Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1851
4 octobre 2000


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1851ème séance : Kuwait. 04/10/2000.
CCPR/C/SR.1851. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR


COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME

Soixante-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1851ème SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mardi 18 juillet 2000, à 10 heures

Présidente : Mme MEDINA QUIROGA



SOMMAIRE

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Rapport initial du Koweït


La séance est ouverte à 10 h 10.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial du Koweït (CCPR/C/120/Add.1 ; CCPR/C/69/L/KWT)

1. Sur l'invitation de la Présidente, MM. Razzooqi, Al-Omar, Al-Osaimi, Al-Babtain, Al-Saleh, Al-Reesh, Al-Askar, Al-Bader et Marafi ainsi que Mme Al-Adsani (Koweït) prennent place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation koweïtienne et l'invite à présenter le rapport initial du Koweït (CCPR/C/120/Add.1).

3. M. RAZZOOQI (Koweït) met en lumière certains points importants figurant dans le rapport. Il rappelle notamment que le Koweït est régi par un système de gouvernement démocratique. La souveraineté appartient au peuple et est exercée conformément à la Constitution. Justice, liberté et égalité sont les piliers de la société koweïtienne. Le régime koweïtien repose sur le principe de la séparation des pouvoirs, qui coopèrent entre eux et ne peuvent renoncer au mandat qui leur incombe en vertu de la Constitution. Cette dernière constitue le cadre politique et juridique dans lequel s'inscrivent les règles relatives aux droits de l'homme au Koweït. Dans ce cadre, plusieurs lois ont été adoptées pour protéger les droits de l'homme dans les différentes sphères (politique, civile, pénale, économique, culturelle, sociale et autre). L'application du Pacte s'inscrit dans le contexte du mécanisme prévu par l'article 70 de la Constitution, qui stipule que les traités conclus par l'État koweïtien ont force de loi dans le pays, qu'ils s'adressent à tous et que leurs dispositions lient les tribunaux du pays. En outre, le droit de recours en justice est garanti à tous, conformément à l'article 166 de la Constitution, et la loi définit la procédure et les conditions d'exercice de ce droit. D'une façon générale, l'État du Koweït veille à ce que les nationaux comme les étrangers résidant sur le territoire national jouissent de la sécurité et de conditions de vie décentes. Les uns et les autres bénéficient gratuitement, ou moyennant une très faible contribution, des services de santé publics.

4. En ce qui concerne l'application des dispositions du Pacte, M. Razzooqi rappelle ce qui est dit dans le rapport, à savoir que le Koweït rejette avec force toutes les formes de discrimination et de ségrégation, et ne fait aucune distinction entre les hommes et les femmes. Tous les citoyens jouissent de l'ensemble des droits et libertés garantis par la Constitution et les lois en vigueur, sans distinction de race, de couleur, de religion ou d'âge. Pour ce qui est des étrangers, ils jouissent des droits et libertés reconnus à tous par la Constitution : liberté, sécurité de la personne, traitement humain, égalité devant les tribunaux et autres instances judiciaires et garanties judiciaires prévues par la loi. Ils ont également le droit de choisir librement leur travail, la liberté d'entrer dans le pays et de le quitter, d'adopter la conviction de leur choix et de pratiquer leur religion, ainsi que les autres droits que la législation garantit aux citoyens koweïtiens, sans autres restrictions que celles prévues par la loi. Il convient de noter que le droit de vote et d'être élu, la nomination à la fonction publique et le droit de propriété ne sont pas reconnus aux étrangers. Pour renforcer les principes de justice et d'égalité, la Constitution interdit toute modification des dispositions touchant à ces principes, à moins que cette modification n'ait pour but de mieux en garantir le respect. Par ailleurs, tous les citoyens du Koweït jouissent de l'égalité d'accès à la fonction publique, ainsi que de l'égalité en ce qui concerne les droits et les obligations liés à l'emploi.

5. S'agissant des droits des femmes, le Koweït a consacré beaucoup d'attention à cette question, et la Constitution consacre le droit de la femme au travail et son entière liberté de choix à cet égard. L'État a également facilité l'accès des femmes à l'éducation, à tous les niveaux, ainsi qu'aux fonctions publiques dans des conditions d'égalité avec les hommes. Les dispositions législatives et réglementaires concernant la promotion des femmes dans la société koweïtienne sont régulièrement réexaminées ; il convient toutefois de noter qu'un décret de l'Émir, daté de mai 1999, visant à conférer aux femmes koweïtiennes la totalité des droits politiques, ainsi qu'une proposition de loi allant dans le même sens ont été malheureusement rejetés par le parlement.

6. Un autre principe important est celui de la non-rétroactivité de la loi pénale, qui est consacré par la Constitution en son article 32.

7. Par ailleurs, la délégation koweïtienne tient à appeler l'attention des membres du Comité sur l'occupation cruelle de son pays par l'Iraq, en août 1990. Le régime iraquien a pratiqué la politique dite de la terre brûlée, et le Koweït continue de subir les conséquences de cette catastrophe. En particulier, la tragédie humaine perdure puisque plus de 600 Koweïtiens ou nationaux de pays tiers sont des prisonniers de guerre qui croupissent dans les geôles iraquiennes depuis le 2 août 1990. La plupart d'entre eux sont des civils, hommes et femmes. La communauté internationale a réagi en créant, en mars 1991, une commission tripartite sur les prisonniers de guerre et les personnes portées disparues présidée par le Comité international de la Croix-Rouge. Malheureusement, le régime iraquien n'a pas manifesté une réelle préoccupation à l'égard des personnes arrêtées ou détenues, pas plus qu'il n'a respecté l'obligation qui lui était faite de coopérer avec la commission tripartite et la sous-commission technique, en violation des Conventions de Genève, des résolutions du Conseil de sécurité et du droit international en général. En détenant de cette façon plus de 600 personnes, l'Iraq viole les articles 6, 7, 9 et 12 du Pacte, et la délégation koweïtienne demande au Comité des droits de l'homme d'aider son Gouvernement à obtenir la libération de tous les prisonniers de guerre, qu'ils soient koweïtiens ou non, ainsi détenus par l'Iraq. Les pratiques inhumaines auxquelles l'Iraq les soumet doivent cesser sans délai.

8. La PRÉSIDENTE invite ensuite la délégation koweïtienne à répondre aux questions 1 à 15 de la liste des points à traiter (CCPR/C/69/L/KWT).

9. M. RAZZOOQI (Koweït), répondant à la question 1, dit que les droits énoncés dans le Pacte font effectivement partie intégrante du droit interne et peuvent être directement invoqués devant les tribunaux. Ils ne l'ont toutefois pas été jusqu'à présent. En réponse à la question 2, M. Razzooqi fait observer que les déclarations et la réserve qui ont été formulées concernant le Pacte s'expliquent par le poids de la religion et des pratiques religieuses au Koweït, en particulier l'application de la charia.

10. M. AL-OSAIMI (Koweït), répondant à la partie de la question 3 relative au Comité des droits de l'homme du Ministère de l'intérieur, indique que cet organisme examine les plaintes qui lui sont soumises, recueille toutes les informations pertinentes et les transmet au Ministère de l'intérieur, auquel il fait rapport. Ses travaux sont confidentiels.

11. M. AL-SALEH (Koweït) dit, en ce qui concerne le Comité des droits de l'homme de l'Assemblée nationale du Koweït, que cet organe permanent, composé de sept membres, a été mis en place par le parlement le 21 octobre 1992, et répond au souci des autorités de s'acquitter des obligations internationales relatives aux droits de l'homme auxquelles le Koweït a souscrit. Guidé à la fois par les principes de l'islam, les dispositions de la Constitution koweïtienne et celles de la Déclaration universelle des droits de l'homme, ledit Comité étudie la législation pénale en vigueur, organise des séminaires et réalise des études. Il travaille aussi à l'établissement d'un centre de documentation sur les droits de l'homme. En outre, il veille au respect des droits de l'homme dans les activités des organes gouvernementaux, et coopère avec un grand nombre d'organisations non gouvernementales, qu'elles soient nationales ou internationales, de parlements étrangers et d'organisations internationales aux fins d'échange d'informations et d'expériences. La délégation koweïtienne fera distribuer aux membres du Comité une brochure dans laquelle sont résumées les compétences de ce Comité.

12. M. RAZZOOQI (Koweït) ajoute que le Gouvernement a donné par ailleurs effet à deux recommandations de l'Assemblée nationale : la fermeture de la prison de Talha, et l'adhésion à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Pour ce qui est des mesures législatives visant à assurer aux femmes le plein exercice des droits prévus par le Pacte (question 4), M. Razzooqi rappelle ce qu'il a dit dans sa présentation du rapport, à savoir qu'un décret de l'Émir visant à reconnaître aux femmes l'ensemble des droits politiques a été malheureusement rejeté par le Parlement. Cette situation est le fruit du jeu démocratique, auquel le Gouvernement doit se soumettre. Toutefois, il poursuivra ses efforts en vue d'assurer aux femmes le plein exercice de tous les droits politiques. Pour ce qui est des statistiques sur la situation des femmes, la délégation koweïtienne fera distribuer aux membres du Comité un document (sans cote et en anglais seulement) comprenant des données sur la représentation des femmes dans les différents secteurs de la société. Il précise simplement que, en 1995, la proportion de nationaux dans l'ensemble de la population était pratiquement la même pour les hommes et pour les femmes, et que les femmes actives ayant la nationalité koweïtienne étaient même légèrement plus nombreuses que les Koweïtiens actifs en 1997.

13. M. AL-SALEH (Koweït), répondant à la question 5, indique que le législateur a veillé à ce que les femmes disposent du droit d'hériter, qui est ainsi prévu par la loi No 51 de 1984 sur le statut personnel, et qui s'inspire des principes de la religion sunnite. Par ailleurs, la femme a le droit de se marier de son plein gré pour autant qu'elle soit majeure et jouisse de toutes ses capacités. Ce droit est également inscrit dans la loi No 51 de 1984. Néanmoins, avant l'âge de 25 ans, la femme doit obtenir le consentement de son tuteur, qui est en principe son père. Dans le cas où le tuteur refuse de donner son agrément, la femme peut saisir la justice pour obtenir gain de cause. Le droit au divorce est, lui aussi, régi par la loi No 51 de 1984, qui prévoit que la femme peut demander à un juge dans le cas où la vie conjugale est devenue impossible, le mari est absent ou a disparu, il n'a pas de biens ou il l'a soumise à de mauvais traitements. Pour ce qui est du droit de la femme d'obtenir la garde de ses enfants, il est garanti par la même loi comme un droit naturel de la mère, laquelle peut saisir la justice pour obtenir la garde en cas de refus du mari.

14. En ce qui concerne la question de la transmission de la nationalité par la mère, M. Al-Saleh indique que la loi autorise un enfant de mère koweïtienne et de père étranger à résider au Koweït jusqu'à sa majorité si ses parents ont divorcé ou si son père est décédé. Dans les autres cas, par décision du Ministère de l'intérieur, l'enfant peut être traité comme un citoyen koweïtien jusqu'à sa majorité. De même, un enfant né de mère koweïtienne et de père étranger peut, sous certaines conditions, acquérir la nationalité de sa mère sur décision du Ministère de l'intérieur. Sur la question de savoir si les non-musulmanes ont les mêmes droits que les musulmanes, M. Al-Saleh fait observer que, non seulement elles ont les mêmes droits, mais elles ont également les mêmes devoirs, conformément à la Constitution, qui interdit la discrimination au motif de la religion.

15. En cas d'abandon de la femme par son mari, la législation prévoit que ce dernier est tenu de verser une rente mensuelle à son épouse, même si elle n'est pas dans le besoin. En cas d'abandon et sous réserve d'en apporter la preuve, la femme peut demander le divorce. Pour ce qui est de la polygamie, la charia autorise un homme à avoir plusieurs épouses, mais limite leur nombre à quatre et assortit la polygamie de conditions strictes. En particulier, l'homme doit disposer des ressources financières nécessaires, et traiter convenablement et dans des conditions d'égalité toutes ses épouses. En ce qui concerne les crimes d'honneur, il convient de noter que la loi permet de requalifier en infractions ces crimes dans le cas où le mari, ou le frère de l'épouse, a surpris cette dernière en flagrant délit. Dans de telles circonstances, le meurtre de l'épouse entraîne une peine de trois ans de prison au plus ou une amende de 3 000 dinars koweïtiens. Enfin, M. Al-Saleh précise que dans les procédures en cas d'adultère, le mari peut demander, à n'importe quel stade de la procédure, qu'il y soit mis fin, tout comme il peut mettre fin à l'exécution d'une peine prononcée en acceptant de reprendre la vie conjugale.

16. M. RAZZOOQI (Koweït), en réponse à la question 6, indique que l'accès des femmes à la fonction publique sur un pied d'égalité avec les hommes et le droit des femmes à un salaire égal pour un travail égal dans les secteurs public et privé sont pleinement garantis, conformément à la législation du travail et à la loi sur la fonction publique.

17. M. AL-OMAR indique, en réponse à la question 7, que les travailleurs étrangers sont protégés tant par la Constitution que par la législation du travail. En outre, le Koweït a adhéré il y a plusieurs dizaines d'années déjà à la Convention de l'OIT No 87 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et les dispositions de cet instrument leur sont pleinement applicables. Dans la pratique, les autorités koweitiennes sont attachées au développement libre et démocratique de la société et des institutions et, dans ce cadre, elles accordent des libertés syndicales plus importantes que celles prévues dans le texte de la loi, ce que la Confédération internationale des syndicats libres a d'ailleurs relevé dans un récent rapport. La main-d'oeuvre étrangère au Koweït est deux fois plus nombreuse que la main-d'oeuvre nationale. Cette situation n'est pas simple à gérer mais les autorités veillent à ce que les droits des travailleurs étrangers soient pleinement respectés.

18. À propos des mauvais traitements dont feraient état certaines informations, M. Al-Omar précise que la Constitution prévoit expressément que les êtres humains, qu'ils soient koweïtiens ou étrangers, ne peuvent être soumis à la torture ni à un traitement dégradant. En ce qui concerne les pressions qui seraient exercées par des employeurs sur les étrangers qu'ils emploient, M. Al-Omar fait observer que les cas dans lesquels le passeport d'une personne peut être retenu sont strictement régis par la loi. Toutefois, il arrive qu'un employeur garde le passeport de l'employé étranger et lui délivre une carte lui permettant d'effectuer toutes les démarches et opérations nécessaires au Koweït, mais cette mesure relève d'un accord conclu entre l'employeur et l'employé, d'une part, et vise à protéger celui-ci contre le vol ou la falsification de son passeport, d'autre part. En tout état de cause, dans le cas d'une confiscation arbitraire du passeport, l'employé peut s'adresser au service du Ministère des affaires sociales chargé des conflits individuels du travail, qui a une longue tradition de défense des intérêts des travailleurs, et il peut également saisir la justice.

19. M. AL-OSAIMI (Koweït) ajoute que les informations relatives à des mauvais traitements dont seraient victimes les employés de maison au Koweït ne reflètent pas la réalité. Il se peut qu'il y ait quelques cas isolés, mais la législation est claire sur ce point, et notamment la Constitution, qui prévoit en son article 29 que tous sont égaux devant la loi, en dignité ainsi qu'en droits et en devoirs, sans distinction de race, d'origine, de langue ou de religion.

20. L'article 31 interdit les actes illicites de privation de liberté ainsi que la torture et autres traitements humiliants. Le Code pénal protège tous les individus, étrangers ou Koweïtiens, contre les crimes d'honneur et autres violations de la loi. L'État respecte les droits de l'homme sans discrimination, notamment ceux du personnel domestique, qui est habilité à porter plainte en cas de mauvais traitement; s'il apparaît que la plainte est fondée, elle donne lieu à une enquête. D'ailleurs, le nombre des domestiques étrangers a beaucoup augmenté, notamment celui de personnes qui reviennent travailler au Koweït, ce qui témoigne du bon traitement qui leur a été réservé et apporte un démenti direct aux allégations de mauvais traitement.

21. M. RAZZOOQI (Koweït) dit que le Gouvernement est soucieux de transparence et qu'il est toujours prêt à ouvrir une enquête en cas d'allégation de mauvais traitement, d'où qu'elle émane. Le CICR peut en témoigner puisqu'il a un bureau régional au Koweït et qu'il a accès à tous les prisonniers dans le pays. Le Koweït est le siège du bureau régional du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, auquel il apporte toute son aide, de même qu'aux organisations non gouvernementales, qui ont accès sans restriction aux institutions qu'elles souhaitent contacter dans le pays.

22. M. RAZZOOQI (Koweït) dit, à propos de la question 8, que le Koweït est un État-providence, dont la population possède un niveau de vie élevé qui attire de nombreux étrangers désireux d'acquérir les mêmes privilèges, parfois illégalement. Le problème n'a fait que s'accentuer depuis 1960, de sorte que l'État a dû prendre dans les cinq dernières années des mesures pour faire le départ entre les apatrides véritables et les faux apatrides.

23. M. AL-REESH (Koweït) dit que l'État a dû recenser les résidents illégaux et qu'il a établi pour ce faire un bureau des statistiques juridiques. Ces résidents jouissent des droits de l'homme garantis par la Constitution. Le Gouvernement finance l'éducation de plus de 20 000 enfants apatrides et plus de 22 000 passeports ont été établis pour les apatrides en vertu de l'article 17 de la Constitution, notamment en vue du pèlerinage à la Mecque. Dans les hôpitaux, les apatrides sont traités aussi bien que les résidents légaux, des certificats de naissance et de décès leur sont délivrés par le Ministère de la santé et leurs contrats de mariage sont certifiés par le Ministère de la justice. S'ils sont employés de l'État, ils bénéficient de logements à loyer modéré ou d'une allocation de logement. Les épouses koweïtiennes de résidents illégaux reçoivent une allocation mensuelle et une aide financière pour leurs enfants.

24. Il a été créé en 1993 un comité central des apatrides chargé de traiter les dossiers individuels et de les recenser. À la suite du recensement de 1996, le comité a été remplacé par une commission exécutive des résidents illégaux. À la suite des mesures de normalisation prises par les pouvoirs publics, le nombre de ces résidents a été abaissé, notamment par voie de naturalisation. Une législation a été promulguée en vue d'accorder la nationalité koweïtienne à plus de 2 000 personnes en situation irrégulière. Par ailleurs, plus de 235 000 personnes dont s'était occupé le comité susmentionné ont été naturalisées. Pour sa part, la commission exécutive a délivré des cartes d'identité aux résidents sans papier afin de régulariser leur situation.

25. M. RAZZOOQI (Koweït) dit que les individus qui cherchent à profiter indûment de privilèges sont une menace pour un petit pays comme le Koweït et que celui-ci doit protéger les droits de ses propres citoyens, tout en s'attachant à régler progressivement le problème des résidents sans papier. En ce qui concerne la question 9 du Comité des droits de l'homme, M. Razzooqi affirme qu'il n'y a pas de minorités au Koweït.

26. M. AL-OSAIMI (Koweït) dit, en réponse à la question 10, que selon l'article 27 de la Constitution, l'octroi ou le retrait de la nationalité koweïtienne est régi par la loi. Par ailleurs, l'article 35 de la Constitution garantit la liberté religieuse. Les non-musulmans jouissent des mêmes droits que les musulmans.

27. M. AL-SALEH (Koweït) annonce, en réponse à la question 11, que les crimes passibles de la peine de mort sont au nombre de sept : meurtre avec préméditation, enlèvement, trafic de stupéfiants, viol, sévices sexuels contre des malades mentaux ou des personnes handicapées, atteinte à la sécurité extérieure de l'État, atteinte à la sécurité intérieure de l'État. Dans les années qui ont suivi l'invasion iraquienne, 17 personnes ont été exécutées.

28. M. RAZZOOQI (Koweït) fait valoir, à propos de la question 12, que le chiffre de 70 personnes mentionné par le Comité comme ayant censément disparu est inexact. En fait, d'après le rapport d'un groupe de travail transmis au Gouvernement, il n'y a qu'un seul cas de disparition, dont M. Razzooqi s'est occupé personnellement; malheureusement, les démarches entreprises auprès de la famille de l'intéressé n'ont donné aucun résultat.

29. M. AL-OSAIMI (Koweït) annonce, en réponse à la question 13, que les châtiments corporels ne sont pratiqués ni à l'école, ni ailleurs.

30. M. AL-SALEH (Koweït) dit, en réponse à la question 14, que la loi protège le droit à la vie et réprime toute atteinte à ce droit. Selon le Code pénal, l'avortement est un crime qui entraîne une sanction contre toute mère qui chercherait à tuer son enfant ou contre toute personne qui inciterait une femme enceinte à avorter. La peine est majorée si le contrevenant est un représentant des professions médicales ou paramédicales. Une peine d'amende est prévue pour les personnes qui détiennent ou distribuent des substances utilisées pour l'avortement.

31. M. AL-BABTAIN (Koweït) dit, en réponse à la question 15, que la loi réprime les abus ou excès commis par des représentants de l'autorité, notamment lors d'enquêtes ou d'interrogatoires; ces actes sont d'ailleurs réprouvés par la Constitution. Celle-ci insiste sur la dignité de la personne et la répression des traitements inhumains ou dégradants. L'article 34 interdit les sévices psychologiques ou physiques à l'encontre des accusés, l'article 53 prévoit une peine pécuniaire ou de prison pour les employeurs qui extorquent par la force à leurs employés ou à autrui une information confidentielle, l'article 52 prévoit une peine de prison ou d'amende pour les brutalités commises par un employeur ou le responsable d'un service, l'article 12 interdit l'extorsion d'aveux par la torture ou le chantage et le Code pénal interdit les mauvais traitements à l'égard des employés. Par ailleurs, l'article 159 du Code pénal considère comme nuls et non avenus les aveux obtenus par la force au cours d'interrogatoires. Les actes de torture ou de coercition visant l'obtention d'aveux sont donc sanctionnés en touts circonstances.

32. Il ressort des statistiques que les abus commis par les forces de sécurité sont au nombre de 63 seulement, à mettre en regard des 27 000 délits enregistrés depuis 1979. Dans 53 cas, ces abus ont été sanctionnés. Les dix autres cas font encore l'objet d'une enquête, d'après les statistiques de 1999. On voit donc qu'il existe au Koweït des garanties judiciaires et administratives contre les abus de pouvoir commis par les autorités. Il convient d'ajouter que la Constitution consacre le droit de poursuites judiciaires et que toute personne qui souhaite porter plainte est protégée. Deux comités de l'Assemblée nationale ont été chargés d'enquêter sur les allégations d'abus, un ombudsman a été nommé, ainsi qu'un comité des pétitions et un comité des droits de l'homme. La partie lésée peut s'adresser directement au procureur pour demander l'ouverture d'une enquête, qui est suivie d'audiences tenues sous l'égide du Ministère de l'intérieur. La partie lésée peut aussi publier sa plainte dans un journal, auquel cas celle-ci est transmise par le ministère aux autorités compétentes.

33. M. RAZZOOQI (Koweït) tient à la disposition de la présidence des statistiques annuelles donnant une information détaillée sur ce qui vient d'être dit.

34. M. ZAKHIA, ayant remercié la délégation pour sa présentation orale, dit qu'il comprend les circonstances difficiles qu'a traversées le pays lors de l'agression iraquienne mais que l'application du Pacte n'en est pas moins impérative.. S'il est un sujet extrêmement préoccupant pour le Comité, c'est bien la situation des femmes au Koweït. En dépit des articles 7 et 29 de la Constitution qui font état de l'égalité entre tous les citoyens, en dignité comme en droits et en devoirs, et de l'affirmation (par. 36 du rapport) selon laquelle les traités conclus par l'État ont force de loi dans le pays, il faut bien reconnaître que la réalité est toute autre : le Koweït est aujourd'hui l'un des derniers pays où les femmes sont privées de leurs droits politiques. Il est en effet fort regrettable que l'initiative prise par l'Émir de leur accorder le droit de vote ait été rejetée par le Parlement, qui a ainsi enfreint à la fois la Constitution nationale et le Pacte.

35. Dans un tel contexte, comment les tribunaux peuvent-ils appliquer les dispositions constitutionnelles et celles des instruments internationaux ratifiés par l'État et, par exemple, donner suite aux plaintes déposées par les femmes pour violation de leurs droits fondamentaux ? De nombreuses dispositions législatives, notamment le code sur le statut personnel et la loi sur la nationalité, sont en contradiction avec le Pacte en ce qu'elles consacrent l'infériorité des femmes par rapport aux hommes. Il est facile d'invoquer les traditions religieuses pour justifier un tel état de fait mais en Tunisie, par exemple, le Gouvernement s'est au contraire appuyé sur l'islam pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Les crimes d'honneur sont une insulte à la religion musulmane et l'interdiction totale de l'avortement la négation même de la dignité des femmes et de leur droit à maîtriser leur propre destin. Comment peut-on nier ainsi le droit à la vie des femmes qui risquent de mourir si elles poursuivent leur grossesse et de celles, violées, qui doivent donner naissance à l'enfant issu d'un crime ? Comment se fait-il que les crimes d'honneur soient acceptés et les interruptions de grossesse interdites ? M. Zakhia souhaiterait que la délégation lui fasse part de ses commentaires sur ces points et des éventuelles mesures envisagées par les autorités pour mettre fin à de telles injustices.

36. M. BHAGWATI, qui se félicite de cette première occasion donnée au Comité de dialoguer avec une délégation de l'État partie, et demande tout d'abord comment le Pacte peut être considéré comme faisant partie intégrante du droit interne puisque les traités touchant aux droits civils et privés des citoyens "ne deviennent contraignants que si des dispositions à cet effet sont prévues par la loi" (par. 36 du rapport). Il est surprenant, par ailleurs, qu'aucun des droits consacrés par le Pacte n'ait jamais été invoqué devant les tribunaux. Quelles sont les dispositions qui priment en cas de conflit entre la législation nationale et le Pacte ?

37. Revenant à son tour sur le statut des femmes dans la société koweïtienne, M. Bhagwati déplore vivement que l'avortement soir interdit aux femmes dont la vie est menacée par une grossesse. Peut-on savoir s'il existe des ONG oeuvrant à la promotion des droits des femmes, pourquoi les femmes âgées de 18 à 25 ans sont tenues d'obtenir le consentement de leur père pour se marier et s'il est vrai que les hommes peuvent prononcer un divorce unilatéralement ? Il est contradictoire que l'État partie ait fait une réserve au sujet de l'alinéa b) de l'article 25 - en conflit avec les dispositions du code électoral excluant les femmes de l'exercice des droits politiques - mais n'en ait pas formulé au sujet de l'article 26 du Pacte qui consacre l'égalité de toutes les personnes devant la loi. Il y a pourtant une profonde incompatibilité entre les lois du Koweït et l'article 26 et l'on ne peut que constater le non-respect absolu de cet article. Par ailleurs, les autorités envisagent-elles de créer une commission nationale des droits de l'homme réellement indépendante, à la différence du Comité des droits de l'homme de l'Assemblée nationale ? Enfin, la délégation peut-elle confirmer qu'il n'existe dans le pays aucune minorité, ni linguistique, ni religieuse ?

38. Mme CHANET, désireuse elle aussi d'établir un dialogue fructueux avec la délégation, regrette que la question de l'incorporation du Pacte dans le droit interne koweïtien reste si confuse. Si la Constitution incorpore plusieurs principes proclamés dans le Pacte (par. 25 du rapport), comment comprendre l'affirmation selon laquelle, dès l'achèvement de la procédure constitutionnelle d'adhésion du Koweït au Pacte, cet instrument a fait partie de l'ensemble des lois en vigueur (par. 37 du rapport) ? Quelle est la hiérarchie instaurée entre les dispositions du Pacte et celles de la législation nationale, existe-t-il des restrictions aux unes ou aux autres dans l'application qui en est faite par les tribunaux ?

39. Le Koweït a fait une déclaration explicative en ce qui concerne le paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte; or, dans son Observation générale 9, le Comité insiste sur le caractère contraignant de cet article. Il semble bien que l'État partie applique le Pacte de manière discrétionnaire et notamment en vertu d'une législation interne qui restreint les droits de la moitié de la population. Les réserves faites par le Koweït touchant l'article 23 et l'alinéa b) de l'article 25 sont également regrettables. Par ailleurs, la délégation peut-elle fournir des éclaircissements au sujet du paragraphe 111 du rapport, en particulier de la distinction établie entre les innocents et les coupables, ces derniers ne semblant pas mériter la dénomination d'"êtres humains" ? Est-il donné effet à l'article 4 du Pacte et quelles dispositions régissent l'état d'urgence ? Concernant l'application de l'article 11 du Pacte, une nouvelle contradiction apparaît dans le rapport : comment se fait-il qu'il soit question, au paragraphe 172, des personnes incarcérées pour non-paiement de dettes et indiqué, au paragraphe 188, que la législation ne prévoit aucune peine d'emprisonnement en cas de non-exécution d'une obligation contractuelle ? Par ailleurs, le fait que la décision de délivrer, de renouveler ou de retirer un passeport incombe au Ministère de l'intérieur semble bien constituer une violation de l'article 12 du Pacte. Enfin, un étranger expulsé du Koweït dispose-t-il de recours utiles ?

40. Lord COLVILLE, rappelant que le Comité a toujours encouragé les États parties à retirer le plus grand nombre de réserves formulées au moment de la ratification du Pacte, aimerait obtenir des éclaircissements sur les déclarations explicatives faites par le Koweït sur différents articles et savoir, en particulier, si celles-ci visent à protéger la charia et de quelle façon. La délégation pourrait-elle donner des exemples concrets ? Comment ces réserves sont-elles compatibles avec l'article 26 du Pacte ? Que font les tribunaux lorsqu'ils doivent statuer sur une affaire faisant intervenir à la fois un droit consacré par le Pacte et une réserve émise par le Koweït sur ce même droit ?

41. Lord Colville demande par ailleurs comment l'État partie s'acquitte de ses obligations envers les handicapés étant donné la déclaration explicative faite au sujet de l'article 3 du Pacte. Il aimerait également savoir comment un tribunal peut établir que le défendeur a fait un aveu sous la torture ou la contrainte et, partant, déclarer cet aveu comme non recevable. À qui appartient, dans ce cas, la charge de la preuve ? Parmi les 63 cas cités d'abus de pouvoir de la part de fonctionnaires de l'État, des poursuites ont-elles été engagées pour actes de torture et les victimes ont-elles obtenu compensation ? À cet égard, les exemples concrets fournis au paragraphe 131 du rapport sont très précieux mais la question des recours offerts aux victimes - qui se pose puisque le Koweït n'a pas fait de réserves au sujet du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte - n'est pas abordée.

42. M. KLEIN insiste à son tour sur le grand nombre de contradictions relevées entre les dispositions du Pacte et celles de la législation nationale, les normes consacrées par le Pacte et les réserves faites par l'État partie, le droit et son application, et même entre certains paragraphes du rapport. Dans un tel contexte, il lui paraît impossible que les tribunaux du pays puissent mettre en oeuvre les dispositions du Pacte de manière satisfaisante. La discrimination dont les femmes font l'objet dans le pays est flagrante et M. Klein demande pourquoi, à la suite du rejet par le Parlement de la loi prévoyant d'accorder le droit de vote aux femmes, le Gouvernement ne s'adresse pas à la Cour constitutionnelle.

43. Dans la mesure où le Koweït n'a émis aucune réserve ni fait aucune déclaration sur l'alinéa c) de l'article 25 du Pacte, rien n'empêche qu'il y ait dans ce pays des femmes aux postes de décision dans l'administration et des femmes juges; M. Klein aimerait en connaître le nombre. Il constate avec satisfaction en lisant les paragraphes 20 et suivants du rapport, que le Koweït accorde une très grande place à la protection des droits de l'homme, notamment par une pratique démocratique et la séparation des pouvoirs. Il met cependant en garde contre une sorte d'abus de la démocratie qui consisterait à s'en remettre exclusivement au vote majoritaire. Il ne faut oublier que les droits de l'homme doivent toujours être protégés, même contre une majorité.

44. Le paragraphe 32 du rapport informe le Comité sur les différentes instances judiciaires, mais ne dit rien des tribunaux islamiques, qui pourtant existent eux aussi. Il serait intéressant pour le Comité de savoir comment ils appliquent le Pacte.

45. Il n'a pas été répondu à la question 15 de la liste des points à traiter, qui porte sur les mécanismes permettant d'enquêter sur les violations des droits de l'homme liées à la torture. M. Klein demande s'il s'agit d'organes indépendants, ou s'ils sont soumis à une autorité à laquelle ils doivent faire rapport.

46. L'article 27 du Pacte traite des minorités. Comme il y en a plusieurs au Koweït, la réponse de l'État partie aux questions sur ce point doit encore être étoffée, en particulier en ce qui concerne les Bidun. Il est un fait que les habitants du Koweït bénéficient d'une bonne protection sociale, ce qui y attire les émigrants. Les Bidun ne font pas partie de cette catégorie, et pourtant la nationalité leur a été refusée. La plupart d'entre eux ont été exclus et la nationalité n'est accordée aux autres qu'au rythme de 2 000 par an. Il s'écoulera encore une vingtaine d'années avant qu'ils puissent tous voter. Si l'on considère, par exemple, le paragraphe 3 de l'article 24 du Pacte, "tout enfant a le droit d'acquérir une nationalité", or les enfants des Bidun sont apatrides bien que nés sur le territoire du Koweït. Le Koweït n'ayant émis aucune réserve à l'article 24 du Pacte, il doit appliquer cet article, y compris aux Bidun. De même, il ne peut refuser à ceux d'entre eux qui ont dû quitter le Koweït au moment de la guerre du Golfe de rentrer sur le territoire.

47. M. WIERUSZEWKI est heureux que le Koweït ait rejoint le groupe des États qui ont ratifié le Pacte et qui dialoguent avec le Comité. C'est bien d'un dialogue qu'il s'agit en effet, même si certaines criques sont émises, car elles le sont toujours dans un esprit constructif qui laisse les portes ouvertes. En adhérant au Pacte, le Koweït a émis certaines réserves dont il faut espérer qu'elles seront levées dans un avenir aussi proche que possible. Elle montrent que le Koweït prend au sérieux les obligations que le Pacte impose aux États parties et ne se risque pas à promettre ce qu'il n'est pas sûr de pouvoir tenir. Cependant, ses déclarations sur le paragraphe 1 de l'article 2 et sur l'article 3 sont pratiquement sans effet, étant donné qu'il a accepté l'article 26. Il est regrettable que la réponse donnée à la deuxième question de la liste n'ait pas été assez précise pour être convaincante.

48. En ses articles 7 et 29, qui posent le principe de l'égalité, la Constitution n'est guère convaincante non plus, car dans le cas d'un pays comme le Koweït, où traditionnellement la situation de la femme est très inférieure à celle de l'homme, il aurait fallu mentionner expressément les femmes dans ces articles. Les paragraphes 51 et 52 du rapport donnent une interprétation très large de l'égalité, mais si le Koweït n'accorde pas aux droits des femmes une protection digne de ce nom, il va se trouver constamment en porte à faux par rapport aux grands principes consacrés dans le Pacte. L'Observation générale No 4 du Comité, qui porte sur l'article 3 du Pacte, serait des plus utiles à cet égard. M. Wieruszewski espère que le Koweït va reconsidérer son attitude en ce qui concerne ses déclarations interprétatives, et se dit convaincu que le Gouvernement est déterminé à poursuivre ses efforts après sa malencontreuse défaite devant le Parlement. On se demande d'ailleurs comment il se fait que celui-ci ait rejeté une proposition émanant du Gouvernement. Peut-être est-ce faute de dynamisme dans la campagne destinée à la promouvoir. C'est le rang du Pacte dans la Constitution qui est en jeu; à lire celle-ci, on pense que le Parlement a accepté le Pacte et donc son article 26, et l'on ne comprend pas pourquoi il en refuse les conséquences logiques.

49. Aux questions déjà posées sur les principes qui régissent l'organisation de la famille, M. Wieruszewski en ajoute une qui concerne les femmes désireuses d'épouser un étranger : il voudrait savoir s'il est vrai que, légalement, celles-ci doivent obtenir une autorisation ou s'il s'agit seulement d'une coutume. Selon les informations dont il dispose, l'homme désireux d'épouser une étrangère doit aussi obtenir une autorisation, mais on ne lui a donné aucun exemple de refus. La réponse à ces questions est importante, car elle touche aussi au droit à la vie privée.

50. Comme M. Klein, M. Wieruszewski est préoccupé par le sort des Bidun. Le rapport n'en dit rien malgré le pourcentage important qu'ils représentent dans la population. Il est difficile de comprendre le pourquoi de cette omission, d'autant plus que la communauté internationale s'intéresse de près à la situation de ce type de groupe humain. M. Wieruszewski s'inquiète aussi du sort de ceux qui ne seront pas visés par la nouvelle loi, qui risquent de ne pas être régularisés, de ne pas avoir de papiers d'identité ou d'autres documents concernant leur état civil. La réponse à la question No 8 sur la liste le met mal à l'aise, car elle fait état de catégories "qui méritent" par rapport à d'autres qui "ne méritent pas" de jouir des mêmes droits que les Koweïtiens. Cette distinction semble avoir quelque chose d'arbitraire qui peut conduire à des abus, d'autant plus qu'aucun critère n'est précisé pour faire la différence entre ces catégories.

51. Par ailleurs, M. Wieruszewski relève des contradictions dans les réponses aux questions 9 et 10. D'un côté, le Comité apprend qu'il n'y a pas de minorités au Koweït, de l'autre, qu'il y a dans ce pays des groupes de personnes non musulmanes. Or, ceux-ci sont généralement considérés comme des groupes minoritaires. Il s'agit peut-être là d'un malentendu. La question mérite des éclaircissements. Il ajoute une question à celles de lord Colville sur la réponse à la question 15 de la liste. Il estime, lui aussi, que 53 condamnations de policiers est un chiffre non négligeable, mais voudrait aussi savoir si une certaine publicité est donnée à ces affaires, si la population en est informée, si la tendance est à l'augmentation ou à la diminution du nombre de cas, et enfin si des mesures sont prises contre ces pratiques, et lesquelles.

52. Mme EVATT se félicite que le Comité ait la possibilité, pour la première fois, de dialoguer avec le Koweït. Cependant, elle déplore que le rapport soit avare de renseignements sur l'application pratique du Pacte et que lorsqu'il a ratifié celui-ci, le Koweït ait émis tant de réserves ou de déclarations que l'on peut s'interroger sur la validité de cette ratification. Ces réserves et déclarations sont incompatibles avec les objectifs du Pacte car elles sont basées sur la discrimination et indiquent une grande réticence à modifier les lois qui établissent des mesures discriminatoires à l'égard des femmes. En fait, l'adhésion du Koweït au Pacte risque de n'avoir aucun effet. Ces limitations vident de leur sens les protestations de fidélité aux principes de justice, de démocratie et d'égalité formulées dans la Constitution. Il est clair que ces principes sont réservés à la seule population masculine du pays.

53. Pour être plus spécifique, Mme Evatt donne l'exemple de la réponse donnée à la troisième question du Comité. Celui-ci a certes appris quelles étaient les fonctions du Comité des droits de l'homme de l'Assemblée nationale, mais comment peut-il croire vraiment à la détermination d'un comité qui dépend de l'entité même qui a refusé le vote aux femmes. Si ce comité a la même attitude vis-à-vis d'autres droits, il n'aura guère d'efficacité, et comme M. Bhagwati, Mme Evatt pense que c'est un organe indépendant qu'il faudrait nommer pour défendre les droits de l'homme.

54. L'article 29 de la Constitution, consacré à l'égalité, ne fait pas référence à l'égalité entre les sexes. Il semble qu'entre autres pratiques discriminatoires une femme mariée à un étranger ne puisse donner sa nationalité à ses enfants, qu'elle doive avoir l'autorisation de son mari pour se faire délivrer un passeport et qu'il y ait ségrégation dans le système éducatif. Mme Evatt demande aussi s'il est vrai que, là où le témoignage d'un homme suffit, il faut celui de deux femmes, qu'une femme musulmane ne peut pas épouser un étranger, que, si elle le fait, elle perd ses droits à pension et son mari ne peut pas rentrer au Koweït. Ces questions demandent des réponses précises, plus précises que celles qui ont été données aux questions sur l'égalité des femmes, implicites dans la question 5 de la liste des points à traiter.

55. La septième question du Comité portait sur la situation de la main-d'oeuvre étrangère au regard du Code du travail. Mme Evatt s'intéresse plus particulièrement au personnel domestique. Selon des informations dignes de foi, les gens de maison ne seraient pas visés par le Code du travail alors qu'ils sont des milliers, et ne pourraient pas intenter de poursuites en cas d'abus de leurs employeurs. Le rapport n'informe pas vraiment sur le personnel féminin au service de familles, mais d'après de nombreuses sources, elles sont victimes d'abus, comme le retrait de leur passeport et l'impossibilité de faire valoir leurs droits en général. Mme Evatt demande à la délégation de donner à ce sujet des informations fiables.

56. Sur les Bidun aussi, l'information officielle est rare. Le Gouvernement les range dans la catégorie des "résidents illégaux". Étant donné qu'il s'agit d'une population de plus de 100 000 personnes, dont un grand nombre se trouve sur le territoire koweïtien depuis des générations, cette description semble particulièrement inadéquate. De même, on se demande comment un groupe de personnes aussi nombreux peut se voir dénier un aussi grand nombre de droits, qu'il s'agisse de leur identité même et de leur état civil - enregistrement des mariages, obtention de certificats de naissance etc. -, ou, par exemple, de la possibilité pour les enfants de fréquenter les écoles publiques. Comme M. Klein et d'autres membres du Comité, Mme Evatt trouve difficile d'admettre que ceux d'entre eux qui ont dû partir au moment de la guerre du Golfe ne puissent pas rentrer sur un territoire qu'ils considèrent comme le leur.

57. M. SOLARI YRIGOYEN souligne le mérite qui revient au Koweït de s'être efforcé d'être explicite sur la mise en oeuvre du Pacte. Il y est parfois parvenu, parfois non. Ainsi, au sujet de la peine de mort, le rapport ne dit pas pour quels motifs elle peut être prononcée, et la présentation orale n'a guère éclairé le Comité sur ce point, si ce n'est qu'il sait qu'il y a eu 17 exécutions depuis 1991. De toute façon, il est encourageant de lire au paragraphe 105 du rapport que l'Émir a plusieurs fois préféré commuer cette peine en une peine d'emprisonnement. M. Solar Yrigoyen demande s'il est envisagé d'abolir cette peine et combien de condamnés attendent leur exécution.

58. Il a relevé au paragraphe 111 du rapport une affirmation si grave qu'il pense que peut-être la traduction de l'original est fautive. Il s'agit de la phrase dans laquelle on lit que "par être humain, il faut entendre les innocents, ceux qui ne sont pas coupables". Il est difficile de penser que certains êtres humains ne seraient en fait pas des êtres humains et l'on s'interroge sur le sort qui leur est réservé. M. Solari Yrigoyen demande que lui soit expliquée cette distinction et s'il n'est pas prévu de rectifier l'erreur qui l'entache.

59. Étant donné l'importance de la question, il se joint à ceux de ses collègues qui se sont exprimés sur l'égalité des femmes, lesquelles constituent la moitié de la population. Le fait qu'il y ait au moins eu un débat public sur le droit de vote des femmes est déjà un signe encourageant, qui montre qu'il existe un courant favorable à cette mesure. Il espère que des progrès décisifs seront faits sans tarder dans ce sens pour appliquer l'article 26 du Pacte. Il demande si, en cas de polygamie, la femme a son mot à dire et déclare que les droits de la femme sont violés si elle n'est pas autorisée à avorter.

60. M. Solari Yrigoyen pose ensuite quelques questions sur l'administration de la justice. Dans quels cas les tribunaux militaires se substituent-ils aux tribunaux civils et qui exactement est amené à comparaître devant eux ? Est-il vrai que, depuis 1991, beaucoup de jugements prononcés par la Cour martiale et la Cour de sûreté de l'État ont été iniques ? Quelles mesures le Koweït prend-il dans le cas des personnes que les ONG considèrent comme des "prisonniers d'opinion" ? De quoi est mort Khalaf Alwan al Maliki, citoyen iraquien résidant au Koweït depuis 1950 et décédé en prison ? Quel sort a été réservé à Alia Shuaib et Laïla al Othman, écrivains, accusées l'une d'avoir insulté l'Iran et l'autre d'avoir attenté à la pudeur dans ses oeuvres, et aussi à l'éditrice Yahya Rubiyan, accusée d'avoir imprimé des livres attentatoires aux mœurs ? La police garde-t-elle effectivement des personnes quatre jours dans ses locaux sans ordre écrit de l'autorité chargée de l'enquête ? Enfin, lequel des paragraphes 176 et 186 du rapport donne l'information exacte sur la prison pour dette ?

61. La dernière question de M. Solari Yrigoyen porte sur l'existence éventuelle d'un service civil de substitution au service militaire obligatoire et, s'il y en a un, sur la différence entre les deux. Il conclut en encourageant le Koweït à redoubler d'efforts pour résoudre définitivement le problème des Bidun afin qu'il n'y ait plus d'apatrides sur le territoire koweïtien.



La séance est levée à 13 h 5
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