Distr.

GENERALE

E/C.12/2001/SR.68
1 mars 2002


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 68ème séance : France. 01/03/2002.
E/C.12/2001/SR.68. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CESCR
COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 68e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le vendredi 16 novembre 2001, à 15 heures

Présidente: Mme BONOAN-DANDAN

SOMMAIRE


EXAMEN DES RAPPORTS:

a) RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 et 17 DU PACTE (suite)

Deuxième rapport périodique de la France (suite)


La séance est ouverte à 15 h 15.
EXAMEN DES RAPPORTS:

a) RAPPORTS PRÉSENTéS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Deuxième rapport périodique de la France [(E/1990/6/Add.27); document de base (HRI/CORE/1/Add.17/Rev.1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/FRA/1); profil de pays (E/C.12/CA/FRA/1); réponses écrites de la France (E/C.12/Q/FRA/1)] (suite)

1. Sur l'invitation de la Présidente, la délégation française reprend place à la table du Comité.

2. La Présidente invite la délégation française et les membres du Comité à poursuivre l'examen des articles 2 à 9 du Pacte.

Articles 2 à 9 du Pacte

3. M. KOUZNETSOV aimerait connaître l'évolution de l'emploi, en particulier en ce qui concerne les contrats à durée déterminée et le travail à temps partiel. Qu'en est-il également des emplois précaires de plus en plus nombreux?

4. Mme DOUBLET (France) expose les règles juridiques concernant le statut de réfugié et le droit d'asile. Conformément à la Convention relative au statut des réfugiés, pour obtenir le statut de réfugié en France, une personne doit craindre avec raison d'être persécutée dans son pays d'origine. La France accueille actuellement 102 000 réfugiés statutaires et 300 000 enfants de réfugiés. Les demandes de statut de réfugié sont instruites par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Si la demande est rejetée, il est possible d'exercer un recours auprès de la Commission de recours de réfugiés, à laquelle participe un représentant du HCR. Il s'agit d'un recours suspensif, ce qui signifie que le demandeur ne peut être renvoyé dans son pays tant que sa demande n'a pas été réexaminée. Il est en outre interdit d'extrader une personne vers un pays où elle risquerait d'être maltraitée ou torturée. Les personnes qui ne sont pas couvertes par la Convention de Genève et ne peuvent donc obtenir le statut de réfugié peuvent bénéficier d'une protection sous la forme de l'asile territoriale. En 2000, plus de 95 % des demandes d'entrée au titre de l'asile ont été acceptées par le Gouvernement. La décision de refus d'une demande d'asile est prise au plus haut niveau si la demande ne se rattache pas à un problème de persécution. La procédure de refoulement à la frontière est décidée par le Ministre de l'intérieur après avis du Ministre des affaires étrangères.

5. Le Gouvernement français est conscient du problème de l'allongement des délais d'instruction qui est imputable à l'augmentation sensible du nombre de demandes d'asile au cours des trois années écoulées. Il a pris des mesures pour renforcer les effectifs de l'OFPRA, rationaliser les procédures d'examen et assurer le respect des droits de la défense, l'objectif étant de maintenir la tradition d'accueil des personnes persécutées en France et d'appliquer les meilleures normes de protection. Par ailleurs, les événements survenus le 11 septembre 2001 n'ont eu aucune incidence sur les engagements pris par la France s'agissant des réfugiés et demandeurs d'asile.

6. Mme MAROT (France) dit que la France s'est également fixée comme objectif l'amélioration des conditions d'accueil des demandeurs d'asile et du statut de réfugié. En 2000, dans le cadre d'un «plan asile», des mesures ont été prises pour créer 1 500 places supplémentaires dans des centres d'accueil et renforcer les effectifs de l'OFPRA. Un dispositif exceptionnel d'accueil d'urgence de 1 300 places a été mis en place et des fonds ont été débloqués pour établir des centres d'hébergement d'attente. Les demandeurs d'asile qui sont nourris et logés dans des centres d'accueil ont accès aux soins de santé et à l'éducation. Les autres bénéficient de l'allocation d'insertion normalement destinée aux exclus du marché du travail. La question des minima d'existence est actuellement examinée à l'échelon européen dans le cadre de l'harmonisation des conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Pour ce qui est du marché du travail, les demandeurs d'asile y ont accès dans les mêmes conditions que les autres travailleurs étrangers.

7. S'agissant de l'accompagnement social, il existe un projet de création de structures permettant d'assurer une meilleure coordination des acteurs institutionnels et associatifs qui s'occupent de la prise en charge administrative et sociale des demandeurs d'asile. La France s'emploie particulièrement à améliorer les conditions d'accueil et de traitement des mineurs isolés.

8. M. ALESSIO (France) note que la France se préoccupe depuis longtemps de la valorisation des cultures et langues régionales ou issues de l'immigration. S'agissant précisément de la culture berbère, le Ministère de la culture appuie et finance plusieurs projets d'associations de promotion du patrimoine culturel berbère dans les domaines de la musique et du théâtre. Dans le domaine de l'édition, le Centre national du livre subventionne la réalisation d'une encyclopédie berbère et la publication de revues telles que «Awal» et «Études et documents berbères».

9. M. GUYETAN (France) indique qu'une épreuve facultative de berbère peut être présentée à l'examen du baccalauréat en tant qu'épreuve orale, mais aussi depuis peu en tant qu'épreuve écrite, par les étudiants de toutes les académies. En outre, le Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie a passé un accord avec l'Institut national des langues orientales en vue de l'inscription d'une épreuve de berbère au baccalauréat technologique. Des mesures dérogatoires peuvent aussi être prises pour tenir compte de la situation de certains élèves récemment arrivés en France, qui peuvent être autorisés à choisir leur langue maternelle pour l'épreuve de langue vivante obligatoire.

10. Mme WINGERT (France) souligne, à propos de la prostitution des mineurs, que plusieurs filières ont été démantelées en 2000. Le cadre juridique actuel permet de prévenir et réprimer le proxénétisme et la traite des êtres humains. Les prostituées ne sont pas poursuivies car elles sont considérées comme des victimes, sauf dans les cas de racolage ou de trouble à l'ordre public. Le proxénétisme est réprimé en tant qu'il constitue une atteinte à la dignité de la personne. Sont punis de cinq ans d'emprisonnement les comportements de proxénétisme et ceux qui y sont assimilés. Sont punissables de 10 ans d'emprisonnement les actes de proxénétisme aggravé, c'est-à-dire qui portent sur des mineurs ou sont exercés avec violence ou au moyen d'un réseau de télécommunications. La question de la prostitution enfantine est au cœur de l'actualité puisque, aux États généraux de la protection de l'enfance réunis en 2001 à Paris, le Premier Ministre a rappelé sa volonté de renforcer la protection des mineurs et la répression des personnes qui abusent des enfants. Une nouvelle incrimination est envisagée, dont l'incorporation dans le Code pénal devrait être examinée par le Parlement à la fin du mois de novembre 2001. Cette nouvelle infraction couvrirait toutes les hypothèses de prostitution des mineurs, y compris des mineurs de 15 à 18 ans.

11. La France est le premier pays d'Europe à avoir ouvert un site Intranet entièrement sécurisé qui permet de dénoncer les documents ou actes à caractère pédophile auprès de la police ou de la justice. La Convention de 2001 sur la cybercriminalité du Conseil de l'Europe sera signée le 23 novembre 2001. Plusieurs autres traités internationaux liés à la lutte contre la prostitution sont en cours de ratification. C'est le cas du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. La Convention no 182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants, (1999) a fait l'objet d'un instrument de ratification déposé le 11 septembre 2001. La traite des personnes peut être appréhendée à deux niveaux: d'une part par l'infraction spécifique de réduction à l'état d'esclavage, pour les cas les plus graves, et d'autre part par l'incrimination du fait de soumettre une personne à l'obligation de fournir un service en abusant de sa vulnérabilité ou de la situation de dépendance. Si ces infractions prennent la forme d'un trafic, elles sont sanctionnées de cinq ans d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. Des textes destinés à lutter contre la traite des personnes sont également en discussion au plan européen.

12. M. MOUNIER-VEHIER (France) dit que la notion de représentativité syndicale est apparue en France en 1925. À cette époque, cinq confédérations ont été reconnues. Cette situation s'est pérennisée puisque ces cinq confédérations bénéficient toujours d'une présomption de représentativité, c'est-à-dire que les syndicats qui y sont affiliés sont considérés comme représentatifs. Parallèlement, le législateur, pour garantir l'exercice de la liberté syndicale, a établi un certain nombre de critères pour permettre aux organisations syndicales catégorielles d'être présentes dans l'entreprise. Ces critères, fixés par la loi du 11 février 1950, sont: les effectifs, l'indépendance, les cotisations, l'expérience et l'ancienneté du syndicat et l'attitude patriotique pendant l'occupation. Pour qu'un syndicat soit considéré comme représentatif, deux de ces critères au moins doivent être remplis. À ces critères légaux, la jurisprudence a ajouté le critère de l'audience, c'est-à-dire l'influence exercée sur la masse des salariés. Pour les tribunaux, ces dispositions n'apparaissent pas contraires au principe de la liberté syndicale, mais contribuent à mieux organiser l'activité syndicale.

13. Mme DUBROCARD (France) explique que le syndicat au sujet duquel une question a été posée à la séance précédente a déposé ses statuts à la mairie de Bayonne le 5 mai 2000. Le 27 août 2001, ce syndicat - le LAB - a crÚÚ une section syndicale d'entreprise au sein d'une petite entreprise appelÚe AciÚrie de l'Atlantique (ADA), et a dÚsignÚ un salariÚ en qualitÚ de dÚlÚguÚ syndical. L'employeur a contestÚ devant le tribunal d'instance de Bayonne la crÚation de cette section syndicale et la dÚsignation du dÚlÚguÚ syndical de LAB au motif que LAB n'Útait affiliÚ Ó aucune organisation reprÚsentative au plan national et qu'il lui appartenait de faire la preuve de sa reprÚsentativitÚ au sein de l'entreprise. Dans le jugement qu'il a rendu le 26 septembre 2001, le tribunal d'instance de Bayonne a donnÚ raison Ó l'employeur au motif que le syndicat LAB n'avait pas apportÚ la preuve de sa reprÚsentativitÚ. Cette dÚcision peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

14. M. MOUNIER-VEHIER (France) indique que, dans les forces armées, il n'est pas possible de créer des syndicats mais qu'il existe des représentants du personnel par catégorie. Depuis le mois de septembre 2001, ces représentants du personnel sont élus et ont des fonctions très proches de celles des délégués du personnel dans une entreprise. Les personnels civils peuvent se syndiquer car ils appartiennent à la catégorie des agents de la fonction publique.

15. À propos de la situation du marché du travail, M. Mounier-Vehier note qu'elle a beaucoup changé depuis que le deuxième rapport périodique de la France a été rédigé. Le taux de chômage qui était de 12 % en 1997 est descendu à 8,8 % avant de remonter légèrement depuis quelques mois pour se situer à 9,1 %. Cela signifie qu'un million de personnes ont retrouvé un emploi et environ deux millions sont toujours à la recherche d'un emploi, et que de nombreuses autres ont des emplois qui ne sont pas tout à fait stabilisés. La mesure de réduction de la durée du travail à 35 heures s'applique à l'heure actuelle à six millions de salariés sur environ 14 millions de personnes travaillant dans le secteur privé. Pour ce qui concerne les cinq millions de personnes employées dans la fonction publique, cette mesure fait actuellement l'objet de discussions et devrait être appliquée à compter du 1er janvier 2002. Des estimations montrent que le passage aux 35 heures dans les entreprises a permis de créer 324 000 emplois. Les créations d'emplois sont également favorisées par un faisceau de mesures de soutien à l'emploi prises aussi bien par la puissance publique que par les partenaires sociaux. Le marché du travail évolue et, dans le cadre de cette évolution, il y a eu indéniablement des phénomènes de précarisation. On observe d'ailleurs que pendant chaque période de décrue du chômage et de reprise économique, il y a une augmentation du nombre des emplois précaires comme les emplois d'intérim. Cependant, par la suite, ces emplois se transforment rapidement en contrats à durée indéterminée. Le Gouvernement a pris et continue de prendre des mesures pour réduire la précarité des emplois.

16. M. DUPONT (France) souligne que la baisse du nombre des chômeurs de longue durée s'explique par la conjugaison de diverses mesures d'aide à l'emploi élaborées autour de plusieurs axes, qui sont: l'approche territoriale, qui consiste à fixer des objectifs de baisse du chômage dans le cadre de bassins d'emploi; l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi, en particulier des jeunes, qui sont suivis par des professionnels de l'insertion dans le cadre de Missions locales pour l'emploi; l'utilisation d'une large palette de mesures d'insertion, qui vont de la formation en alternance jusqu'aux contrats aidés par l'État du type «emploi jeune» ou «emploi solidarité»; et enfin la réduction du temps de travail.

17. Mme COENT (France) dit à propos du taux de suicide des chômeurs que des études ont révélé qu'il est huit fois et demie plus élevé que pour l'ensemble des Français. Cette même proportion se retrouve dans d'autres pays. Face à ce fléau, le Ministre délégué à la santé a décidé de faire de la prévention des suicides une priorité et à cette fin de mettre en œuvre un plan d'action 2000-2005 visant à faire passer le nombre annuel de suicides sous la barre symbolique des 10 000. En outre, douze régions se sont engagées à réaliser des projets pilotes en matière de prévention du suicide, et un comité scientifique sur le suicide a été créé.

18. La France n'a pas ratifié la Convention no 117 de l'OIT concernant la politique sociale (objectifs et normes de base, 1962), car celle-ci n'apporte rien de substantiel par rapport à la convention no 82 sur la politique sociale (territoires non métropolitains, 1947). La convention no 174 de l'OIT sur la prévention des accidents industriels majeurs, (1993), n'a été ratifiée par aucun pays européen, car une directive européenne a été adoptée dans le même domaine. La question s'est posée de savoir si, lorsqu'il existe une directive européenne dans un domaine donné, chaque État doit ratifier séparément une convention internationale sur le même sujet ou s'il doit y avoir une ratification communautaire. La Cour de justice des Communautés a été saisie de cette question.

19. M. DESSEIX (France), répondant à la question qui a été posée sur les contributions obligatoires et volontaires versées par la France aux organisations internationales, indique qu'en 2000 les contributions obligatoires ont représenté un montant total de 3 315 millions de francs décaissés et ont alimenté le budget de près de 130 organisations internationales, 41 % d'entre elles étant des organisations du système des Nations Unies. Les contributions volontaires versées à des fonds et des programmes des Nations Unies le sont pour une part par l'intermédiaire du Ministère des affaires étrangères. Au cours de l'exercice 2000, elles se sont élevées à 302,8 millions de francs; elles devraient être portées à 318 millions de francs en 2002. Il est à souligner que 237 millions de francs de crédit ont été destinés au Fonds multilatéral unique francophone. Les principales organisations bénéficiaires de cette catégorie de contributions volontaires sont le PNUD, le HCR et l'UNICEF. D'autre part, des crédits permettant la reconstitution de certains fonds non onusiens sont distribués essentiellement par le Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Ainsi, en 2000, les crédits inscrits au titre du Fonds européen de développement qui permettent de contribuer à la mise en œuvre de la coopération financière de l'Union européenne avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP) ont représenté un total de 1 450 millions de francs. La participation de la France aux banques et fonds multilatéraux de développement s'est élevée à 2 290,6 millions de francs.

20. En ce qui concerne la politique française à l'égard des pays les moins avancés, M. Desseix souligne l'importance que la France accorde à l'aide publique au développement et en particulier à l'égard des pays les moins avancés. Les autorités françaises sont conscientes du fait que le succès des programmes nationaux des pays dits du nord en matière d'immigration et d'insertion passe par la réussite des programmes d'aide publique et privée au développement. L'aide au développement de la France se manifeste de plus en plus dans un cadre multilatéral, et en particulier le cadre européen. Néanmoins, face à ses partenaires, la France défend sa propre vision en matière de coopération, selon laquelle la coopération ne doit pas s'inscrire dans un seul domaine mais doit aussi prendre en compte toutes les composantes sociales, économiques et institutionnelles. Au plan économique, l'accès des pays les moins avancés au marché européen est certes essentiel, mais cette question de caractère commercial doit être envisagée dans le cadre plus large de l'ensemble des questions de développement. Les politiques liées à l'aide aux pays les moins avancés doivent se concevoir dans la perspective de l'intégration régionale, notamment en Afrique; s'ils sont regroupés, les pays les moins avancés auront plus de poids et la constitution de vastes régions économiques devrait permettre un élargissement des échanges au sein de cette région.

Articles 10 à 15 du Pacte

21. La PRÉSIDENTE invite la délégation française et les membres du Comité à engager le dialogue sur l'application des articles 10 à 15 du Pacte.

22. M. ATANGANA, intervenant à propos de l'application de l'article 10 du Pacte, voudrait savoir quelles mesures prend l'État partie pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. Les chiffres dont il dispose font état de 7 828 viols et 12 809 actes de violence à caractère sexuel. Rien n'est dit à ce sujet dans le rapport ni dans les réponses écrites.

23. S'agissant de l'application de l'article 15 du Pacte, et en particulier de l'usage des langues, M. Atangana dit que, selon une association berbère, les autorités françaises favoriseraient la disparition de la langue berbère par le biais de l'arabisation et qu'une jeune fille de nationalité française d'origine algérienne n'a pas pu suivre de cours en langue berbère et a été orientée vers un cours en langue arabe. Ce fait est en contradiction avec la possibilité de présenter une épreuve en langue berbère à l'examen du baccalauréat. La délégation peut-elle en dire plus sur ce sujet?

24. M. AHMED tient à féliciter la France d'avoir pris des mesures énergiques pour protéger les enfants contre la maltraitance et l'exploitation sexuelle. En condamnant à huit ans de prison une Malienne qui avait fait subir à une fillette la pratique de l'excision, la justice française a clairement indiqué sa volonté de lutter contre cette barbarie et on ne peut que souhaiter que les autres pays européens suivent cet exemple. Dans le domaine de l'éducation, la France peut également être fière de la qualité reconnue de l'enseignement offert par ses lycées et ses grandes écoles. Toutefois, plusieurs analystes ont fait état de lacunes dans le système de formation professionnelle, notamment l'absence de programmes d'apprentissage fondés, comme en Allemagne, sur un partenariat solide entre les entreprises et l'éducation publique. Dans les banlieues des principales villes, des milliers de jeunes sont, du fait de cette carence, exclus du marché du travail. Au niveau universitaire, notamment dans la région parisienne, les analystes font état des effectifs pléthoriques et du sous-équipement relatif des universités. Qu'en pense la délégation et quelles sont les mesures éventuellement prises pour combler ces lacunes?

25. M. MALINVERNI constate que l'allocation de parent isolé dont peuvent bénéficier les familles monoparentales est versée pendant 12 mois consécutifs ou jusqu'à ce que le plus jeune enfant ait atteint l'âge de trois ans. Lorsqu'on connaît la situation précaire des familles monoparentales, on peut s'interroger sur le bien-fondé d'une telle limitation. Par ailleurs, M. Malinverni relève, dans la réponse de l'État partie à la question no 21 de la liste des points à traiter (E/C.12/Q/FRA/1) sur l'ampleur du phénomène des sans-abri, que ce problème reste encore aujourd'hui mal connu en France. Comment un pays développé comme la France peut-il ignorer un phénomène dont la gravité est certaine, vu que la seule ville de Paris compte 8 000 sans-abri? Il est en outre difficile de partager l'avis de l'État partie, selon lequel il ne s'agit pas pour autant d'une population à part et que les caractéristiques des personnes sans domicile sont en continuité avec celles du reste de la population. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement français pour mieux cerner ce problème et y remédier?

26. M. SADI craint que la semaine des 35 heures ne se révèle une arme à double tranchant, qui créerait des emplois dans certains cas mais contribuerait au chômage dans d'autres. Dans certains pays ayant décidé la réduction du temps de travail, on a en effet constaté que les travailleurs profitaient du temps libre ainsi accordé pour prendre un second emploi. Dans le domaine de la coopération, qu'adviendrait-il des programmes d'aide de la France en faveur du Liban si les États-Unis, dans leur campagne contre le terrorisme, décidaient de placer ce pays sur la liste de ceux qui accueillent des groupes terroristes? Dans le domaine de l'éducation, quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour répondre aux revendications des étudiants qui manifestaient contre la hausse des frais d'inscription? Enfin, abordant la question du port du voile islamique, notamment à l'école, M. Sadi demande pourquoi la France a choisi de traiter ce problème différemment des pays comme le Canada, où un membre de la police montée de confession sikhe a été autorisé à conserver son turban.

27. M. MARTYNOV estime que les réponses fournies par la délégation aux questions relatives à la représentativité des syndicats ne permettent pas de dissiper les incertitudes quant à la compatibilité des dispositions actuelles de la loi avec l'alinéa c de l'article 8, consacrant le droit qu'ont les syndicats d'exercer librement leurs activités, sans limitations autres que celles qui sont prévues par la loi. En ce qui concerne l'exclusion sociale, il espère que les nouvelles lois permettront de venir en aide à tous ceux qui sont dans le besoin et que l'État partie fera état de résultats dans son troisième rapport périodique. À cet égard, que représente le montant du revenu minimum d'insertion (RMI) par rapport au coût de la vie et en quoi le RMI est-il une mesure temporaire? Enfin, certaines ONG, notamment basques et amazighes, soutiennent que leurs langues ne sont pas enseignées et ne peuvent pas être utilisées dans les tribunaux ou les services administratifs. Or, l'État partie affirme mettre en œuvre des politiques visant à favoriser le développement de l'emploi des langues régionales ou minoritaires, en particulier dans les écoles, où les élèves étrangers peuvent bénéficier d'une instruction leur permettant d'intégrer deux cultures. La délégation peut-elle apporter des précisions à ce sujet?

28. M. CEAUSU demande si la France a l'intention de relever l'âge minimum du mariage pour les filles et si les enfants nés hors mariage ont les mêmes droits successoraux que les enfants nés dans le mariage. Quelles mesures ont été prises par le Gouvernement pour aider les familles qui doivent élever des enfants handicapés dits irrécupérables? Dans le domaine de la santé, que font les autorités pour lutter contre les grandes causes de mortalité prématurée que sont l'alcoolisme et le tabagisme, en particulier parmi les jeunes?

29. M. WIMER ZAMBRANO souhaite en savoir plus sur la langue berbère: y a-t-il un ou plusieurs parlers? Est-ce une langue écrite ou pas? Par ailleurs, pourquoi la France s'obstine-t-elle à refuser d'introduire la notion d'ethnicité, au motif que celle-ci est étrangère à sa culture?

30. Mme BARAHONA-RIERA croit savoir que l'aide publique au développement va diminuer en 2001, s'établissant à 0,33 % du PIB. Qu'en est-il exactement et quelle est la part des dons dans l'aide au développement? Par ailleurs, la modification du Code civil a entraîné l'abaissement de l'âge minimum du mariage pour les filles à 15 ans contre 18 ans pour les garçons. À cet égard, quels sont les programmes de prévention et de sensibilisation qui sont prévus à l'intention des jeunes, notamment pour ce qui est de la santé en matière de sexualité et de reproduction?

31. M. MARCHAN ROMERO dit que le rapport de l'État partie (E/1999/6/Add.27) fait état de progrès importants au sujet de la protection des intérêts moraux et matériels des auteurs et des titulaires de droits voisins. À cet égard, la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, la loi du 3 juillet 1985 relative aux droits d'auteur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992 constituent incontestablement des avancées sur le plan législatif. Cela dit, a-t-on tenu compte du savoir traditionnel? Dans le cadre de la mondialisation et étant donné la tradition d'ouverture de la France, on est en droit d'attendre une législation réglementant le savoir traditionnel.

32. M. SINGH (UNESCO) tient à souligner la contribution majeure de la France à l'élaboration de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle, adoptée en 2001 lors de la trente et unième session de la Conférence générale de l'UNESCO. Cet instrument normatif de première importance repose sur deux principes clefs et indissociables, à savoir l'égale dignité des cultures et le respect de la diversité culturelle aujourd'hui menacée par la mondialisation. Dans le domaine de l'éducation, l'UNESCO se félicite des mesures prises par le Gouvernement français pour aider les pays en développement à réaliser les objectifs énoncés dans le Cadre d'action de Dakar sur l'éducation pour tous. La France est attachée à l'idée que l'éducation doit être un bien accessible à tous, un droit fondamental et un facteur essentiel d'accès à la citoyenneté. Dans cette perspective, l'UNESCO se réjouit de sa coopération avec la France pour que cette vision de l'éducation puisse être traduite en programmes concrets.

33. M. ALESSIO (France) dit que par langues de France, on entend non seulement les langues régionales traditionnellement parlées sur le territoire de la République mais aussi les langues reconnues comme faisant partie du patrimoine linguistique et culturel national. Aujourd'hui, elles sont au nombre de 75 et sont enseignées à 172 000 élèves à travers le pays. Le Ministère de l'éducation nationale a pris des mesures pour améliorer la prise en compte des langues de France dans l'enseignement général. Les difficultés rencontrées en ce qui concerne le berbère sont en voie d'être surmontées et, aujourd'hui, cette langue est enseignée à environ 2 000 élèves. Pour ce qui est de l'unicité ou du pluralisme du berbère, les avis sont partagés, reflétant des points de vue culturels et politiques. Les spécialistes disent que le domaine linguistique du berbère a une profonde et ancienne unité mais, qu'étant donné son éclatement dans l'espace on rencontre différents dialectes qui sont plus ou moins compréhensibles de tous. La position des services de l'État est que le berbère est reconnu comme langue de France dans ses différents parlers.

34. M. GUYETAN (France) dit que les principaux axes de la politique du Gouvernement français concernant les langues régionales sont l'établissement d'un plan pluriannuel de développement dans le cadre des académies, l'instauration d'une cohérence avec l'enseignement des langues vivantes étrangères et la reconnaissance d'un enseignement bilingue qui permet l'apprentissage d'une langue régionale comme langue d'enseignement. À cette fin, des concours spéciaux vont être créés pour recruter des professeurs d'écoles chargés d'enseigner non seulement les langues régionales, mais aussi d'autres disciplines en langue régionale. Un conseil académique des langues régionales a été créé pour dialoguer avec l'ensemble des partenaires intéressés. Les langues régionales concernées sont le breton, le corse, l'occitan, le créole, le basque, le catalan, l'alsacien, les langues de Moselle et le mélanésien.

35. M. DUPONT (France) dit que l'allocation de parent isolé cesse lorsque l'enfant atteint trois ans car celui-ci peut alors entrer facilement à l'école maternelle. Seules 150 000 personnes bénéficient de cette allocation car les trois quarts des chefs de famille monoparentale exercent un emploi. Concernant le revenu minimum d'insertion (RMI), M. Dupont précise que cette allocation est versée à titre temporaire car le titulaire en perd le bénéfice lorsque son revenu atteint le plancher de 2 600 francs par mois. Le RMI, qui est assorti d'un contrat d'insertion, est versé à 965 000 bénéficiaires.

36. Mme BADOUART (France) souligne la difficulté d'appréhender le phénomène des sans-abri car ces personnes échappent le plus souvent aux dispositifs sociaux mis en place. En 1995, une enquête réalisée à Paris avait permis d'estimer le nombre de sans-abri à 8 000 personnes. Il s'agissait surtout d'hommes seuls d'âge moyen, mais on a constaté depuis que la proportion de femmes augmentait. Le Ministère des affaires sociales a mis en place, dans chaque département, un dispositif d'accueil et d'hébergement d'urgence des sans-abri. Le Ministère du logement a développé depuis une dizaine d'années une offre de logements d'insertion (170 000 environ) dont les loyers sont subventionnés par l'État et pour lesquels les locataires bénéficient d'aides personnelles. Il a aussi créé une aide au logement temporaire versée à des organisations qui hébergent des personnes ayant de faibles ressources dans des chambres ou des logements pour un court ou moyen séjour.

37. Mme COENT (France) précise que les chiffres cités par M. Atangana sur les viols et autres violences sexuelles commises cons ne représentent que 5 % du nombre estimé de femmes de 20 à 59 ans victimes de violences. Face à l'ampleur du phénomène, le Gouvernement a présenté un plan triennal d'action axé sur le renforcement des commissions départementales de lutte contre les violences, la création d'une instance nationale de coordination, le lancement d'une campagne médiatique en 2001 et 2002 pour inciter à briser le mur du silence, la mise en place d'actions de prévention et d'accompagnement des femmes victimes et la constitution de partenariats de proximité avec les collectivités locales pour aider à la réinsertion professionnelle des femmes victimes de violence.

38. Concernant le tabagisme et l'alcoolisme qui frappent surtout les jeunes, le Gouvernement a créé une mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, qui est rattachée au Premier Ministre et est chargée de coordonner les différentes actions. Mme Cohent rappelle les mesures prises dans le cadre de la loi Évin contre le tabac. En tant que pays membre de l'Union européenne et de l'Organisation mondiale de la santé, la France est associée aux discussions relatives à l'adoption d'une convention contre le tabac. Un plan d'action a également été lancé contre l'alcoolisme.

39. Enfin, la mortalité infantile a connu une chute spectaculaire entre 1990 et 1997, passant de 7,63 ‰ à 5 ‰, suite à la mise en œuvre d'un plan d'action luttant notamment contre le syndrome de la mort subite du nourrisson.

40. Mme WINGER (France) dit que la différence de traitement entre les enfants légitimes et les enfants naturels concernait uniquement les droits successoraux des enfants adultérins et avait été sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'homme. Les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme avaient été invoquées devant les juridictions nationales, qui avaient écarté les dispositions internes réduisant les droits successoraux des enfants adultérins. Depuis, cette différence de traitement a été supprimée par une loi.

41. Mme MAROT (France) rappelle que la formation en alternance occupe une place privilégiée pour l'insertion professionnelle des jeunes, à tel point que les universités et les grandes écoles développent l'apprentissage. Un dispositif de «parrainage» a été mis en place pour faciliter l'accès à l'emploi des jeunes de 16 à 25 ans ayant un faible niveau de formation et issus de milieux sociaux défavorisés. Depuis 2001, il vient en appui des programmes mis en œuvre dans le cadre du plan d'action national pour l'emploi.

42. M. MATUTANO (France) dit que la différence existant entre les hommes et les femmes en matière d'âge légal du mariage est de faible incidence compte tenu de l'évolution de l'âge moyen des époux à la première union, qui ne cesse d'augmenter, de même que l'âge moyen des femmes à la naissance de leur premier enfant. Dans les années 80, le taux de nuptialité a baissé, mais il augmente depuis. Il n'existe pas de statistiques permettant de dire si le taux de nuptialité progresse chez les jeunes filles de 15 à 18 ans.

43. M. PUZENAT (France) dit que les territoires d'outre-mer du Pacifique, dotés d'un statut de large autonomie, ont été chargés de réglementer l'utilisation des substances naturelles servant à la médecine traditionnelle. Pour les autres collectivités d'outre-mer, les autorités locales sont très largement associées aux décisions prises. On envisage de créer des associations qui permettraient aux collectivités installées depuis longtemps de bénéficier de l'exploitation de produits tirés de leur territoire.

44. M. HENAULT (France) précise que le voile dit «islamique» n'a rien de religieux, mais est une survivance de comportements très anciens dans les régions méditerranéennes. Il n'existe pas d'interdiction générale concernant le port du voile. Les directeurs et les proviseurs d'école ont été sensibilisés à cette question et la traitent au cas par cas, de même que la juridiction administrative. Dans ce type d'affaires, les pouvoirs publics font appel à des médiatrices officieuses membres d'organisations non gouvernementales, qui contribuent souvent à désamorcer les conflits.

45. Concernant les minorités ethniques, M. Henault avoue que la France éprouve des difficultés à accepter le concept d'ethnicité, qui est une notion vague, floue et ambiguë et donc dangereuse. Il rappelle, par exemple, que la France privilégie depuis toujours le droit du sol sur le droit du sang pour l'acquisition de la nationalité.

46. M. DESSEIX (France) précise que tous les pays industrialisés ont réduit leur aide publique au développement (APD). Il estime que l'aide fournie par la France a baissé sensiblement entre 1994 et 1998 (9 % environ par an), puis s'est stabilisée, la baisse n'étant plus que de 5 % entre 1999 et 2000. En 2001, l'APD accordée par la France devrait augmenter de quelque 3 milliards de francs. Des sept pays les plus industrialisés, la France est celui qui consacre le pourcentage le plus élevé de son produit intérieur brut à l'APD, soit 0,32 % en 2000. Le volume des dons français est toujours très élevé. Ceux-ci proviennent du Fonds social de solidarité et de l'Agence française de développement, dont le budget - 1,2 milliard de francs par an - sert notamment à mettre en place des contrats de désendettement-développement permettant de transformer les créances en dons.

47. M. HENAULT (France) remercie les membres du Comité de l'examen approfondi auquel ils se sont livrés. Il est convaincu que leurs observations et leurs critiques aideront la France à appliquer un pacte multiforme, complexe et touchant à des droits essentiels qui évoluent.

48. La PRÉSIDENTE remercie la délégation française et déclare que le Comité a achevé l'examen du deuxième rapport périodique de la France.
La séance est levée à 18 heures.

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Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications aux comptes rendus des séances publiques du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.

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