Distr.

GENERALE

CCPR/C/SR.1714
18 décembre 1998


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1714ème séance : Japan. 18/12/98.
CCPR/C/SR.1714. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CCPR

COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME


Soixante-quatrième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1714ème SÉANCE


tenue au Palais des Nations, à Genève, le mercredi 28 octobre 1998, à 10 heures


Présidente : Mme CHANET


SOMMAIRE



EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (suite)

Quatrième rapport périodique du Japon



La séance est ouverte à 10 heures.

EXAMEN DES RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT À L'ARTICLE 40 DU PACTE (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Quatrième rapport périodique du Japon (CCPR/C/115/Add.3)

1. Sur l'invitation de la présidente, la délégation japonaise prend place à la table du Comité.

2. La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue aux membres de la délégation japonaise, dont le nombre témoigne de l'intérêt que le Japon porte aux droits de l'homme, tout comme le nombre d'organes de presse et d'ONG qui ont fait le déplacement. Au nom de tous les membres du Comité, elle remercie par ailleurs le Gouvernement japonais d'avoir désigné pour siéger au Comité M. Ando, dont les qualités de juriste et de sage sont appréciées de tous.

3. M. AKAO (Japon) dit que le Gouvernement japonais attache une grande importance au cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ainsi, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme a été conviée à Tokyo pour assister au Colloque sur les droits de l'homme dans la région de l'Asie et du Pacifique en janvier et une cérémonie de commémoration aura lieu le 10 décembre. En outre, un timbre postal commémoratif a été émis et une campagne nationale de sensibilisation a été également lancée, qui comprend la distribution de nouvelles brochures sur la Déclaration et les Pactes. Par ailleurs, les organes chargés des droits de l'homme au sein du Ministère de la justice réalisent diverses activités et, chaque année, mènent une campagne d'information nationale sur un thème prioritaire. Le Gouvernement japonais participe aux efforts de promotion des droits de l'homme dans le monde, que ce soit en contribuant financièrement aux activités de l'ONU, en réalisant des programmes d'assistance bilatérale dans ce domaine ou en envoyant des experts, tels que M. Ando, dans différents organes de protection des droits de l'homme.

4. M. Akao dit que les ministères et organismes gouvernementaux compétents ont accordé le plus grand soin à la rédaction du quatrième rapport périodique du Japon en tenant compte des observations formulées par le Comité lors de l'examen du troisième rapport périodique. De nouveaux progrès ont été réalisés au Japon depuis lors. Tout d'abord, les mesures de promotion de l'égalité des sexes ont été renforcées. En décembre 1996, le Centre pour la promotion de l'égalité entre les sexes a ainsi adopté, après consultation des citoyens, le plan d'action pour l'égalité des sexes jusqu'en l'an 2000, dont le Gouvernement poursuit l'application. Le Conseil pour l'égalité entre les sexes a par ailleurs été remplacé par un conseil permanent en avril 1997 et la loi sur l'égalité des chances en matière d'emploi a été révisée. Sa nouvelle version entrera en vigueur en avril 1999 et devrait permettre d'élargir l'éventail des emplois accessibles aux femmes et de réduire l'écart de rémunération entre hommes et femmes.

5. Ensuite, la protection des droits de l'homme a été accentuée, notamment avec l'entrée en vigueur, en 1997, de la loi sur la promotion des mesures de protection des droits de l'homme. Cette loi dispose, d'une part, que le Gouvernement doit sensibiliser la population au respect des droits de l'homme et aider les victimes de violations de ces droits et prévoit, d'autre part, la création, au sein du Ministère de la justice, du Conseil pour la promotion des droits de l'homme, chargé de formuler des recommandations en la matière dans un délai de cinq ans. De plus, le Gouvernement applique actuellement le plan d'action national établi par l'Office de promotion de la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans le domaine des droits de l'homme.

6. Enfin, à la suite de la Table ronde sur la politique relative aux Aïnous, mentionnée au paragraphe 210 du rapport, une loi visant à promouvoir la culture aïnoue et à diffuser et défendre les traditions et la culture des Aïnous, a été adoptée par la Diète et est entrée en vigueur en juillet 1997.

7. M. KAITANI (Japon), répondant au premier point de la liste, dit que la Constitution n'énonce pas expressément la relation entre les instruments internationaux ratifiés par le Japon et la législation nationale, mais est interprétée de telle sorte que les normes internationales l'emportent sur le droit interne. En effet, lorsqu'il ratifie un instrument international, le Gouvernement en compare les dispositions avec les dispositions de la législation nationale, et, en cas de conflit, modifie cette dernière. Seule la Constitution, qui est la loi suprême, prévaut sur le Pacte au niveau national, mais il ne peut y avoir de conflit entre ces deux textes puisque la Constitution peut être interprétée comme visant le même ensemble de droits que le Pacte. Les tribunaux se sont prononcés à de nombreuses reprises sur la compatibilité des lois, réglementations et mesures nationales avec le Pacte. À ce jour, aucune violation du Pacte n'a été constatée, mais si tel était le cas, les dispositions nationales en cause ne pourraient pas être appliquées. La phrase relevée par le Comité, qui figure au paragraphe 9 du rapport, signifie que la décision d'appliquer directement ou non les dispositions d'un instrument international comme une règle de droit interne est prise au cas par cas.

8. Concernant l'adhésion au Protocole facultatif, M. Kaitani renvoie au paragraphe 43 du rapport. L'examen du premier Protocole facultatif se poursuit, notamment lors de réunions entre ministères et organismes publics concernés. Néanmoins, le Japon estime que son système judiciaire est efficace et offre toutes les garanties possibles en cas de violation des droits de l'homme. Un examen plus approfondi est également nécessaire pour le deuxième Protocole facultatif. Le débat sur la peine capitale doit être mené dans chaque pays et tenir compte de l'opinion publique. Or, la majorité des Japonais considèrent que la peine de mort est inévitable pour les auteurs des crimes les plus odieux. À propos du point 1) c), M. Kaitani dit que les observations générales du Comité sont prises en compte par les tribunaux japonais mais qu'elles n'ont pas force obligatoire.

9. Passant au point 2) a), il signale que tous les actes de violence, quel que soit le sexe de la victime, sont punis par la loi. En cas de viol ou d'atteinte à la pudeur, ce sont les articles 177 (viol), 176 (attentat à la pudeur) ou 181 (décès ou blessures résultant d'un viol) du Code pénal ou d'autres dispositions qui s'appliquent, tandis que le harcèlement sexuel simple relève de la loi sur les délits mineurs. Dans d'autres cas, les articles 208 (violence), 222 (intimidation), 204 (coups et blessures) ou 220 (arrestation et emprisonnement) du Code pénal ou d'autres dispositions peuvent s'appliquer. En cas de pornographie impliquant des enfants et de prostitution d'enfants, ce sont les articles 175 (distribution de documents pornographiques) du Code pénal, l'article 10 (proxénétisme) de la loi antiprostitution, l'article 34 (actes interdits) de la loi sur la protection des enfants ou d'autres dispositions qui s'appliquent. Tout acte de violence à l'encontre d'une femme constituant un délit en vertu des dispositions mentionnées est puni en conséquence.

10. En ce qui concerne les élèves des écoles coréennes, M. Kaitani indique que, suite aux incidents de 1994, l'État mène des campagnes de prévention. Les élèves ont été encouragés à consulter le Ministère de la justice en cas de harcèlement, mais celui-ci n'a reçu aucune plainte, raison pour laquelle aucune enquête n'a été ouverte. Par ailleurs, au Japon, l'enseignement supérieur est accessible à toute personne titulaire du diplôme de fin d'études secondaires et aux élèves qui ont suivi 12 années d'études "standard" et ont obtenu l'autorisation du Ministère de l'éducation, de la science, des sports et de la culture. Or, les écoles pour étrangers, y compris les écoles coréennes, ne sont pas reconnues comme des établissements "standard". Si les portes de l'université sont fermées aux élèves coréens, ce n'est donc pas par discrimination, mais parce qu'une distinction est faite entre les écoles régies par l'article premier de la loi sur l'enseignement scolaire et les autres. Le Japon reconnaît que c'est la base même de son système éducatif qui est en cause et que la question mérite un examen attentif. Toutefois, les enfants de ressortissants étrangers peuvent accéder à l'enseignement supérieur s'ils ont suivi leurs études dans des établissements nationaux.

11. M. Kataini précise ensuite la procédure, tout à fait démocratique, de sélection des commissaires des libertés civiles : ce sont les maires des villes et villages qui, après consultation des habitants, recommandent au Ministre de la justice des personnes connues pour leur érudition, leur connaissance des problèmes locaux et leur attachement aux droits de l'homme. Les commissaires sont ensuite désignés par le Ministre de la justice, après consultation des associations du Barreau et de la Fédération des assemblées consultatives des commissaires des libertés civiles. Au 1er janvier 1998, on comptait 14 000 commissaires dans tout le pays. Leur rôle est de veiller au respect des droits fondamentaux, de réaliser des activités de sensibilisation, de mener des réflexions, de fournir des conseils, de rechercher des informations sur les allégations de violation des droits de l'homme et de donner des avertissements aux responsables si les faits sont établis. Leurs actions complètent celles de l'État et ils collaborent avec le Ministère de la justice. Les commissaires ont donc des fonctions officielles. Ils sont, en outre, supervisés par le Ministre de la justice, tout en restant neutres. Quoiqu'ils n'enquêtent pas directement sur les plaintes déposées pour violation des droits garantis par le Pacte, les commissaires peuvent enquêter sur les cas supposés de violations des droits de l'homme et soutenir les victimes en donnant des avertissements.

12. Répondant aux questions du point 3 a), M. Kaitani dit que selon le Japon, qui s'appuie sur le paragraphe 13 de l'Observation générale 18 du Comité, la discrimination fondée sur des motifs raisonnables n'est pas contraire au Pacte. La Constitution japonaise prévoit l'égalité de tous devant la loi, ce qui est conforme à l'article 26 du Pacte. Cependant, la Cour suprême a estimé, en 1964, qu'établir une distinction de statut juridique entre des individus en fonction de leur situation économique, sociale ou autre n'était pas contraire à la Constitution, pour autant que les motifs invoqués soient raisonnables, ce dont on doit juger au cas par cas. Il n'y a donc pas de différence sensible entre la distinction autorisée par l'article 14 de la Constitution et la distinction admissible en vertu de l'article 26 du Pacte. En 1996, la Cour suprême a ainsi jugé que le système des empreintes digitales applicable aux étrangers était fondé sur des motifs raisonnables et n'était contraire ni à la Constitution ni au Pacte. Selon une autre décision judiciaire récente, trois conditions doivent être remplies pour qu'il n'y ait pas discrimination au sens de l'article 26 du Pacte : le but de la distinction doit être raisonnable, le critère de distinction doit être objectif et la distinction doit être un moyen raisonnable d'atteindre le but recherché.

13. En réponse aux questions du point 3 b), M. Kaitani réitère la teneur du paragraphe 37 du rapport et ajoute que, pour un certain nombre de prestations, il n'est établi aucune distinction entre les étrangers résidant légalement au Japon et les citoyens japonais, en particulier pour ce qui est du système national d'assurance maladie et de retraite, de l'assurance maladie et de l'assurance retraite des salariés, de l'allocation maternité, de l'allocation éducation, et de l'allocation pour charge d'enfant handicapé physique. Par ailleurs, les étrangers qui ont cotisé au régime de retraite de l'État au-delà du nombre d'années requis peuvent prétendre au versement d'une somme forfaitaire après qu'ils ont quitté le Japon.

14. S'agissant des questions du point 3 c), M. Kaitani rappelle que les étrangers doivent obtenir des autorités l'autorisation d'entrer et de séjourner sur le territoire japonais. Le système d'immatriculation des étrangers est rationnel et permet de confirmer immédiatement l'identité et le lieu de résidence des intéressés. En particulier, le relevé des empreintes digitales s'est révélé une mesure fiable pour ce qui est de l'identification des personnes. Des procédures d'enregistrement des étrangers existent dans bon nombre de pays, et les autorités japonaises ne considèrent pas qu'un tel système favorise la discrimination. La Cour suprême a eu plusieurs fois l'occasion de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi sur l'immatriculation des étrangers, et en particulier de ses dispositions relatives aux empreintes digitales, et elle a toujours conclu qu'elle n'était pas contraire ni à la Constitution, ni au Pacte. Néanmoins, compte tenu des effets psychologiques sur les intéressés et de la perception du système par l'opinion publique, les autorités ont entrepris de réviser la loi sur l'immatriculation des étrangers.

15. En ce qui concerne le point 3 d), M. Kaitani indique que, en matière de régime successoral, les enfants jouissent des mêmes droits, qu'ils soient nés ou non du mariage, mais dans le cas où un enfant légitime et un enfant illégitime doivent hériter d'une même personne, la part successorale de l'enfant illégitime est égale à la moitié de celle de l'enfant légitime. Cette disposition a été adoptée pour protéger la famille, fondée sur le mariage. En ce sens, elle n'opère pas une distinction déraisonnable entre enfants légitimes et enfants illégitimes et ne constitue pas une violation des articles 24 et 26 du Pacte. M. Kaitani rappelle ensuite ce qui est dit au paragraphe 200 du rapport et précise que, l'opinion publique étant divisée sur la question, le Gouvernement n'a pas été en mesure de soumettre un projet de loi au Parlement.

16. Pour ce qui est de la question posée au point 3 e), M. Kaitani répond que la loi sur l'égalité des chances en matière d'emploi a supprimé la discrimination entre salariés au motif du sexe. Ainsi, le régime discriminatoire des départs obligatoires à la retraite et le système en vertu duquel les femmes étaient tenues de démissionner en cas de mariage, de grossesse ou de naissance ont été officiellement abrogés. En outre, les bureaux des femmes et des jeunes travailleurs, annexes locales du Ministère du travail, ont établi des directives administratives à l'intention des entreprises qui rencontraient des difficultés dans l'application de la loi.

17. Pour répondre à la question du point 3 f), M. Kaitani souligne que la loi sur la fonction publique nationale consacre le principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes et interdit expressément la discrimination à l'égard des femmes dans les domaines du recrutement, de l'avancement et de la rémunération. Dans le passé toutefois, l'accès à certains postes de l'administration n'était pas ouvert aux femmes, du fait qu'ils imposaient des conditions de travail qui leur étaient interdites par la loi. Quoique non discriminatoires, ces restrictions en ont été progressivement supprimées et les pouvoirs publics se sont efforcés d'améliorer les conditions de travail des postes concernés. À l'heure actuelle, les femmes peuvent se présenter à tous les examens d'entrée dans la fonction publique. Le nombre de femmes candidates aux épreuves et de celles qui les ont subies avec succès a augmenté, tout comme le nombre de femmes fonctionnaires. Le pourcentage de femmes cadres dans l'administration devrait augmenter lui aussi.

18. Répondant aux questions du point 3 g), M. Kaitani dit que la loi révisée sur l'égalité des chances en matière d'emploi, qui prendra pleinement effet en avril 1999, interdit la discrimination entre hommes et femmes dans les domaines du recrutement, de l'embauche, de l'affectation et de l'avancement. Elle oblige également les employeurs à adopter des mesures pour prévenir le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, et prévoit une aide des pouvoirs publics aux entreprises qui prennent des initiatives pour supprimer toute différence de traitement entre hommes et femmes. La révision de cette loi marque une évolution très positive, et le Gouvernement s'efforce de diffuser largement la teneur de ce texte et d'encourager les employeurs à lui donner effet sans attendre avril 1999. En ce qui concerne les salaires, la discrimination dans ce domaine est interdite par l'article 4 de la loi sur les normes du travail. M. Kaitani précise encore que les femmes sont affectées à une gamme croissante de tâches et que le nombre de femmes s'est également accru parmi les cadres. Enfin, en matière de formation professionnelle et d'avantages complémentaires, la plupart des entreprises appliquent le principe de l'égalité de traitement.

19. En ce qui concerne le point 4 a), M. Kaitani indique que le Gouvernement a entrepris la rédaction d'un projet de révision de la loi qui, s'il ne prévoit pas l'abolition de la peine de mort, réduira néanmoins au strict minimum le nombre des infractions auxquelles elle s'appliquera. Le projet n'a toutefois pas encore été soumis à la Diète. Pour ce qui est du nombre de personnes condamnées à mort en dernier ressort et du nombre d'exécutions au cours de la période considérée (point 4 b)), les chiffres sont respectivement de 20 et 25.

20. En réponse à la question du point 5 a), M. Kaitani dit qu'il n'existe pas de loi spécifique interdisant d'amener des enfants de l'étranger au Japon en vue de leur vente et de leur traite aux fins d'exploitation sexuelle. Toutefois, les cas d'enlèvement d'enfant relèvent des dispositions des articles 224 et 225 du Code pénal. En outre, l'article 34 de la loi sur la protection de l'enfance punit le fait de confier la garde d'un enfant à une personne susceptible de lui nuire ou de laisser un enfant sous la surveillance d'une personne susceptible de lui nuire physiquement et moralement.

21. À propos de la question du point 5 b), M. Kaitani dit que la traite des femmes s'inscrit dans le cadre général de la traite d'êtres humains organisée grâce à des réseaux étrangers de passeurs comme le groupe chinois "Snake Head". Ces activités se développent depuis 1996 et les organes chargés de l'application de la loi coordonnent leurs efforts pour y mettre fin en remontant les filières. De plus, la loi sur le contrôle de l'immigration et la reconnaissance du statut de réfugié a été modifiée pour tenir compte de la situation. D'une façon générale, le Code pénal interdit la vente et l'achat d'êtres humains, et lorsque ces pratiques ont lieu sous couvert d'un contrat de travail, elles tombent sous le coup de la loi sur les normes du travail ou de la loi sur la sécurité de l'emploi. Cela étant, il est difficile d'empêcher la traite des femmes, mais les autorités s'efforcent d'exercer un contrôle qui permette d'enrayer cette pratique et d'arrêter les entremetteurs. À cette fin, elles collaborent autant que possible, avec les ambassades des États d'origine des victimes. Pour lutter plus efficacement contre la traite des femmes, les autorités ont modifié la loi sur les établissements de divertissement dont les employées sont souvent forcées de se prostituer sur place. Désormais aucune licence d'exploitation d'un lieu de divertissement ne sera accordée aux personnes qui ont été condamnées par la justice pour incitation à l'emploi illégal dans les cinq ans précédant la demande de licence. La loi telle que révisée contient également d'autres dispositions visant à protéger les femmes concernées comme l'interdiction de la confiscation de leur passeport par l'intermédiaire qui leur procure l'emploi. Elle entrera en vigueur le 1er avril 1999.

22. En ce qui concerne la question des "femmes de confort" (point c)), les événements auxquels cette expression renvoie se sont produits avant la ratification du Pacte par le Japon et, par conséquent, on ne saurait considérer que le Gouvernement japonais a violé le Pacte dans cette affaire. Pour la même raison, il n'appartient pas au Comité d'examiner ce point de l'histoire du Japon. Toutefois, M. Kaitani rappelle que le Gouvernement japonais a traité avec sincérité et honnêteté la question, conformément aux dispositions du Traité de paix qui a été signé en 1951 à San Francisco et des autres instruments internationaux pertinents, et lui a ainsi donné un règlement légal auxquels ont été associés les États intéressés. Le Gouvernement a reconnu qu'il avait été porté gravement atteinte à l'honneur et à la dignité des "femmes de confort", et il leur a présenté publiquement des excuses et a exprimé ses remords à plusieurs reprises. Il s'efforce d'accorder réparation aux victimes par l'intermédiaire du Fonds pour les femmes asiatiques, qui prévoit notamment d'accorder 2 millions de yen à chaque "femme de confort" de la Corée, des Philippines et de Taiwan. À l'heure actuelle, plus de 80 d'entre elles ont déjà reçu ces fonds. Les autorités japonaises financent également sur le budget de l'État un certain nombre de projets du Fonds visant à apporter aux femmes concernées une assistance matérielle, des services d'aide au logement et autres, de façon à améliorer leurs conditions de vie. Ainsi, au total, plus d'un milliard de yen sera alloué à des projets destinés aux "femmes de confort" de la Corée, des Philippines, de Taiwan, de l'Indonésie et des Pays-Bas. M. Kaitani ajoute encore que la question des "femmes de confort" est abordée dans les manuels scolaires des établissements d'enseignement primaire et secondaire du Japon, et le Gouvernement contribue également aux activités du Fonds pour les femmes asiatiques visant à lutter contre les violences dont les femmes sont victimes aujourd'hui.

23. En réponse à la question du point 6 a), M. Kaitani fait observer que, dans les recommandations qu'il avait formulées à l'issue de l'examen du troisième rapport périodique du Japon (CCPR/C/70/Add.1), le Comité avait invité les autorités japonaises à prendre des mesures pour que le fonctionnement du système des prisons de substitution soit compatible avec toutes les exigences du Pacte (voir A/49/40/par.116), et non pas à abolir le système comme le laisse entendre le libellé du point 6 a) de la liste. M. Kaitani renvoie aux paragraphes 134 à 143 du rapport à l'examen (CCPR/C/115/Add.3), dans lesquels est exposé le fonctionnement du système des prisons de substitution. Les autorités s'efforcent d'améliorer régulièrement les conditions de détention dans les locaux de la police, notamment du point de vue de la ventilation et des équipements sanitaires. Enfin, en ce qui concerne le droit des détenus incarcérés dans ces locaux de communiquer avec un avocat, M. Kaitani rappelle ce qui est dit dans le paragraphe 92 du rapport. Tous ces éléments, montrent bien que la rumeur selon laquelle l'arbitraire régnerait dans les prisons de substitution n'est pas fondée. Si les "prisons de substitution" devaient être abolies, il faudrait alors construire plusieurs centres de détention, ce qui nécessiterait des ressources considérables. En réalité, seuls les locaux de la police répondent aux conditions de la détention préalable à l'inculpation, telles qu'elles sont prévues par le système de justice pénale du Japon. En vertu de ce système, c'est le juge ayant délivré le mandat d'arrêt qui décide du lieu de détention, choisissant pour cela entre les locaux de la police et les maisons d'arrêt, en fonction de divers critères comme l'emplacement, la capacité, les facilités de circulation. Bien entendu, le suspect et son défenseur peuvent exiger la divulgation des motifs de la détention au cours d'une audience publique. Il est donc clair que la détention du suspect est soumise au contrôle strict d'un juge et non pas seulement de la police.

24. Il n'existe pas d'organe indépendant chargé de recevoir et d'examiner les plaintes pour mauvais traitements visant des fonctionnaires de police. Toutefois, il est tout à fait possible de demander que des poursuites pénales soient engagées contre un policier qui aurait infligé des sévices à un suspect. Si la responsabilité du policier est établie, le suspect a droit à une indemnisation de la part du Gouvernement. Les services de police disposent d'inspecteurs indépendants chargés de mener des enquêtes administratives, sur les allégations de mauvais traitements par des fonctionnaires de police dans l'exercice de leurs fonctions. Si une violation du règlement est prouvée, les inspecteurs saisissent immédiatement l'autorité compétente qui décide de la mesure disciplinaire à prendre : blâme, diminution de salaire, mise à pied ou licenciement.

25. Bien que la période de détention préalable à l'inculpation soit de 23 jours au maximum, tous les suspects ne sont pas détenus dans tous les cas pendant toute cette période. En effet, en vertu de la législation en vigueur au Japon, la durée de la garde à vue est de 72 heures au maximum tandis que la période de détention préalable à l'inculpation est de 10 jours et peut être prolongée de 10 jours sous certaines conditions. En tout état de cause, à chaque étape de la procédure, un juge examine la nécessité et l'opportunité de la détention. Dans la pratique, le parquet remet le suspect en liberté dès que la détention n'est plus nécessaire. De même, le juge est tenu de mettre fin à une détention qui n'est plus justifiée ou nécessaire, soit à la demande du suspect soit de sa propre initiative. Quant à la possibilité de mise en liberté sous caution durant la période de détention préalable à l'inculpation, le Gouvernement japonais n'en voit pas la nécessité, étant donné que la période de détention est courte, qu'elle est soumise au contrôle d'un juge et que la loi prévoit la remise en liberté du suspect lorsque la détention ne s'impose plus. D'autre part, le paragraphe 1 de l'article 39 du Code de procédure pénale dispose que tout suspect détenu peut, sans la présence d'aucun gardien, s'entretenir avec son avocat ou la personne agissant en cette capacité. Une assistance juridique est fournie par une association privée, qui reçoit des subventions du Gouvernement, mais pour les procès au civil uniquement. Le suspect a le droit d'introduire un recours pour contester la légalité de son arrestation mais ne peut pas bénéficier d'une assistance juridique à cette fin.

26. Il est vrai qu'entre 1993 et 1997, parmi les personnes traduites devant un tribunal de première instance, 92,1 % de celles qui ont été inculpées ont fait des aveux. Cependant, tant la Constitution que le Code de procédure pénale disposent que nul ne peut être inculpé et condamné sur la seule base de ses aveux. L'inculpation n'a lieu qu'après l'examen des éléments de preuve rassemblés ainsi que l'interrogatoire et le contre-interrogatoire des témoins.

27. Enfin, en ce qui concerne les conflits du travail, M. Kaitani dit que si les délais de procédure sont longs, c'est essentiellement en raison de la complexité croissante des cas examinés, de la faible proportion des affaires réglées à l'amiable ou retirées et du caractère inutilement détaillé des informations requises. En outre, les conflits sont souvent graves et il faut beaucoup de temps pour cerner les problèmes, rassembler les preuves et entendre tous les témoins. C'est pourquoi le Gouvernement japonais n'est pas d'avis que les délais de procédure sont excessifs. En tout état de cause, les commissions des relations du travail, qui sont des instances indépendantes, s'emploient actuellement à améliorer la situation. Avec l'entrée en vigueur, en janvier 1998, de la loi de procédure civile, qui prévoit notamment une accélération des procédures, le Gouvernement japonais espère pouvoir raccourcir ces délais.

28. La PRÉSIDENTE remercie la délégation japonaise de ses réponses et invite les membres du Comité qui le souhaitent à poser des questions supplémentaires.

29. M. BHAGWATI dit que le Japon, l'un des pays les plus développés au monde, se doit d'être un modèle en Asie pour ce qui est de la protection des droits de l'homme. Du reste, le pays compte un grand nombre d'organisations non gouvernementales qui veillent au respect des droits de l'homme et apportent une aide précieuse au Comité. De même, le Japon est à féliciter pour avoir envoyé au Comité un juriste éminent comme M. Ando, dont la contribution aux travaux du Comité est irremplaçable.

30. Si le rapport présenté par la délégation japonaise est complet, il ne traite pas de la suite donnée aux observations du Comité lors de l'examen des rapports antérieurs du Japon. Étant donné que le paragraphe 2 de l'article 98 de la Constitution stipule que les traités internationaux ratifiés par le Japon ont force de loi, il serait utile que la délégation donne des exemples de cas où les dispositions du Pacte ont été directement invoquées et appliquées par les tribunaux. Est-elle aussi en mesure de confirmer que les traités internationaux l'emportent sur la législation nationale ?

31. L'article 26 de la loi sur le contrôle de l'immigration et la reconnaissance du statut de réfugié dispose que les étrangers qui quittent le pays doivent, pour pouvoir y revenir, obtenir une autorisation, dont les conditions d'octroi sont à la discrétion du Ministre de la justice. Cette disposition étant contraire au paragraphe 4 de l'article 12 du Pacte, M. Bhagwati aimerait savoir quelles mesures le Gouvernement japonais envisage de prendre pour rendre cette loi conforme au Pacte. A-t-il par ailleurs l'intention de modifier la loi en vertu de laquelle les étrangers sont tenus d'être à tout moment en possession d'un certificat d'immatriculation et d'accepter que leurs empreintes digitales soient relevées, en violation des articles 7, 12 et 26 du Pacte ? Le Comité ayant, dans son Observation générale 15, précisé que chacun des droits énoncés dans le Pacte doit être garanti, sans discrimination entre les citoyens et les étrangers, M. Bhagwati demande à la délégation japonaise comment elle explique la position de son pays selon laquelle les dispositions de l'article 25 de la Constitution ne s'appliquent pas également aux étrangers.

32. M. Bhagwati note par ailleurs que certaines informations font état de sévices et de harcèlement sexuel dans les centres de détention des immigrés où la durée de la détention pourrait aller jusqu'à deux ans et le traitement des détenus serait très dur voire inhumain. Il aimerait savoir quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour remédier à cette situation, qui constitue une violation des articles 7, 9 et 10 du Pacte et pourquoi les règles régissant le traitement des détenus sont gardées secrètes.

33. En ce qui concerne les demandeurs d'asile, ils seraient détenus sans discernement par les services de l'immigration et sans qu'il y ait des motifs raisonnables d'envisager leur expulsion, comme le requiert l'article 39 de la loi relative au contrôle de l'immigration. La délégation japonaise pourrait peut-être indiquer quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour remédier à cet état de fait, qui s'apparente à une détention arbitraire en violation de l'article 9 du Pacte, à quelles règles obéit la détermination du statut de réfugié d'un demandeur d'asile, et si un contrôle judiciaire est prévu à cet égard. Il serait intéressant aussi de savoir quelle est la durée de la détention avant la détermination du statut de réfugié et s'il est vrai que même les réfugiés reconnus comme tels par le HCR sont détenus dans ces centres. Existe-t-il par ailleurs des dispositions prévoyant la formation des agents administratifs et des juges s'occupant des problèmes de réfugiés ?

34. M. Bhagwati demande aussi si une formation en matière de droits de l'homme est prévue pour les juges et les fonctionnaires de police et si les magistrats et les agents administratifs sont au courant de la jurisprudence du Comité. Enfin, il ne comprend pas pourquoi le Japon pense que le fait d'adhérer au premier Protocole facultatif se rapportant au Pacte aura des incidences sur l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il aimerait avoir des éclaircissements sur ce point.

35. M. LALLAH fait siennes les paroles de M. Bhagwati au sujet de la contribution de M. Ando aux travaux du Comité et de l'attachement indéfectible des ONG et des juristes japonais à la cause des droits de l'homme. Cela dit, il reste perplexe devant l'attitude des tribunaux japonais concernant l'application du Pacte. À son sens, l'article 2 est clair : l'État partie prend l'engagement de donner effet aux dispositions du Pacte, non seulement en ce qui le concerne en tant qu'État mais aussi pour ce qui est des actions des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Mais le problème est que de nombreux pays éprouvent des difficultés à concilier diverses dispositions de leur Constitution avec celles du Pacte. Dans le cas du Japon, tous les droits consacrés par le Pacte sont soumis au concept de bien-être public (art. 12 de la Constitution), ce qui entraîne des restrictions à un certain nombre de droits du citoyen (art. 13). Or, un examen minutieux du Pacte permet de constater que plusieurs des droits qui y sont reconnus ne peuvent être soumis à ce concept de bien-être public, même dans l'hypothèse où celui-ci recouvre les motifs pour lesquels il peut être dérogé à certains des droits énoncés dans le Pacte.

36. En outre, l'article 98 de la Constitution japonaise stipule qu'aucun texte contraire à ses dispositions n'a force de loi et que les traités conclus par le Japon seront strictement respectés. Or, quelle autorité autre que les tribunaux peut déclarer qu'une loi japonaise n'a aucune validité parce qu'elle est en contradiction avec un traité international ? S'il appartient au législateur de modifier une loi, ce sont les tribunaux qui ont compétence pour la juger nulle et non avenue. Les jugements prononcés récemment au Japon montrent que les tribunaux ont connaissance des dispositions du Pacte mais il est difficile de mesurer jusqu'à quel point. Il serait utile que les juges japonais changent d'attitude et que le Gouvernement les encourage par exemple à organiser des séminaires pour voir dans quelle mesure, conformément à l'article 98 de la Constitution, ils peuvent, dans le cadre de leurs fonctions, aider leur pays à mieux s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte.

37. Il semble également que la situation des enfants nés hors mariage en ce qui concerne leur part successorale ne soit toujours pas conforme à l'article 26 du Pacte. Il y a lieu de rappeler que selon l'article 24 du Pacte, les enfants ont droit à des mesures spéciales de protection de la part de la famille, quel que soit le mode de constitution de la famille. Le fait que cette famille soit issue ou non d'un mariage n'entre donc pas en considération.

38. M. Lallah aimerait par ailleurs avoir davantage d'informations sur la situation des Coréens au Japon. Il aimerait savoir s'ils sont considérés comme des Japonais et s'ils occupent des postes de responsabilité dans la fonction publique.

39. Enfin, M. Lallah ne partage pas l'interprétation donnée par le Japon de l'Observation finale du Comité concernant les prisons de substitution. Il aimerait savoir si les différentes catégories de fonctionnaires de police relèvent d'une même autorité et si les tribunaux ont la responsabilité de veiller à ce qu'aucune atteinte ne soit portée au droit à l'intégrité physique des personnes dont ils ont ordonné la mise en détention.

40. M. PRADO VALLEJO rappelle qu'il s'agit là du quatrième rapport périodique du Japon et que celui-ci connaît donc bien les préoccupations exprimées par le Comité lors de l'examen des trois rapports précédents au sujet de l'application du Pacte dans ce pays. Il regrette par conséquent que le Japon n'ait pas suffisamment pris en compte un principe fondamental, établi à l'article 2 du Pacte, selon lequel les États doivent harmoniser leur législation interne avec les normes internationales. En cas de conflit entre le droit interne et le Pacte, l'État partie doit donc modifier la législation interne. En conséquence, le Japon devrait réviser certaines de ses lois afin qu'elles soient compatibles avec les dispositions du Pacte, notamment en ce qui concerne la discrimination.

41. D'autre part, M. Prado Vallejo souhaiterait avoir de plus amples renseignements sur le rôle, les attributions et les pouvoirs exacts de la Commission des libertés civiles. Il aimerait savoir en particulier si elle est compétente pour enquêter sur des violations éventuelles des droits de l'homme, si des cas de ce type ont été récemment portés à son attention, si des agents de l'État étaient impliqués dans ces violations et ont été reconnus coupables et sanctionnés, et si le Gouvernement a pris des mesures pour indemniser les victimes. Des informations devraient être soumises également sur ce qu'a fait cette commission pour lutter contre la discrimination à l'égard notamment des Coréens, des membres de minorités ethniques ou des résidents étrangers, ainsi que pour remédier aux injustices dont font l'objet les enfants nés hors mariage en matière de succession, les étudiants d'origine coréenne non admis dans les établissements d'enseignement supérieur ou les personnes d'origine coréenne ou taiwanaise ayant servi dans l'armée japonaise qui n'ont pas droit aux mêmes pensions que les militaires japonais. Toutes ces situations devraient retenir l'attention de la Commission des libertés civiles, car elles font apparaître des violations de certaines dispositions du Pacte et la nécessité pour le Japon de modifier certaines de ses lois afin de respecter les obligations qui lui incombent en vertu du Pacte, en particulier de son article 2.

42. Par ailleurs, le fait que ce soit "les contrevenants qui décident eux-mêmes d'accepter ou non l'issue du processus" d'enquête sur des violations des droits de l'homme, comme indiqué au paragraphe 15 du rapport, laisse à penser que cette commission n'est qu'un organe consultatif qui n'a aucun pouvoir réel et n'est donc pas un organe indépendant de protection des droits de l'homme. M. Prado Vallejo souhaiterait avoir des éclaircissements sur ces différents points.

43. Mme GAETAN DE POMBO partage les préoccupations exprimées par M. Prado Vallejo au sujet du mandat, des pouvoirs et de l'action effective de la Commission des libertés civiles. Participe-t-elle en particulier à l'élaboration des rapports du Japon au Comité et a-t-elle été consultée au sujet de la question de la ratification des deux Protocoles ? Mme Gaetan de Pombo souhaiterait aussi savoir si des mesures concrètes ont été prises pour lutter contre l'exploitation sexuelle des enfants en provenance de différents pays notamment d'Amérique latine.

44. M. YALDEN note également à propos de la Commission des libertés civiles que le représentant du Japon, dans son intervention, a indiqué qu'elle était "supervisée" par le Ministère de la justice. En outre, elle est composée de volontaires. Il ne s'agit donc manifestement pas d'un organisme indépendant. Il en est de même des bureaux des affaires juridiques qui relèvent aussi du Ministère de la justice et ne sont donc pas non plus indépendants. M. Yalden s'associe aux préoccupations exprimées à cet égard par Amnesty International et l'Association du barreau du Japon. Il aimerait savoir par conséquent si le Japon envisage de créer un organisme véritablement indépendant et, si tel n'est pas le cas, pourquoi il ne le juge pas nécessaire.

45. M. POCAR se félicite de la poursuite du dialogue engagé avec le Japon et le remercie de ses efforts pour s'acquitter de ses obligations en vertu du Pacte et tenir compte des observations formulées par le Comité, même s'il ne les interprète pas toujours de manière appropriée.

46. Le principe de la non-discrimination est au coeur de la protection des droits de l'homme. Or c'est précisément sur ce point que des divergences de vues apparaissent entre le Comité et le Gouvernement japonais. Ainsi, quoi qu'en pense le Gouvernement japonais, l'article 14 de la Constitution japonaise n'est pas conforme à l'article 26 du Pacte. Par exemple, parmi les motifs pour lesquels la discrimination n'est pas autorisée figure non pas la naissance comme dans le Pacte, mais l'origine familiale, ce qui facilite la discrimination à l'égard des enfants nés hors mariage. Le représentant du Japon a indiqué que, conformément aux décisions rendues par la Cour suprême, l'une des trois conditions requises pour établir une discrimination ou une distinction est que le but de cette distinction doit être raisonnable. Cependant, dans son Observation générale 18 de 1989, le Comité a fait observer qu'une "différenciation ne constitue pas une discrimination, si elle est fondée sur des critères raisonnables et objectifs et si le but visé est légitime au regard du Pacte". M. Pocar aimerait savoir ce que le Japon entend par le but raisonnable, car un objectif peut être raisonnable du point de vue politique ou économique sans pour autant être légitime au regard du Pacte. Par exemple, la distinction établie entre les enfants nés hors mariage et les enfants nés dans le mariage en matière de succession peut être raisonnable pour protéger la famille fondée sur le mariage, mais elle n'est pas légitime au regard des articles 23 et 24 du Pacte qui traitent de la protection de la famille et de la protection de l'enfant par la famille, que cette famille soit issue d'un mariage ou non. Il semble que les tribunaux soient conscients de la nécessité de trouver des motifs sérieux de différenciation mais tendent à ne penser qu'à l'objectif recherché sans tenir compte des dispositions du Pacte dans certains cas. Les distinctions ainsi établies sont source de discrimination dans la société pour les personnes concernées. M. Pocar souhaiterait par conséquent que le Gouvernement japonais attire l'attention des tribunaux sur ce point afin que le dialogue engagé entre le Comité et le Japon continue d'être utile pour la protection des droits de l'homme au Japon.

47. M. ZAKHIA constate que le pourcentage de femmes à la Diete, à la Chambre des représentants et à la Chambre des conseillers est très faible et que très peu de femmes occupent des postes de responsabilité dans la fonction publique. Il aimerait savoir si le Gouvernement a pris des mesures concrètes pour assurer l'égalité entre les sexes et, dans l'affirmative, pourquoi ces mesures n'ont pas donné de résultat.

48. La distinction établie entre les enfants légitimes et les enfants illégitimes en matière de succession apparaît inique et contraire au principe de l'égalité. Même si, selon les sondages, le public approuve cette distinction, il n'en reste pas moins que c'est l'État qui a adhéré au Pacte et qui est tenu de l'appliquer car le Pacte protège l'individu avant la famille.

49. M. Zakhia s'étonne enfin que d'après ce qui est dit au paragraphe 70 du rapport, l'esclavage et la servitude puissent être appliqués à titre de châtiment pour un crime. Si c'est effectivement le cas, il craint que cela ne soit pas conforme à l'article 14 du Pacte.

50. M. EL SHAFEI félicite le Gouvernement japonais pour son quatrième rapport périodique qui est très complet et conforme aux directives du Comité, et il se réjouit également que ce rapport ait été largement diffusé, notamment auprès des organisations non gouvernementales. M. El Shafei note également le sérieux avec lequel le Japon aborde toutes les questions relatives aux droits de l'homme et relevant du Pacte. C'est pourquoi il note avec regret que, d'après le rapport et les réponses données oralement par la délégation japonaise, en cas de conflit entre les dispositions du Pacte et la législation interne, le Pacte ne l'emporte pas automatiquement en particulier lorsque ses dispositions ne sont pas pleinement couvertes par la Constitution.

51. M. El Shafei est préoccupé également par le fait qu'il existe encore 17 infractions punissables de la peine de mort, que les condamnés à mort sont détenus au secret pendant de nombreuses années et que leur famille et leurs avocats ne sont pas informés à l'avance de leur exécution. Il aimerait donc savoir comment sont diffusées les informations sur les exécutions et si la situation a évolué en ce qui concerne l'accès à ces informations d'autant que d'après les réponses fournies oralement par la délégation japonaise, le nombre d'exécutions a semble-t-il augmenté. Selon certaines sources, les condamnés à mort ne seraient pas traités de la même façon que les autres détenus et seraient même victimes de sévices. M. El Shafei aimerait savoir si des améliorations ont été apportées à leurs conditions de détention et également s'il existe des procédures équitables de recours en grâce.


La séance est levée à 13 heures.


©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland