Conseil Économique

et Social

 

Distr.

GÉNÉRALE

 

E/C.12/2002/SR.41  

13 janvier 2003

 

Original: FRANÇAIS

 

 

COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Vingt-neuvième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 41e SÉANCE

tenue au Palais Wilson, à Genève,
le mardi 19 novembre 2002, à 15 heures

Présidente:  Mme BONOAN-DANDAN

 

SOMMAIRE

 

EXAMEN DES RAPPORTS

 

a)       RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (suite)

 

          Rapport initial de l'Estonie

 

 

 

______________

          Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

          Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également incorporées à un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

          Les rectifications aux comptes rendus des séances du Comité seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la session.


 La séance est ouverte à 15 h 5.

EXAMEN DES RAPPORTS

a)       RAPPORTS PRÉSENTÉS PAR LES ÉTATS PARTIES CONFORMÉMENT AUX ARTICLES 16 ET 17 DU PACTE (point 6 de l'ordre du jour) (suite)

Rapport initial de l'Estonie [(E/1990/5/Add.51); document de base (HRI/CORE/1/Add.50/Rev.1); profil de pays (E/C.12/CA/EST/1); liste des points à traiter (E/C.12/Q/EST/1); réponses écrites du Gouvernement estonien (HR/CESCR/NONE/2002/5), en anglais seulement]

1.       Sur l'invitation de la Présidente, la délégation estonienne prend place à la table du Comité.

2.       La PRÉSIDENTE souhaite la bienvenue à la délégation estonienne et l'invite à présenter le rapport initial de l'État partie.

3.       Mme KALJURAND (Estonie) regrette que le Gouvernement estonien n'ait pas présenté son rapport initial avant 2001 alors que le Pacte est entré en vigueur le 21 janvier 1992.

4.       Au cours des dernières années, le Gouvernement estonien n'a pas ménagé ses efforts pour accélérer et intensifier l'établissement des rapports soumis aux organes créés en vertu d'instruments internationaux. Depuis le début de l'année 2001, outre le rapport initial sur l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il a présenté un nouveau document de base et des rapports sur l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, de la Convention relative aux droits de l'enfant et de la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale. Suivant la suggestion d'organisations non gouvernementales (ONG), il fait traduire en estonien les rapports et les recommandations des organes conventionnels. Les recommandations de ces organes peuvent d'ailleurs être consultées sur le site Web du Ministère des affaires étrangères. Les partenaires sociaux ont été associés à la préparation et à la rédaction du rapport initial examiné.

5.       Dans le domaine des droits économiques, sociaux et culturels, Mme Kaljurand indique que l'Estonie a ratifié la Charte sociale européenne (révisée) au‑delà des exigences minimales. En ce qui concerne le droit au travail, les bouleversements survenus pendant la période de transition de l'économie socialiste planifiée à l'économie de marché ont inévitablement eu des effets dramatiques sur l'emploi. Cependant, l'Estonie connaît actuellement une phase de stabilisation et même d'amélioration. Le taux de chômage est passé de 14,8 % au début de l'année 2000 à 11,9 % à la fin de l'année 2001. Au deuxième trimestre de 2002, il était de 9,4 %. Au plan international, l'Estonie a ratifié 30 conventions de l'Organisation internationale du Travail (OIT), parmi lesquelles six normes fondamentales du travail (les Conventions no 29, no 87, no 98, no 100, no 105 et no 182). Dans le domaine des relations professionnelles, le Gouvernement se félicite de la conclusion d'accords et de conventions collectives qui confèrent de la souplesse aux relations entre les partenaires sociaux. La loi sur la résolution des conflits individuels du travail a institué des commissions qui, dans les faits, règlent la plupart des litiges, seule une faible proportion des décisions rendues par ces commissions étant soumise aux tribunaux. Comme d'autres domaines, les relations du travail sont affectées par le développement rapide des nouvelles technologies. À cet égard, une conférence internationale sur les technologies de l'information et de la communication et le travail décent a été organisée en Estonie en avril 2002 en coopération avec l'OIT.

6.       En 10 ans, l'Estonie a mis sur pied un système de sécurité sociale conforme aux normes internationales, qui comprend aujourd'hui pratiquement tous les types de prestations sociales. Une assurance chômage a été instituée, qui couvre plus de 500 000 personnes, dont 86,7 % des salariés; en sont exclues les catégories telles que les fonctionnaires, les députés et les membres des professions libérales. Pour prévenir la pauvreté, le niveau d'aide aux familles est constamment relevé. Par exemple, en 2000, les allocations familiales ont été doublées. D'autres types de mesures sont envisagés pour réduire la pauvreté et lutter contre l'exclusion sociale. Le Gouvernement a adhéré au programme d'inclusion sociale de l'Union européenne (UE). Il a également conclu des accords bilatéraux de sécurité sociale avec la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et l'Ukraine; un accord sur l'aide médicale d'urgence avec la Suède; et un accord sur les pensions de retraite avec la Russie. Des négociations ou des consultations sont en cours pour la conclusion d'accords de sécurité sociale avec les Pays‑Bas et le Bélarus. Dans la perspective de son adhésion à l'UE, l'Estonie n'a pas besoin de conclure des accords de sécurité sociale avec les États membres ou les pays candidats.

7.       Mme Kaljurand souligne que le droit aux soins de santé est inscrit dans la Constitution. On peut mesurer l'amélioration de la qualité des soins de santé au fait que la mortalité infantile est passée de 15,4 en 1993 à 8,4 en 2000. Toute femme enceinte est automatiquement assurée à partir de la douzième semaine de grossesse, qu'elle ait ou non cotisé à l'assurance sociale. Les personnes âgées bénéficient aussi de services de qualité sans conditions socioéconomiques. En outre, les personnes qui ne sont pas assurées et toute personne se trouvant sur le territoire estonien jouissent d'un accès gratuit et rapide aux services médicaux d'urgence, qui sont financés par le budget de l'État. Cependant, les principes de l'assurance sociale évoluent et les dernières mesures prises s'appuient sur l'idée qu'il est indispensable de renforcer la responsabilité individuelle vis‑à‑vis de la santé pour conserver une solidarité durable dans le domaine des soins. En ce qui concerne la santé publique, le déclin économique des premières années qui ont suivi l'indépendance s'est forcément traduit par une détérioration de la santé de la population estonienne, mais la situation s'améliore depuis 1994. La consommation de substances engendrant une dépendance est en hausse, en partie à cause de la situation socioéconomique. S'agissant de la santé de la procréation, le Ministère des affaires sociales a mis en place un programme en 1999 et le nombre des avortements a fortement diminué. Depuis 2001 (2000 pour les enfants), les personnes handicapées bénéficient d'allocations sociales. Un projet de coopération internationale devrait être lancé en 2003 pour favoriser l'emploi des personnes handicapées. Les personnes atteintes d'un handicap intellectuel et psychique devraient également bénéficier d'un programme pour le développement de soins particuliers.

8.       Les différents aspects du système éducatif ont connu de profonds changements au cours de la dernière décennie. Dans le domaine culturel, 3,4 % du budget de l'État (soit 1,1 % du PIB) est alloué au Ministère de la culture, en charge des secteurs de la culture, des sports et des médias. Il y a en Estonie environ 1 200 bibliothèques, soit une bibliothèque pour 10 000 habitants. Plusieurs festivals de chants et de danses traditionnels sont organisés avec le concours d'un grand nombre d'ONG (246 dans le domaine culturel). Diverses associations culturelles reçoivent des subventions de l'État, parmi lesquelles des associations de personnes n'ayant pas la nationalité estonienne. On compte environ 60 associations culturelles réunissant des personnes de différentes nationalités.

9.       La PRÉSIDENTE remercie Mme Kaljurand de son exposé introductif.

Articles 1er à 5 du Pacte

10.     M. MALINVERNI note qu'il ressort de la réponse écrite à la question no 2 de la liste des points à traiter que le Gouvernement estonien n'envisage pas pour l'instant d'adhérer à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides ni à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie. Il aimerait en connaître les motifs. Il rappelle que la première convention n'oblige aucunement les États parties à conférer aux apatrides la nationalité du pays, mais tend seulement à ce que les États fournissent un document de voyage aux apatrides, et donc remédient aux carences de l'absence de nationalité. La deuxième convention n'implique pas non plus l'obligation de conférer la nationalité du pays à une personne apatride.

11.     M. TEXIER se dit impressionné qu'en une décennie l'Estonie ait progressé si vite en matière de droits de l'homme. À propos de la réponse écrite à la question no 6 de la liste des points à traiter, il prend note du fait que la Cour suprême, dans plusieurs arrêts, s'est référée aux traités internationaux en matière de droits de l'homme et que les dispositions du Pacte ont été invoquées devant les tribunaux. Il aimerait savoir comment la formation des magistrats en matière de droits de l'homme est assurée et souhaite que, dans son prochain rapport, le Gouvernement estonien donne des exemples précis d'affaires dans lesquelles le Pacte a été invoqué. Par ailleurs, ayant relevé dans l'exposé introductif que le Gouvernement estonien avait associé la société civile à l'élaboration du rapport, il voudrait savoir de quelle façon les syndicats ont été associés.

12.     M. SADI demande si l'Estonie a un plan d'action en matière de droits de l'homme et, le cas échéant, si celui‑ci porte aussi sur les droits économiques, sociaux et culturels, conformément à la Déclaration et au Plan d'action de Vienne de 1993. Il voudrait également savoir dans quelle mesure le Pacte est pris en considération dans l'élaboration des mesures économiques et sociales. Se référant à la réponse écrite à la question no 6 de la liste des points à traiter qui donne l'exemple d'une action en justice en 1995, il voudrait savoir si, en jugeant illégales les mesures contestées, le tribunal administratif de Tallinn s'est appuyé sur le Pacte.

13.     M. RATTRAY voudrait en savoir plus sur l'étendue des compétences du Chancelier de justice. Par exemple, celui-ci est-il habilité à intenter une action contre un particulier pour un acte considéré comme une violation du Pacte? Par ailleurs, comment les autorités estoniennes conçoivent‑elles concrètement leurs obligations au regard du Pacte? En d'autres termes, quelle est la nature juridique des droits énoncés dans le Pacte? Ces droits sont‑ils tous considérés comme applicables, ou certains d'entre eux seulement? Enfin, le projet de loi sur l'égalité des sexes a‑t‑il été adopté?

14.     M. CEAUSU, se référant à la réponse écrite à la question no 4 de la liste des points à traiter, s'étonne qu'au niveau des collectivités locales, la langue d'une minorité nationale puisse être utilisée seulement si cette minorité représente la majorité des résidents permanents. Soulignant que, dans certains pays européens, la langue des minorités nationales peut être utilisée si cette minorité représente au moins 20 % de la population totale, il pense que la règle en vigueur en Estonie est de nature à créer des difficultés aux personnes de certaines minorités nationales. En outre, il demande si le contrôle de constitutionnalité des lois est un contrôle a priori ou a posteriori. Par ailleurs, il voudrait savoir si le Chancelier de justice est habilité à se rendre sur les lieux de détention, les lieux de travail et les établissements hospitaliers accueillant des malades mentaux, et quels moyens il a à sa disposition pour faire respecter ses recommandations lorsque celles‑ci ne sont pas suivies par les autorités administratives.

15.     M. MARTYNOV demande qui nomme le Chancelier de justice et dans quelle mesure celui‑ci est indépendant. En ce qui concerne le problème des minorités et des non‑citoyens, il aimerait connaître précisément le nombre des résidents permanents qui ne sont pas citoyens estoniens et, le cas échéant, savoir pourquoi ce nombre est élevé. Se référant à la réponse écrite à la question no 4 de la liste des points à traiter, il voudrait savoir pourquoi le nombre de Russes, d'Ukrainiens et de Bélarussiens a diminué entre le recensement de 1989 et celui de 2000. Ces personnes ont-elles émigré? Combien de Russes, d'Ukrainiens et de Bélarussiens ont immigré en Estonie après 1991?

16.     Mme KALJURAND (Estonie) dit que si l'Estonie n'a pas encore ratifié la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, cela n'indique nullement une quelconque réticence de sa part, mais signifie simplement que la procédure pertinente n'est pas encore achevée. Lorsque l'Estonie a accédé à l'indépendance, en 1991, elle a adhéré à 26 conventions internationales afin de combler le vide juridique résultant d'un demi-siècle d'isolement. Aujourd'hui, elle a ratifié les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, et s'efforce aussi de rattraper son retard en matière de sensibilisation à ces droits. Durant les 10 années précédentes, le système juridique a été transformé de manière radicale, et un effort important est consenti en vue de former les magistrats.

17.     Mme HION (Estonie) ajoute que les programmes de formation destinés aux juges et aux procureurs sont supervisés par le Conseil de la formation, créé en avril 2001. Elle confirme que l'Estonie n'a pas encore élaboré un plan d'action national de protection des droits de l'homme conformément à l'engagement énoncé dans le Programme d'action de Vienne. Plusieurs stratégies adoptées récemment intègrent toutefois cette dimension.

18.     Mme KALJURAND (Estonie) dit que les dispositions du Pacte sont prises en considération dans l'élaboration des politiques économiques et sociales. Il ne peut en être autrement car en vertu de la Constitution estonienne, le droit international, qu'il s'agisse des instruments auxquels l'Estonie est partie, du droit coutumier ou des normes universellement reconnues en la matière, doit être intégré au droit interne. Pour ce qui est de la pratique judiciaire, celle-ci est encore très limitée, mais le Gouvernement s'efforce de sensibiliser la magistrature à cette question, notamment dans le cadre des sessions de formation qui ont été mentionnées.

19.     Mme Kaljurand déplore que la contribution des partenaires sociaux à l'établissement du rapport en vertu de l'article 8 du Pacte ait été plus importante que celle des ONG car ces dernières ont souvent un point de vue très particulier qui ne peut qu'enrichir le dialogue.

20.     Mme HION (Estonie) précise que le Chancelier de justice, qui exerce les fonctions de médiateur, est désigné par le Parlement pour une période de sept ans et jouit d'une indépendance totale garantie par la Constitution. Principalement chargé de veiller au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales de la part des représentants des pouvoirs exécutif et législatif, le Chancelier engage des procédures sur la base des requêtes qui lui sont adressées ou de sa propre initiative et prend les mesures qu'il juge nécessaires en se prévalant éventuellement de son droit de saisir les tribunaux, y compris la Cour suprême. Il peut participer aux réunions du Gouvernement et aux sessions du Parlement et formuler des propositions. Il a accès aux établissements pénitentiaires, aux hôpitaux psychiatriques et aux foyers pour enfants et adolescents. Il rend compte chaque année au Parlement.

21.     Mme KALJURAND (Estonie) confirme que dans certaines régions, plus de la moitié des membres du personnel administratif appartiennent à des groupes minoritaires. Les langues minoritaires, dont la principale est le russe, sont autorisées dans les communications avec l'administration. En outre, toute personne qui s'exprime en russe dans ce contexte reçoit une réponse en russe. Il est d'ailleurs prévu d'utiliser le russe en tant que deuxième langue officielle pour diverses publications telles que les textes de loi.

22.     Selon le recensement de 2000, l'Estonie compte 1 370 000 habitants, dont 80 % de ressortissants estoniens, 7 % de ressortissants d'autres pays et 7 % d'apatrides. Des permis de séjour ont été délivrés à 270 000 personnes. Depuis 1994, les résidents non-ressortissants peuvent obtenir des passeports spéciaux pour se rendre à l'étranger, quel que soit le motif de leur voyage (études, émigration). Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la nationalité, en 1992, environ 117 000 non-ressortissants ont obtenu la nationalité estonienne. L'on constate toutefois un tassement et le taux annuel de naturalisation s'est stabilisé à 2 % (3 000 cas en 2001). Cette évolution est essentiellement due à une baisse de la motivation: pour beaucoup de
non-ressortissants, l'effort qui doit être consenti en vue d'obtenir la nationalité estonienne (procédure, entretiens) n'est pas compensé par les avantages qui en découlent. En outre, la Constitution garantit les mêmes droits économiques et sociaux à toutes les personnes qui résident en Estonie, sans distinction fondée sur la nationalité. À l'heure actuelle, moins de 10 000 personnes résident illégalement sur le territoire national.

23.     M. KOLOSOV dit qu'en août 2002 le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale s'est déclaré préoccupé par la situation des minorités vivant en Estonie, tant sur le plan socioéconomique que sur le plan culturel, ce qui est en totale contradiction avec les renseignements fournis par les autorités estoniennes.

24.     M. MARTYNOV s'étonne qu'il n'y ait que 3 000 cas de naturalisation par an et demande si du retard aurait été accumulé dans le traitement des demandes. Il souhaiterait également savoir pourquoi les chiffres relatifs à l'émigration et à l'immigration ont tellement baissé.

25.     Mme KALJURAND (Estonie) dit que les services chargés de traiter les demandes de naturalisation sont loin d'être débordés et pourraient même examiner un nombre de demandes supérieur. Si les chiffres restent modestes, c'est bien en raison d'un manque de motivation des non-ressortissants. Quant à la diminution du nombre de Russes et de Bélarussiens, elle correspond essentiellement à la diminution de la population globale (de 1 500 000 habitants à 1 370 000 en 2000).

Articles 6 à 9 du Pacte

26.     M. CEAUSU, se référant au paragraphe 80 du rapport, souhaiterait connaître le taux de chômage dans les régions où les russophones représentent une part importante de la population. Il demande également des précisions sur les plans et projets en faveur de l'emploi mentionnés aux paragraphes 111 à 113 du rapport. Quels sont les montants des crédits alloués? Connaît-on le nombre de bénéficiaires? Il souhaiterait également obtenir, sur l'évolution du salaire minimum et de l'indice des prix à la consommation, des renseignements plus détaillés que ceux qui figurent au paragraphe 153 du rapport. De même, ce dernier manque de précisions sur les modifications apportées à la législation depuis 1991 en vue de garantir, par exemple, l'hygiène et la sécurité sur le lieu de travail et le droit de créer un syndicat et de s'y affilier, notamment pour les apatrides et les étrangers.

27.     M. KOLOSOV demande pourquoi les salaires des femmes sont aujourd'hui, à travail égal, de 20 % inférieurs à ceux des hommes, alors que 12 années auparavant, avant le passage à l'économie de marché, le principe «À travail égal, salaire égal» était respecté en Estonie. Il souhaiterait également savoir pour quels emplois la maîtrise de la langue estonienne est exigée.

28.     M. MARTYNOV souhaiterait avoir des précisions sur la mise en œuvre des programmes et des mesures en faveur des handicapés dont il est question dans la réponse écrite à la question no 14 de la liste des points à traiter. Il aimerait par ailleurs savoir pourquoi l'Estonie n'a pas encore ratifié les Conventions de l'OIT nos 81 (inspection du travail), 102 (sécurité sociale), 117 (objectifs et normes de base de la politique sociale) et 118 (égalité de traitement en matière de sécurité sociale).

29.     Il semblerait d'après le rapport et les réponses écrites que les non‑citoyens ne jouissent pas des mêmes droits syndicaux que les citoyens estoniens. Qu'en est‑il exactement? D'après la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), il n'existe pratiquement aucune convention collective en Estonie. Pourquoi en est‑il ainsi?

30.     D'après les informations fournies par l'État partie, l'allocation chômage s'élève actuellement à 400 couronnes par mois. Or, on estime qu'une personne doit disposer au minimum de 500 couronnes par mois pour subvenir à ses besoins essentiels. Quelles mesures le Gouvernement estonien entend‑il prendre pour remédier à cette situation?

31.     M. WIMER ZAMBRANO relève aussi que l'Estonie n'a ratifié que 10 des 17 Conventions fondamentales de l'OIT et demande pourquoi l'État partie n'a pas ratifié la Convention no 182 sur les pires formes de travail des enfants? Il souhaiterait également savoir de quels droits jouissent les travailleurs étrangers en Estonie, notamment en ce qui concerne l'emploi et l'accès à l'éducation et à la santé des membres de leur famille.

32.     M. TEXIER souhaiterait savoir, d'une part, comment le Gouvernement estonien a réussi à faire baisser le taux de chômage ces dernières années alors que le nombre de demandeurs d'emploi augmente un peu partout en Europe et, d'autre part, quelles mesures prend le Gouvernement pour limiter les incidences négatives de la restructuration de l'économie et des privatisations sur la situation de l'emploi.

33.     M. Texier demande à la délégation s'il est exact qu'aucun prisonnier n'est obligé de travailler pour une entreprise privée et si le Gouvernement envisage de relever l'âge minimum d'admission à l'emploi, qui est actuellement fixé à 13 ans. Le Gouvernement entend‑il augmenter le salaire minimum, celui‑ci ne permettant pas actuellement d'assurer une existence décente pour les travailleurs et pour leur famille? Comment en est fixé le montant? Quel est le mode de calcul du taux de chômage?

34.     Enfin, M. Texier souhaite avoir des précisions sur la modification du régime de retraite, qui comprend désormais un volet capitalisation.

35.     M. AHMED s'étonne que malgré les succès enregistrés par l'économie estonienne (taux de croissance élevée, taux d'inflation raisonnable), le pays compte entre 4 000 et 10 000 enfants des rues ainsi qu'un nombre important de personnes qui vivent dans la pauvreté, notamment parmi les mères célibataires. Il souhaiterait également savoir pourquoi l'espérance de vie des femmes est de 13 années supérieure à celle des hommes.

36.     Mme BARAHONA RIERA souhaiterait savoir si des affaires de discrimination à l'encontre des femmes en matière d'emploi et de salaire ont déjà été portées devant les tribunaux et quelles mesures sont prises pour lutter contre la discrimination dont les femmes sont victimes en matière d'emploi, notamment les femmes âgées.

37.     M. RATTRAY, relevant que d'après le paragraphe 205 du rapport de l'État partie, le personnel des agences du Gouvernement et autres organes de l'État et des administrations locales n'a pas le droit de faire grève, aimerait savoir si cette interdiction s'applique à tous ces agents ou uniquement à ceux qui fournissent des services ayant pour objet de satisfaire des besoins essentiels de la population et de l'économie.

38.     Mme LILLEVÄLLI (Estonie) dit que les non‑Estoniens sont plus durement touchés par le chômage que les citoyens estoniens (en 2001, le taux de chômage était de 14,9 % pour les premiers contre 8,5 % pour les seconds). Il convient toutefois de préciser que cet écart, qui est le même depuis 1995, s'explique par la restructuration de l'économie. Les russophones sont principalement employés dans l'industrie et dans les mines, deux secteurs qui travaillaient essentiellement pour le marché soviétique et qui sont actuellement en perte de vitesse parce que le pays a réorienté ses échanges et s'est tourné vers l'Ouest. Ces industries sont concentrées dans le nord‑est du pays, c'est‑à‑dire précisément dans la région qui compte le plus de russophones. Si ces derniers ont été plus durement touchés par les licenciements dus au passage à l'économie de marché, ce n'est donc pas pour des raisons linguistiques, mais à cause d'un déséquilibre entre l'offre et la demande de travail. Tous les gouvernements successifs se sont employés activement à remédier à cette situation en lançant des programmes d'investissement et en prenant des mesures de soutien à l'emploi dans cette région. Le Gouvernement ne doute pas que ces programmes finiront par porter leurs fruits.

39.     Mme HION (Estonie) dit que l'État met en œuvre, depuis 1999, un programme visant à intégrer dans la société estonienne, sur les plans linguistique, juridique, politique, social et économique, les personnes qui ne parlent pas l'estonien, et ce dans le respect des droits culturels des minorités, notamment le droit de recevoir un enseignement dans leur langue maternelle et de préserver leur culture. Il existe des programmes linguistiques qui sont destinés aux enfants des écoles élémentaires et des écoles secondaires et d'autres qui sont conçus pour les adultes. En mai 2000, près de 6 000 écoliers et lycéens russophones s'étaient inscrits à l'examen d'aptitude linguistique en estonien. Les personnes qui réussissent cet examen sont dispensées de passer l'examen linguistique obligatoire pour obtenir la citoyenneté estonienne. Des camps linguistiques et des séjours dans des familles parlant l'estonien sont également organisés à l'intention des enfants russophones. Près de 9 000 enfants ont participé à ces activités depuis 1998. Des cours de langue estonienne sont également organisés à l'intention de groupes prioritaires, notamment dans le nord‑est du pays, dans le cadre du programme PHARE de la Commission des Communautés européennes.

40.     M. CEAUSU demande s'il arrive que des adultes non estoniens refusent d'apprendre la langue estonienne, ou que des personnes qui demandent à suivre des cours d'estonien voient leur demande rejetée faute de moyens.

41.     Mme HION (Estonie) explique qu'aucun cours d'estonien n'étant obligatoire, seules les personnes qui veulent apprendre la langue y participent. Étant donné qu'il est désormais possible de se faire rembourser les frais d'apprentissage de l'estonien, le problème n'est pas l'absence de moyens, mais parfois le manque de motivation personnelle.

42.     Mme KALJURAND (Estonie) ajoute que le Parlement estonien a récemment amendé la loi sur les dépenses publiques de façon à permettre aux candidats aux examens d'estonien de s'y inscrire et, en cas d'échec, de s'y représenter gratuitement.

43.     Mme LILLEVÄLLI (Estonie) explique que l'amélioration de la situation économique en 2001 s'est répercutée sur le marché de l'emploi. Toutefois, étant donné que le chômage en Estonie est dû à des causes structurelles, les principales solutions passent par l'amélioration de la formation et, notamment, par la mise en œuvre d'une formation continue. Depuis trois ans, le Gouvernement applique un Plan d'action national qui va dans le sens de la stratégie de l'UE en matière d'emploi. Le Plan va permettre d'accorder une attention prioritaire aux groupes vulnérables, tels que les chômeurs de longue durée, les jeunes et les handicapés. En outre, l'État se prépare à recevoir l'aide du Fonds social européen, qui devrait faciliter la formation continue.

44.     En coopération avec les partenaires sociaux, le Gouvernement recherche des solutions préventives pour les personnes victimes de licenciements économiques. Le 1er octobre 2000 sont entrées en vigueur la loi sur la protection sociale des chômeurs et la loi sur les services d'aide à l'emploi. Depuis l'entrée en vigueur de cette dernière loi, qui permet à tous les chômeurs enregistrés et aux personnes ayant reçu leur lettre de licenciement de bénéficier de services d'aide à l'emploi, le taux d'enregistrement des chômeurs a considérablement augmenté.

45.     Différentes incitations sont offertes spécifiquement aux handicapés: formation spéciale, formations professionnelles particulières, subventions, aide aux salaires. Cette politique semble avoir porté ses fruits, puisque sur les 48 000 bénéficiaires de pensions d'invalidité que comptait le pays, 23 000, soit près de 50 %, travaillent désormais. Enfin, le Gouvernement entend créer un nouveau service d'adaptation au lieu de travail à l'intention des handicapés.

46.     M. KOLOSOV, faisant observer que tous les organismes d'État ont été privatisés, demande si ce sont les entreprises privées qui emploient désormais les 23 000 handicapés en question.

47.     Mme LILLEVÄLLI (Estonie) répond que l'État subventionne les salaires des handicapés, entre autres mesures d'appui. Plus de 50 entreprises privées emploient ainsi de nombreux handicapés.

48.     M. LUMI (Estonie) précise que le salaire minimum, qui était en 1998 de 1 100 couronnes estoniennes (environ 75 dollars des États-Unis), est de 1 850 couronnes (environ 120 dollars des États-Unis) en 2002, représentant une augmentation d'environ 70 % en cinq ans, et un débat est en cours pour savoir si une autre augmentation du salaire minimum de 15 à 20 % se justifie. Le salaire moyen a lui aussi augmenté entre 1998 et 2002, passant de 4 000 couronnes à plus de 6 300 couronnes estoniennes, soit une augmentation de plus de 50 % pour la période, ou de plus de 10 % par an. L'indice des prix à la consommation a constamment augmenté, entre 1998 et 2002, de 3 à 8 % par an. Néanmoins, l'augmentation du salaire minimum et celle du salaire moyen sont de beaucoup supérieures à celle de l'indice des prix à la consommation.

49.     Mme LILLEVÄLLI (Estonie) ajoute que la question du salaire minimum en Estonie se pose toujours dans le cadre d'un dialogue social entre les organisations d'employeurs, les syndicats et l'État, qui s'efforcent de parvenir à un accord. Ainsi en 2001, un accord a été obtenu dans le cadre duquel les parties sont convenues d'atteindre un niveau de salaire minimum équivalant au moins à 41 % des salaires annuels moyens pour 2008.

50.     Mme MALVET (Estonie) explique que la réforme la plus importante dans le domaine de la sécurité sociale est celle du régime de retraite, qui était motivée par l'augmentation constante du nombre de retraités. En 1996, les retraités représentaient 25,4 % de la population. En 1997, les dépenses au titre des retraites représentaient 24,5 % du total des dépenses publiques, soit environ 7,5 % du PIB. Elles sont comparables à celles d'autres pays européens, d'autant que les pensions de retraite ne sont pas soumises à l'impôt en Estonie et que les retraités ne cotisent pas à l'assurance maladie. Le taux des cotisations sociales au système de retraite est supérieur à celui de la moyenne des pays de l'UE, tandis que le taux de remplacement est inférieur à celui de la moyenne de ces pays.

51.     Le montant de la pension dans l'ancien régime de retraite (premier pilier) était fonction de deux facteurs: un montant de base égal pour tous, et un montant correspondant à la durée d'affiliation. En 1997, environ 25 % des hommes et 13 % des femmes ont pris une retraite anticipée, l'âge moyen de départ à la retraite étant de 55,8 ans. Les pensions des retraités actuels étant financées par les cotisations des personnes actives, l'équilibre financier du régime de retraite était compromis en raison du vieillissement de la population. D'où la nécessité de réformer ce régime. La réforme menée n'a pas uniquement visé à uniformiser l'âge de la retraite pour les hommes et les femmes à 63 ans, mais elle a permis de mettre en œuvre d'autres mesures, sans lesquelles le taux des cotisations sociales aurait dû être porté de 20 à 28 % d'ici 2046 afin de maintenir le taux de remplacement. L'adoption d'un deuxième pilier avait pour but d'assurer une pension de niveau adéquat, de garantir la viabilité du système en diversifiant les risques ainsi que de motiver et de responsabiliser davantage la population. À ce système est venu s'ajouter un troisième pilier, qui est un régime privé financé par des cotisations volontaires.

52.     Mme KALJURAND (Estonie), au chapitre de l'égalité de rémunération entre hommes et femmes sous le régime soviétique, dit qu'il y a tout lieu de penser que les données statistiques de l'époque ne brossaient pas un tableau réaliste de la situation. Même pendant cette période, une discrimination générale en matière de salaires existait probablement et ne s'exerçait pas forcément contre les femmes en particulier. En outre, en matière de formation professionnelle, les femmes étaient encouragées à trouver du travail dans des domaines traditionnellement considérés comme des métiers d'homme, ce qui correspondait à la propagande en vigueur, plutôt qu'au désir pour l'État de promouvoir une véritable égalité des chances.

53.     En 2000, le Parlement a adopté un amendement limitant les incursions dans la sphère privée en matière linguistique. Les dispositions législatives en vigueur sont interprétées compte tenu de principes généraux, dont la notion qui veut que l'utilisation de l'estonien dans le domaine de la sphère privée ne soit réglementée que dans des cas d'intérêt public, à condition que les restrictions imposées soient justifiées et nécessaires dans une société démocratique. Le texte de cet amendement a été rédigé en coopération avec le Commissariat pour la protection des minorités, qui l'a jugé conforme aux obligations internationales de l'Estonie, ce qu'ont confirmé par la suite l'UE et le Conseil de l'Europe.

54.     M. AAVIKSOO (Estonie) répond que l'espérance de vie des hommes et des femmes a accusé une diminution dans les années 90. En 1994, celle des hommes a atteint un record à la baisse, l'augmentation des décès étant due à des causes extérieures. Cette tendance suit le modèle de pays voisins, tels que la Lituanie et la Lettonie, et s'explique certes par les difficultés socioéconomiques caractérisant la période de transition, mais aussi par des différences de comportement entre hommes et femmes lors de la vie active. L'État prend des mesures pour prévenir les accidents du travail, ainsi que pour lutter contre l'alcoolisme et l'abus de drogues.

La séance est levée à 18 heures.

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