser l'inscription au barreau, dont le tribunal administratif a rejeté l'appel et que la Cour constitutionnelle a déboutée au motif qu'elle aurait dû s'adresser au tribunal administratif. On a là la preuve que le système fonctionne très mal et que les juges sont beaucoup plus ignorants du Pacte que la délégation ne le laisse entendre. Lord Colville lui serait reconnaissant d'éclairer le Comité sur ce point.

9. Mme CHANET partage les préoccupations de lord Colville, et reviendra sur la Cour constitutionnelle, dont l'existence vient d'être mentionnée et au sujet de laquelle le Comité n'a pas reçu d'information. Il conviendrait que la délégation koweïtienne la présente au Comité, dise quelle loi en fixe l'organisation, comment les juges qui y siègent sont désignés, par qui, et quel mandat lui est confié, d'autant que certains droits énoncés dans le Pacte sont protégés par la Constitution et donc par cette cour constitutionnelle.

10. Elle rejoint aussi M. Kretzmer dans ses préoccupations concernant l'application de l'article 9 du Pacte. Le Comité n'a pas à interpréter la Constitution ni le droit koweïtiens, mais à les considérer à la lumière du Pacte. Il a demandé des éclaircissements sur chacun des cinq paragraphes de l'article 9, parce que le rapport ne donne pas les informations voulues. Il ne dit pas à quel moment une personne arrêtée apprend les charges qui pèsent contre elle, ni quand au juste commence la procédure tout au long de laquelle la personne arrêtée bénéficie des services d'un avocat. Cette procédure commence peut-être au moment de l'arrestation ou après les quatre jours de garde à vue – durée trop longue d'ailleurs, de l'avis du Comité. Le rapport ne dit pas non plus qui renouvelle l'autorisation de détention à la fin de la garde à vue. Si c'est le magistrat instructeur, il ne peut pas en sus contrôler – comme stipulé au paragraphe 4 de l'article 9 – la légalité de cette détention. Qui en est chargé dans ce cas ?

11. Mme Chanet relève au paragraphe 163 une formule ambiguë selon laquelle "une peine d'emprisonnement ne peut être exécutée sans une autorisation écrite de la police et des services de sécurité publique". Elle s'étonne que ce soit la police qui autorise cela et demande s'il s'agit d'une détention administrative qui pourrait être infligée indépendamment de la détention judiciaire.

12. M. AMOR demande à la délégation de lui expliquer comment le Koweït entend concilier l'essentiel du Pacte et la Déclaration du Caire sur les droits de l'homme en Islam, faite par la Conférence islamique des ministres des affaires étrangères en 1990. M. Razzooqi a dit que les Koweïtiens étaient musulmans à 99 %, mais il serait intéressant de savoir quelle est la structure religieuse de l'ensemble des habitants du Koweït et si les services mis à la disposition des confessions religieuses sont offerts proportionnellement au nombre de fidèles.

13. À propos de religion, M. Amor aimerait savoir si le cas de M. Kambar, évoqué au paragraphe 236 du rapport, est le seul de son espèce, si les conversions d'une religion à une autre ne posent aucun problème aux intéressés et si des non-musulmans se convertissent à l'islam. M. Amor a aussi noté, aux paragraphes 175 et 176 du rapport, qui traitent de la pratique religieuse dans les prisons, l'existence d'un comité est chargé de superviser le bien-être social des détenus et chargé aussi de fonctions religieuses. Il demande si ce Comité s'occupe non seulement des détenus musulmans, mais aussi des autres.

14. Les cas de Leila Othman et d'Alia Shuaib ont été évoqués la veille, mais M. Amor voudrait aussi savoir ce qu'il en est d'Ahmed Bagdadi (ou Ahmed Al-Bagdadi).

15. Passant à l'application de l'article 25 du Pacte, qui a été l'objet d'une attention particulière de la part du Comité, M. Amor approuve l'initiative de l'Émir du Koweït sur le droit de vote des femmes et espère qu'il n'en restera pas là. Il existe au Koweït une élite féminine dans plusieurs domaines, qui rendra les plus grands services à son pays lorsque celui-ci reconnaîtra leurs droits aux femmes. D'autre part, l'article 25 parle bien d'un droit acquis à "tout citoyen", mais on a l'impression qu'au Koweït, la citoyenneté est en quelque sorte sélective. Dans son commentaire sur cet article (Observation générale No 25), le Comité précise qu'il appartient à chaque pays de définir les critères de citoyenneté, mais il apparaît qu'au Koweït la citoyenneté est un privilège rare : les femmes n'ont pas le droit de vote, les hommes ne l'ont qu'à 21 ans, les électeurs doivent être inscrits sur les listes électorales et sont très peu nombreux par rapport à l'ensemble non seulement du grand nombre d'habitants qui ne sont pas citoyens, mais même par rapport au nombre de Koweïtiens. Il s'ensuit que la souveraineté, qui devrait être l'apanage du peuple, est entre les mains d'un nombre limité de citoyens, ce qui ne peut pas ne pas avoir d'effet sur la nature de la démocratie.

16. En outre, l'action des partis politiques, qui concourt à la bonne application de l'article 25, semble laissé au hasard au Koweït. La Constitution n'exclut pas la création de partis, mais le législateur ne s'est pas préoccupé de l'inscrire dans un cadre politique et selon des critères déterminés. Il est donc possible de créer un parti sur n'importe quelle base, même religieuse, et il existe dans l'arène politique des courants organisés sur cette base. Ainsi, l'absence de législation en la matière risque d'ouvrir la porte à l'aventure et à l'extrémisme politique ou religieux. L'effort à faire ne doit pas être fourni uniquement dans le domaine législatif, mais aussi dans le domaine éducatif, car la charia est appliquée avec souplesse, et pour qu'elle prenne la forme souhaitable, il faut y préparer la population et conférer la place voulue à la démocratie, autrement dit aux droits de l'homme dans les manuels scolaires dès le niveau primaire. M. Amor demande si le Koweït a envisagé cet aspect de son évolution.

17. M. WIERUSZEWSKI pose quelques questions sur l'application, dans les faits, des dispositions du Pacte, insuffisamment traitée dans le rapport. Il demande d'abord, au sujet de la question 17 de la liste des points à traiter, si le Comité des droits de l'homme de l'Assemblée nationale peut toujours se rendre auprès des détenus et recueillir leurs plaintes ou si son action est parfois entravée, comme lors de cet incident où une plainte lui a été retirée, et a été renvoyée devant le Ministre de la justice, qui a refusé de reconnaître sa compétence.

18. Sur l'indépendance du pouvoir judiciaire, le Comité a aussi besoin d'être rassuré. Il a appris en effet que des juges sont nommés à vie s'ils sont Koweïtiens, mais que d'autres sont sous contrat, mais il ne sait pas comment les premiers sont nommés et qui accorde et renouvelle les contrats des seconds. Il ne sait pas non plus combien de juges ne sont pas ressortissants du Koweït, comment leur indépendance est garantie, ni, surtout, comment le Koweït peut justifier le fait qu'il n'y a pas de femmes parmi les juges.

19. Le Comité n'a pas non plus été rassuré sur le respect de la liberté de religion. Selon les informations qui lui ont été données, ni la conversion à la religion musulmane, ni l'apostasie n'auraient de conséquences politiques. Cependant, la loi sur la nationalité précise bien que, pour être citoyen, il faut être musulman de naissance ou être converti depuis plus de cinq ans, et que, lorsqu'un converti apostasie, la nationalité lui est retirée. Cette disposition ne lui paraît pas compatible avec la liberté de religion.

20. Quant à la liberté d'expression, M. Wieruszewski ajoute un élément aux questions posées par M. Kretzmer à propos du paragraphe 240 du rapport. Il demande quelle procédure gouverne les poursuites engagées contre des personnes qui contreviennent aux interdictions énoncées dans la loi No 3 de 1961, qui entame cette procédure, dans combien de cas elle a été suivie et s'il est envisagé de modifier la loi afin qu'elle soit compatible avec le Pacte.

21. La situation des ONG au regard du droit d'association préoccupe le Comité. M. Wieruszewski note que, au paragraphe 257 du rapport, l'interdiction faite aux associations de "s'immiscer dans des activités politiques" n'est pas compatible avec les dispositions de l'article 22 du Pacte. Il demande à combien d'ONG l'enregistrement a été refusé ou retiré, pourquoi l'enregistrement de l'association koweïtienne pour les droits de l'homme a été refusé, s'il est envisagé de modifier la loi No 24 de 1962 et dans quels domaines des droits de l'homme les ONG koweïtiennes sont actives.

22. M. SOLARI YRIGOYEN poursuit la réflexion de lord Colville sur les actions des tribunaux militaires en 1991. Il veut parler des disparus. Il s'agit d'un véritable drame dont les conséquences se font sentir sur des générations. Il a en sa possession la liste de 62 cas de disparitions forcées avec, entre autres renseignements, les dates de détention, les noms des disparus et leur origine nationale. Il demande avec insistance des informations sur ces cas non élucidés qui témoignent de violations très graves des droits protégés par le Pacte, et d'abord le droit à la vie.

23. Certaines informations soulèvent aussi d'autres questions. Ainsi, celle qui est donnée au paragraphe 233 du rapport sur l'application de l'article 18 le laisse perplexe, car il y est écrit que la liberté de pratiquer sa religion est garantie "pour autant que l'exercice de cette liberté ne soit pas contraire à l'ordre public ni à la moralité publique." Mais comme le rapport est muet sur ce qui est contraire à la moralité publique, l'information est bien vague.

24. En ce qui concerne la liberté d'expression, M. Solari Yrigoyen constate qu'elle est garantie par la loi, mais ne voit pas clairement en quoi consistent les "limites imposées par la loi" dont il est fait état au paragraphe 237 du rapport. Il mentionne le cas de M. Mohammad Jasem Al-Saqer, directeur d'un journal qui aurait publié une plaisanterie considérée comme un "outrage à l'islam". M. Al-Saqer aurait été condamné à six mois de prison, avant d'être finalement amnistié. Un enseignant de l'Université du Koweït, M. Ahmad Al-Baghdadi, aurait également été accusé d'outrage à l'islam et condamné à un mois de prison, avant d'être, lui aussi, amnistié. Enfin, le journal Al-Siyassah aurait été empêché de paraître pendant cinq jours pour avoir publié un article reproduisant l'opinion d'une personnalité politique. Les cas dans lesquels la censure est applicable sont à l'évidence trop nombreux et pourraient entraîner la suppression de la liberté de la presse. Compte tenu notamment des dispositions constitutionnelles qui garantissent l'exercice de la liberté d'expression, les autorités pourraient peut-être envisager de modifier la loi No 3 de 1961 sur l'édition et la publication.

25. Au sujet de l'article 21 du Pacte, M. Solari Yrigoyen se demande pourquoi les questions relatives aux réunions dans un lieu public relèvent du Code pénal, et souhaiterait de plus amples renseignements concernant ce qui est dit au paragraphe 252 du rapport, ainsi que sur le décret-loi No 65 de 1979 (paragraphe 253). D'une façon générale, le droit de réunion dans un lieu public ne paraît pas assorti de garanties suffisantes, et il serait par conséquent important de savoir combien de réunions de ce type ont été autorisées en 1999.

26. À propos du divorce, M. Solari Yrigoyen se demande dans quels cas il est autorisé et si la femme peut le demander pour les mêmes motifs que l'homme. Ce dernier aspect est important à déterminer pour s'assurer de l'absence de disparités préjudiciables aux femmes. Pour ce qui est de la déclaration que le Koweït a faite concernant l'article 23 du Pacte au moment de son adhésion à l'instrument, M. Solari Yrigoyen voudrait savoir si les autorités envisagent de la retirer.

27. Un autre aspect préoccupant est celui de l'absence de partis politiques. En effet, les partis politiques constituent un élément indispensable dans toute la démocratie, et M. Solari Yrigoyen serait reconnaissant à la délégation koweïtienne de bien vouloir commenter ce point. Enfin, il appelle son attention sur la nécessité d'accorder aux femmes la totalité des droits prévus dans l'article 25 du Pacte. Les femmes représentent en gros la moitié des citoyens, et il convient de mettre un terme aux inégalités entre les sexes, qui empêchent le développement d'une véritable démocratie. Pour ce faire, le Koweït peut s'appuyer sur sa Constitution et sur le Pacte, et il est important que la question soit définitivement réglée, autrement dit que les femmes disposent des mêmes droits politiques que les hommes, lorsque l'État partie viendra présenter son deuxième rapport périodique.

28. M. BHAGWATI souhaite compléter les questions qui ont déjà été posées par les autres membres du Comité. En particulier, à celle concernant le nombre de femmes juges, il en ajoute une autre : existe-t-il des dispositions législatives interdisant la nomination d'une femme à cette fonction ?

29. Concernant la question de l'avortement, le rapport laisse entendre que ce dernier est interdit même si la grossesse est due à un viol et si la vie de la femme est en danger. Cette interdiction comporte-t-elle néanmoins des exceptions ?

30. Au sujet de la naturalisation, M. Bhagwati partage les préoccupations de M. Wieruszewski et considère que la loi régissant cette question n'est pas pleinement conforme à l'article 26 du Pacte, dans la mesure où elle établit une discrimination au motif de la religion.

31. M. Bhagwati relève que la Constitution prévoit que l'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par la loi et il voudrait savoir quelle loi régit cette question. En outre, deux éléments sont essentiels pour l'indépendance des magistrats, à savoir l'inamovibilité et les conditions de la rémunération. Dans la plupart des pays, ces deux aspects sont garantis par la Constitution mais, au Koweït, ils le sont par la loi. Ainsi, ils sont dépendants de la volonté de la majorité des parlementaires, lesquels peuvent adopter des dispositions restreignant l'indépendance du pouvoir judiciaire. Dans ces conditions, comment l'indépendance et l'impartialité des juges peuvent-elles être garanties, en particulier lorsque ces derniers ont à se prononcer sur des questions relatives à la légalité de l'action du Parlement ou du Gouvernement ? Par ailleurs, l'article 166 de la Constitution prévoit que le droit de recourir à la justice est exercé conformément à la loi. M. Bhagwati appelle l'attention de la délégation koweïtienne sur le fait que, si la nature d'un recours et les conditions dans lesquelles il peut être exercé dépendent de la volonté exprimée par la majorité des parlementaires, les droits des particuliers reconnus par la Constitution ne sont pas pleinement garantis. Il voudrait savoir quels recours sont ouverts à un particulier qui estime que l'un de ses droits prévus par la Constitution ou la loi a été violé par l'État, et quelle juridiction il peut saisir.

32. Pour ce qui est de la Cour constitutionnelle, il serait bon de savoir si elle a été mise en place. Dans l'affirmative, quelle en est la composition, qui nomme ses magistrats et a-t-elle déjà rendu des décisions ? Dans le cas où la constitutionnalité des lois n'aurait jamais été contestée ces dernières années, on pourrait en conclure que la population n'est pas suffisamment informée de ses droits au titre de la Constitution, ou qu'elle n'a pas confiance dans la Cour constitutionnelle. Dans les deux cas, il conviendrait que les autorités prennent des mesures. M. Bhagwati souhaiterait également savoir s'il existe des tribunaux pour mineurs et si des mesures de réinsertion sociale sont prévues pour les mineurs délinquants. Par ailleurs, existe-t-il des dispositions législatives ou administratives prévoyant l'assistance juridictionnelle ?

33. En ce qui concerne la liberté d'expression, M. Bhagwati demande s'il existe une loi régissant les médias électroniques, et si le droit de créer une chaîne de radio ou de télévision est ouvert à tous. Par ailleurs, le Koweït a-t-il adopté une loi sur la liberté d'information, qui garantirait aux citoyens le droit de recevoir des informations concernant le fonctionnement ou les décisions du Gouvernement ? Enfin, les jugements rendus par les tribunaux peuvent-il être critiqués publiquement, et quelle est la teneur des dispositions relatives au délit d'outrage à magistrat. À cet égard, le droit à la liberté d'expression est-il pleinement garanti ?

34. Mme EVATT voudrait savoir combien de personnes ont été placées en détention en attendant leur expulsion du Koweït, pour quelle durée et si celle-ci est limitée par la loi. Selon certaines informations, des personnes appartenant à la catégorie des Bidun ainsi que des Iraquiens, qui ne sont donc pas expulsables, seraient maintenus en détention depuis très longtemps. Est-ce exact ?

35. En ce qui concerne la liberté d'association, les paragraphes pertinents du rapport ne mentionnent pas la proportion extrêmement élevée de travailleurs étrangers au Koweït, en particulier dans l'industrie privée. La liberté d'association est-elle assortie de restrictions spécifiquement applicables à ces travailleurs ? Plus généralement, si le Koweït a adhéré dès 1961 à la Convention de l'OIT No 87 de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, le Code du travail koweïtien ne paraît toutefois pas encore conforme aux dispositions de cet instrument, notamment au regard de l'obligation de cinq ans de résidence et de la condition de nationalité pour les personnes désirant créer un syndicat, l'obligation qui leur est faite d'obtenir un certificat de bonne conduite, ainsi que le refus du droit de vote aux syndicalistes étrangers. Mme Evatt s'associe aux préoccupations de M. Wieruszewski sur ces questions, et demande si les autorités koweïtiennes envisagent de modifier la législation du travail de façon à la rendre pleinement conforme à la Convention No 87 de l'OIT.

36. Enfin, il semble que non seulement les rassemblements publics, mais aussi les réunions privées soient soumis à autorisation s'ils sont susceptibles de déboucher sur la publication d'une déclaration. Une telle disposition pourrait restreindre gravement la liberté d'expression, de réunion et d'association, et Mme Evatt souhaiterait entendre la délégation koweïtienne à ce propos.

37. M. ANDO lit au paragraphe 240 du rapport que les publications qui peuvent susciter la dissension entre les membres de la société sont interdites. Il rappelle que le débat d'idées, y compris contradictoire, est par définition un signe de bon fonctionnement de la démocratie. Il souhaiterait par conséquent que la délégation indique les critères permettant de déterminer qu'une publication suscite la dissension au sein de la société, et donne des exemples de publications interdites pour ce motif, le cas échéant.

38. À propos de la liberté d'association, on peut lire au paragraphe 259 du rapport que les syndicats et les associations de travailleurs n'ont pas le droit de se mêler des affaires de nature politique. Cette interdiction ne saurait manquer de poser des problèmes, dans la mesure où un grand nombre des activités des syndicats et des associations de travailleurs ont inévitablement des implications politiques. Dans ces conditions, quelle définition est donnée à l'expression "affaires de nature politique", et par qui ? M. Ando serait reconnaissant à la délégation koweïtienne de mentionner les décisions prises dans ce domaine, le cas échéant.

39. M. KLEIN voudrait savoir quel traitement sera donné aux observations finales du Comité concernant l'examen du rapport initial du Koweït, et plus précisément si le texte de ces observations sera transmis au Gouvernement et au Parlement, et diffusé dans la population.

40. La PRÉSIDENTE invite la délégation koweïtienne à répondre aux questions complémentaires posées oralement par les membres du Comité.

41. M. RAZZOOQI (Koweït) rappelle tout d'abord que le Koweït est un pays arabe, dont la religion est l'islam, et que l'évolution de la législation et de la pratique en matière de droits de l'homme est inévitablement marquée par ces deux facteurs. Dans ce contexte, les autorités koweïtiennes s'efforcent toutefois d'améliorer tout ce qui paraît pouvoir l'être.

42. En ce qui concerne les observations finales que le Comité formulera à l'issue de l'examen du rapport initial du Koweït, elles seront, bien entendu, diffusées dans les médias et le Gouvernement veillera à ce qu'elles aient toutes la publicité nécessaire. En outre, elles seront communiquées à la fois au Gouvernement et au Parlement. D'une façon générale, l'application des principes fondamentaux contenus dans le Pacte est pleinement garantie par la législation et dans les faits, et la délégation koweïtienne fera parvenir ultérieurement des informations complémentaires qui éclaireront les membres du Comité sur les nombreux aspects qu'ils ont évoqués dans leurs questions. En outre, les points de vue et observations qu'ils ont formulés seront dûment pris en compte dans l'établissement du deuxième rapport périodique.

43. S'agissant de la question des droits politiques des femmes, la délégation koweïtienne partage tout à fait le point de vue des membres du Comité, et espère vivement que les femmes jouiront pleinement de ces droits au moment de la présentation du deuxième rapport périodique. Toutefois, le règlement de cette question doit suivre la voie légale, et le Gouvernement ne saurait y passer outre.

44. Quant à la Cour constitutionnelle, M. Razzooqi indique qu'elle a été saisie à plusieurs reprises dans des affaires mettant en cause des aspects de la politique gouvernementale ou de la législation. Les particuliers ne peuvent pas s'adresser directement à cette juridiction, mais ils peuvent le faire par l'intermédiaire des tribunaux administratifs ou d'associations. La délégation koweïtienne fera distribuer aux membres du Comité des renseignements sur le fonctionnement et les attributions de la Cour constitutionnelle.

45. En ce qui concerne les obligations internationales auxquelles le Koweït a souscrit en adhérant au Pacte, le Gouvernement fait tout son possible pour s'en acquitter mais, quand elles touchent à des questions liées à la religion, sa tâche est parfois très difficile et il s'efforce de faire preuve de souplesse dans l'interprétation des textes et de prendre en compte les aspects humanitaires des questions en jeu. C'est le cas, par exemple, en ce qui concerne l'avortement, qui est contraire à l'islam et interdit par le Code pénal. Toutefois, la revendication des femmes qui ont été violées durant l'invasion par l'Iraq, ont été ainsi enceintes et ne souhaitaient pas donner naissance dans ces conditions était légitime. D'une façon générale, le respect des obligations internationales relatives aux droits de l'homme doit être examiné en tenant compte du contexte géopolitique dans lequel le Koweït s'inscrit. Ce petit État de 700 000 habitants occupe une position stratégique dans le Golfe arabo-persique, au cœur d'une région qui a connu de nombreux troubles, notamment la guerre entre l'Iran et l'Iraq et l'invasion de son propre territoire par l'Iraq. À la suite de cette invasion, l'identité koweïtienne a été pratiquement rayée de la carte du monde, et les autorités ont dû repartir de zéro sur le plan de la sécurité et de l'identité nationale. Néanmoins, les mesures qu'elles ont prises dans ce cadre étaient compatibles avec les obligations internationales de l'État.

46. S'agissant de la peine capitale, cette sanction est prévue par la religion mais, là aussi, les autorités prennent en compte les considérations humanitaires. À ce jour, 28 personnes sont dans l'attente de leur exécution au Koweït, à la suite de condamnations pour trafic de stupéfiants ou homicide. Mais, le Koweït respecte pleinement le caractère sacré de tout être humain et, à ce titre, il s'efforce d'appliquer autant que possible des mesures de dissuasion. En outre, en ce qui concerne la toxicomanie, en essor au Koweït comme dans tant d'autres pays, les autorités traitent différemment les simples usagers de drogue et les trafiquants. Le fait que sur un territoire grand comme l'État de New Jersey, aux États-Unis, cohabitent 132 nationalités est également source de difficultés. Quoi qu'il en soit, la peine capitale n'est prononcée qu'au terme d'une longue procédure, et l'Émir dispose d'un droit de grâce, qu'il a d'ailleurs souvent utilisé.

47. En ce qui concerne la question de l'existence de partis politiques, sur ce point aussi il convient de tenir compte de la situation géographique du Koweït. En effet, dans certains pays proches, l'existence de multiples partis politiques a détruit le tissu même de la société, et le Koweït est soucieux d'éviter un tel résultat. Il existe des associations politiques au Koweït, et le parlement compte en son sein un certain nombre de groupements politiques. Il appartiendra néanmoins au législateur de décider si l'existence de partis proprement dits peut être autorisée, étant entendu que, en toute hypothèse, la liberté d'association et de réunion sera garantie.

48. À propos des minorités, M. Razzooqi rappelle que 99 % des Koweïtiens sont musulmans. Le Comité paraît considérer qu'avec un pourcentage de 1%, les chrétiens constituent une minorité religieuse, point de vue que ne conteste pas la délégation koweïtienne. En tout état de cause, les droits de ces personnes sont pleinement protégés, mais la loi leur est applicable comme aux autres membres de la société. Il en va de même pour les résidents étrangers, et M. Razzooqi indique que, avant l'invasion du Koweït par l'Iraq, un million et demi d'Indiens travaillaient au Koweït, souvent comme employés de maison. L'invasion les a fait fuir et, depuis, les travailleurs étrangers résident en général deux ou trois ans au Koweït, puis quittent le territoire. Dans tous les cas, leurs droits sont dûment protégés.

49. Une question a été posée concernant l'objection de conscience, et M. Razzooqi répond en disant que c'est un phénomène inconnu au Koweït.

50. M. AL-SALEH (Koweït) répond aux observations suscitées par la première question écrite, quant à la compétence des tribunaux pour connaître du respect des droits civils et politiques définis dans le Pacte. Le Koweït s'efforce de défendre par tous les moyens les droits de l'homme, qui sont inscrits dans sa Constitution et sa législation. Il a adhéré à tous les traités internationaux pertinents, notamment ceux qui concernent les droits civils et politiques. Pour ce qui est précisément du Pacte relatif aux droits civils et politiques, le Gouvernement koweïtien a fait une déclaration d'interprétation concernant l'article 2, paragraphe 1 et l'article 23, et a émis des réserves concernant l'article 3 et l'article 25 b). Toutes les autres dispositions du Pacte sont incorporées dans la législation. Les juges doivent donc s'y référer dans leurs décisions et elles peuvent être invoquées devant tous les tribunaux. Il se trouve que certaines dispositions du Pacte sont contraires à certaines lois du Koweït. Le Gouvernement s'emploie à analyser ces divergences pour adapter sa législation au Pacte. La principale source du droit au Koweït est la charia.

51. En ce qui concerne le Code du statut personnel et commercial et son application aux non musulmans, l'article 146 a) 2 du Code stipule que la loi s'applique aux musulmans; pour les autres personnes, l'application est subordonnée à la religion. L'article 26 prévoit que les tribunaux ont compétence pour examiner toutes les affaires, même celles qui impliquent des étrangers, de sorte que les non musulmans sont assujettis au Code civil en fonction de leur statut personnel.

52. Pour le mariage, la loi fixe un âge minimum, de 15 ans pour la femme et 17 ans pour l'homme. Le mariage doit être librement consenti, faute de quoi il peut être déclaré nul. Pour les filles de 15 à 25 ans, le consentement du gardien ou du tuteur ou, à défaut, du juge, est requis. Une jeune fille peut faire appel aux tribunaux si des obstacles sont mis à son mariage.

53. En matière de divorce, la femme peut demander la séparation à son mari conformément à l'article 111 du Code du statut personnel, ou bien au juge si le mari, bien que solvable, ne l'entretient pas, s'il y a risque d'abandon ou de mauvais traitement et, d'une manière générale, lorsque la cohabitation n'est plus possible. Elle peut aussi demander le divorce si le mari a quitté le pays depuis plus d'un an en la laissant sans ressource ou bien s'il purge une peine de prison d'au moins trois ans.

54. En matière de prison pour dettes, on a fait valoir qu'il y aurait une contradiction entre deux paragraphes du rapport. D'après le Code civil, une personne liée par contrat mais qui ne se sent pas vraiment engagée peut demander la dissolution du contrat. Si l'un des contractants ne remplit pas toutes ses obligations, l'autre partie peut demander une indemnité après l'annulation du contrat. Si le défendeur ne peut pas la verser, il est passible d'une peine de prison de six mois. Le juge peut lui donner un délai d'un mois pour régler sa dette mais, si le débiteur n'a pas les moyens de la régler immédiatement, il peut la rembourser en plusieurs versements. Un débiteur âgé de plus de 65 ans ne peut pas être emprisonné, notamment s'il a des enfants de moins de 15 ans et si son conjoint est emprisonné ou décédé. Une personne insolvable est tenue de purger la peine prononcée par les tribunaux, à moins de verser une caution ou de présenter un garant. Il n'y a aucune contradiction dans le rapport : la peine de prison vise à contraindre le débiteur à s'acquitter de sa dette conformément au jugement rendu, pour autant qu'il en ait les moyens financiers.

55. À propos de la question concernant l'appareil judiciaire du Koweït, il faut savoir qu'il existe quatre types de tribunaux : le tribunal des référés, qui comprend plusieurs chambres présidées par un juge et qui connaît des affaires simples et des délits mineurs; le tribunal de première instance, composé de plusieurs chambres comprenant chacune trois juges et qui connaît des délits commerciaux d'un montant ne dépassant pas 5 000 dinars. Il sert d'instance d'appel des décisions du tribunal des référés. Vient ensuite la Cour d'appel, qui statue sur les décisions du tribunal de première instance. Il y a enfin la Cour de cassation, qui examine les décisions de la Cour d'appel si la sentence contestée est entachée d'erreur ou de vice de procédure.

56. En ce qui concerne la possibilité pour les femmes de faire valoir leurs droits politiques devant la justice, on a demandé la raison du rejet de nombreux recours introduits à ce titre. La loi électorale dispose que toute personne dûment inscrite peut contester une liste électorale pour cause d'omission, dans un certain délai et dans son district ou sa circonscription électorale. Les recours sont examinés par les tribunaux, qui peuvent les rejeter si les formalités (délai, circonscription, etc.) ne sont pas remplies. C'est le cas de nombreux appels interjetés par des femmes pour se faire enregistrer sur les listes électorales.

57. Une question a été posée concernant la liberté d'opinion. Le Code pénal prévoit en son article 111 une peine de prison ou une amende pour toute personne qui tient en public des propos injurieux ou diffamatoires à l'égard d'une religion ou d'une conviction religieuse. Cet article est tempéré par l'article 112, qui traite des écrits sérieux et de bonne foi sur un sujet religieux, publiés dans la presse ou dans un ouvrage à des fins scientifiques ou de recherche. Ces écrits ne sont pas considérés comme constituant un délit.

58. Concernant la présence de juges étrangers au Koweït, on a demandé pourquoi ils n'étaient pas nommés à titre permanent. Il faut savoir que le Koweït a besoin de recruter des juges expérimentés venant de pays dont la législation est analogue à la sienne, par exemple l'Égypte. Or le système judiciaire égyptien n'autorise le détachement de ses magistrats que pour une durée maximum de quatre ans; c'est la raison pour laquelle ils ne peuvent avoir qu'un statut temporaire au Koweït. Il en va de même de juristes venus d'autres pays amis.

59. Pour répondre à la question concernant la présence de femmes dans la magistrature, il convient d'indiquer que l'appareil judiciaire comprend deux éléments : les tribunaux proprement dits et les départements chargés des enquêtes. Ces derniers comprennent un certain nombre de juges d'instruction femmes. On compte aussi des femmes dans les professions d'avocat ou de conseiller juridique ainsi qu'au conseil d'administration du syndicat de la magistrature, et bon nombre d'entre elles travaillent au département juridique rattaché au Conseil des ministres.

60. En ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, la liberté et l'impartialité de la justice sont garanties par les articles 162 et 163 de la Constitution. Les juges sont inamovibles. Leurs droits et devoirs, leur carrière et leurs conditions d'emploi sont régis par la loi. Ils ont leur propre barème de traitement et bénéficient de l'immunité judiciaire.

61. M. AL-OSAIMI (Koweït) répond à des questions posées au début de la séance en cours et la veille. Tout d'abord, s'agissant de la Cour constitutionnelle, sa compétence est régie par l'article 173 de la Constitution; elle peut être saisie par tout organe de l'État pour se prononcer sur la validité d'un texte législatif ou réglementaire et si elle le déclare anticonstitutionnel, le texte est considéré comme nul et non avenu. La Cour a été créée par une loi de 1973 qui définit ses attributions et sa composition. Elle est compétente non seulement pour interpréter les lois et règlements et trancher les litiges auxquels ils peuvent donner lieu, mais aussi pour valider l'élection des membres de l'Assemblée nationale et leur mandat. Ses décisions ont force obligatoire. La Cour constitutionnelle comprend cinq conseillers désignés par la Cour suprême au scrutin secret. Si la Cour décide qu'un texte ou un décret est contraire à la Constitution ou qu'un règlement est contraire à la loi, l'autorité compétente prend des mesures correctives, y compris à titre rétroactif.

62. En ce qui concerne la loi martiale, l'Émir, en vertu de l'article 69 de la Constitution, prend un décret qui est soumis dans les 15 jours à l'Assemblée nationale. Si le Parlement n'est pas en session, le décret doit être soumis à un nouveau parlement car le maintien de la loi martiale doit être entériné par l'Assemblée. La prorogation du décret est soumise tous les trois mois à l'Assemblée. Depuis l'adoption de la Constitution, la loi martiale n'a été décrétée que deux fois : en 1967, au moment de la guerre impliquant Israël, et lors de la libération du Koweït.

63. Concernant l'acquisition de la nationalité koweïtienne par les femmes, la situation est la suivante : la nationalité peut être accordée à l'épouse d'un étranger naturalisé ou à l'épouse étrangère d'un Koweïtien, ainsi qu'à l'épouse d'un étranger qui acquiert lui-même cette nationalité.

64. On a évoqué le cas de Ala' Husein, Président du "Gouvernement provisoire koweïtien". Cet homme a été condamné à mort par contumace. Il a fait appel mais la peine capitale a été maintenue, après une procédure menée en bonne et due forme.

65. Une question a été posée concernant la justice pour mineurs. Une loi de 1993 définit les mineurs comme ayant moins de 18 ans et elle prévoit pour eux une police et des tribunaux spéciaux. D'après cette loi, les enfants de moins de 7 ans ne peuvent pas être soumis à un interrogatoire, les enfants de 7 à 14 ans ne peuvent faire l'objet que de mesures administratives telles que réprimande ou mise sous tutelle; de 14 à 18 ans, le jeune délinquant est passible de sanctions ou confié par le juge à ses gardiens.

66. En ce qui concerne les pouvoirs de la police et des enquêteurs, il faut savoir que leurs opérations sont subordonnées à la délivrance de mandats d'arrêt ou de perquisition. La durée maximum de la garde à vue est de quatre jours, sauf délivrance d'un mandat écrit par le procureur.

67. À propos de la question concernant l'existence éventuelle de tribunaux religieux, la réponse est négative, conformément à une loi de 1970 qui dispose qu'il existe dans le pays un seul système judiciaire.

68. M. AL-BABTAIN (Koweït) souhaite apporter une précision sur la question de l'avortement. L'article 75 du code pénal prévoit qu'aucunes poursuites ne seront engagées contre une personne ayant pratiqué un avortement à condition que cet acte ait été nécessaire pour sauver la vie de la mère et que le praticien ait eu les compétences médicales nécessaires. Par ailleurs, l'article 31 de la Constitution dispose que nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention ni être soumis à une fouille si ce n'est en application de la loi et que nul ne peut être soumis à la torture ou à des traitements dégradants. La distinction établie au paragraphe 111 du rapport entre les innocents et les coupables est classique, à savoir que le coupable doit être puni pour le délit ou le crime qu'il a commis, mais il bénéficie, au même titre que les autres citoyens, de toutes les garanties prévues par l'article 31 de la Constitution et par la législation en vigueur. Des membres du Comité ont souhaité obtenir des exemples de ce qui est considéré, au Koweït, comme un crime ou un délit contre la sûreté de l'État : il peut s'agir d'une menace ou d'une agression armée contre l'État ou du ralliement à une armée étrangère en temps de guerre, c'est-à-dire, d'une manière générale, d'une atteinte – intérieure ou extérieure – à la sûreté de l'État.

69. M. AL-REESH (Koweït) revient, pour sa part, sur les 63 cas d'abus de pouvoir commis par des agents de la force publique évoqués la veille par un de ses collègues. Ce chiffre représente une proportion très faible de l'ensemble des crimes et délits jugés durant la même période et englobe aussi des cas ne relevant pas de violations des droits de l'homme, comme l'ivresse sur la voie publique ou la négligence professionnelle. Dans tous les cas sans exception, des mesures disciplinaires ont été prises contre les coupables et des sanctions ont été prononcées par les tribunaux en vertu du code pénal. Les victimes peuvent engager des poursuites civiles, à l'issue desquelles un tribunal peut leur accorder des indemnités et l'État leur propose, dans certains cas, un programme de réhabilitation. Par ailleurs, toutes les prisons sont soumises au contrôle régulier effectué par des fonctionnaires du Ministère de l'intérieur. Une campagne a été lancée pour sensibiliser l'ensemble de la fonction publique à l'importance des droits de l'homme, des cours spécialisés sont organisés dans les écoles de police du pays et les autorités ont bon espoir d'éliminer totalement les violations commises par des fonctionnaires de l'État.

70. Les personnes condamnées pour collaboration avec l'ennemi durant l'agression iraquienne et se trouvant toujours en détention sont au nombre de 42. Elles bénéficient de toutes les garanties judiciaires prévues par la loi, y compris de la possibilité de désigner un avocat de leur choix et de demander la comparution de témoins à décharge. Les verdicts rendus ne sont pas définitifs tant qu'ils n'ont pas été visés par le Gouverneur général des armées. Les peines capitales prononcées après la guerre ont été commuées en peines de prison à perpétuité et l'Émir a gracié les personnes condamnées à des peines plus légères. Il convient, par ailleurs, de souligner que le délit d'opinion n'existe pas au Koweït. L'accès aux établissements pénitentiaires n'a jamais été refusé au Comité des droits de l'homme de l'Assemblée nationale, hormis une fois à la suite d'une erreur administrative. Enfin, la plupart des personnes sous le coup d'un arrêté d'expulsion ont enfreint le règlement sur le séjour des étrangers. Si leur expulsion tarde, c'est souvent à leur demande, les citoyens iraquiens, par exemple, craignant de subir des représailles à l'arrivée dans leur pays. À cet égard, il faut souligner que le Haut-commissariat pour les réfugiés a félicité les autorités koweïtiennes du respect qu'elles témoignent envers les dispositions internationales interdisant le retour forcé des réfugiés vers un territoire où leur vie serait menacée.

71. L'orateur souhaite ensuite dissiper la confusion qui semble exister au sein du Comité entre les Bidun et les Bédouins. Les Bédouins sont des nomades établissant leurs campements dans l'ensemble de la péninsule arabique alors que les Bidun, considérés au Koweït comme des résidents illégaux, sont des citoyens d'autres pays – pays asiatiques ou pays voisins par exemple – ayant dissimulé leurs documents d'identité pour rester au Koweït et y bénéficier des prestations sociales de haut niveau. Pour mieux comprendre la situation, il faut remonter aux origines du problème, c'est-à-dire à un recensement de la population effectué dans les années 60 lors duquel un certain nombre de citoyens étrangers n'avaient pas présenté leurs papiers d'identité et s'étaient malgré tout vu accorder la nationalité koweïtienne à part entière. Ce système a fait école et beaucoup d'autres ont voulu s'en inspirer. En 1990, le Koweït comptait près de 220 000 résidents illégaux, contre à peine 10 000 en 1960. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 102 000 environ car de nombreuses situations ont été régularisées.

72. Une question a été posée concernant les Bidun qui ont quitté le Koweït pendant l'invasion iraquienne. Les autorités koweïtiennes n'interdisent pas leur retour dans le pays à condition qu'ils soient en possession d'un passeport valide et aient obtenu un visa pour entrer au Koweït. Certains critères régissent la naturalisation, notamment le fait de résider dans le pays depuis 1965 au moins, la présentation d'un certificat de bonne conduite excluant toute menace à la sécurité de l'État, l'existence d'un lien familial avec un citoyen koweïtien et l'exercice d'une profession au Koweït. Les Bidun recensés comme résidant déjà au Koweït en 1965 peuvent obtenir la nationalité koweïtienne conformément à la loi No 15 de 1959. Les autres, s'ils acceptent de présenter leurs papiers, peuvent régulariser leur situation. Près de 5 000 personnes ont bénéficié de cette procédure de régularisation entre septembre 1999 et juin 2000. Depuis le mois de janvier 2000, près de 1 800 certificats de naissance ont été délivrés à des enfants nés de résidents illégaux et, en 1999, près de 800 contrats de mariage ont été établis les concernant. Les frais de scolarité des enfants de Bidun ayant le statut de fonctionnaires sont pris en charge par l'État, qui a déboursé à ce titre l'équivalent de 15 millions de dollars pour l'année scolaire 1998-1999 (20 000 élèves concernés). Les Bidun sont également couverts par l'assurance médicale qui prend en charge les citoyens koweïtiens.

73. La PRÉSIDENTE invite la délégation à fournir ses dernières réponses au Comité au début de la séance suivante.


La séance est levée à 13 heures.


©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland