Distr.

GENERALE

CERD/C/SR.1078
28 mars 1995


Original: FRANCAIS
Compte rendu analytique de la 1078ème seance : Cyprus. 28/03/95.
CERD/C/SR.1078. (Summary Record)

Convention Abbreviation: CERD
COMITE POUR L'ELIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE


Quarante-sixième session


COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 1078ème SEANCE

tenue au Palais des Nations, à Genève,
le vendredi 3 mars 1995, à 10 heures


Président : M. GARVALOV


SOMMAIRE

Examen des rapports, observations et renseignements présentés par les Etats parties conformément à l'article 9 de la Convention

Onzième, douzième et treizième rapports périodiques de Chypre (suite)

Projet de recommandation générale concernant la ségrégation

Questions d'organisation et questions diverses (suite)


La séance est ouverte à 10 h 15.

EXAMEN DES RAPPORTS, OBSERVATIONS ET RENSEIGNEMENTS PRESENTES PAR LES ETATS PARTIES CONFORMEMENT A L'ARTICLE 9 DE LA CONVENTION (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

Onzième, douzième et treizième rapports périodiques de Chypre (CERD/C/263/Add.1) (suite)

Sur l'invitation du Président, la délégation chypriote reprend place à la table du Comité

1. Le PRESIDENT invite les membres du Comité à poursuivre l'examen du rapport de Chypre et à continuer à poser des questions à la délégation.

2. M. AHMADU se félicite du dialogue de haut niveau que le Comité maintient avec la délégation chypriote. Il a lu avec beaucoup d'enthousiasme l'excellent rapport de Chypre mais souhaite faire quelques remarques. Tout d'abord, les paragraphes du rapport consacrés aux groupes religieux (par. 21 à 24) devraient été rédigés de manière plus explicite pour mieux refléter la réalité chypriote. A propos de l'enseignement, il serait utile de savoir s'il est dispensé en grec seulement ou bien également en turc, arménien ou maronite. Un enseignement religieux existe-t-il ? Dans l'affirmative, dans quelle religion ? Il serait également bon d'avoir des précisions sur le processus d'intégration des Turcs qui ont choisi de rester à Chypre. M. Ahmadu déplore ensuite que les Chypriotes grecs soient maltraités et que leurs biens aient été expropriés par la puissance occupante. Il serait intéressant de savoir dans quelle mesure le Commonwealth et d'autres groupes concernés s'efforcent d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. Enfin, M. Ahmadu demande des éclaircissements sur l'article 2 A) de la loi No 11 de 1992 concernant les délits, et en particulier sur les adverbes "intentionnellement" et "uniquement".

3. M. van BOVEN dit qu'il est heureux de participer au dialogue avec la délégation chypriote, dont le haut niveau montre l'importance que Chypre accorde au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale et à l'application de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il ressent un certain attachement à l'égard de ce pays, qu'il a eu l'occasion de visiter à plusieurs reprises avant les événements de 1974. M. van Boven se félicite tout d'abord de la déclaration de Chypre à propos du droit des personnes à présenter des communications ou des plaintes individuelles en vertu de l'article 14 de la Convention. Il note aussi avec satisfaction que Chypre a entamé une procédure tendant à accepter les amendements relatifs aux questions budgétaires ayant trait aux activités du Comité (art. 8 de la Convention) et note avec intérêt les nouvelles dispositions de droit pénal, en particulier l'article 2 A) de la loi No 11 de 1992. Il se félicite de la disposition qui prévoit d'appliquer avec plus de précision l'article 4 de la Convention. A cet égard, il serait intéressant de savoir si des cas de jurisprudence existent au titre de cette nouvelle disposition. M. van Boven fait ensuite observer que le travail du Comité se fonde sur la notion de responsabilité des Etats, et qu'il lui incombe de superviser le travail des Etats parties. Dans le cas présent, le Comité se heurte à la situation particulière de Chypre.

4. M. van Boven rappelle à cet égard les observations formulées par le Comité des droits de l'homme à sa session d'août 1994 :

M. van Boven déplore cette situation qui affecte le mandat du Comité, lequel n'est pas en mesure d'exercer sa tâche de supervision dans la partie septentrionale de Chypre. En dépit de cette division du pays, il croit néanmoins comprendre que la population locale continue de vivre de manière harmonieuse par exemple à Pyla, comme l'atteste le paragraphe 18 du document E/CN.4/1995/69.

5. Cette situation aurait pu se prêter à une procédure relevant de l'article 11 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, mais la Turquie n'ayant pas adhéré à la Convention cette procédure s'est avérée inapplicable.

6. M. van Boven rappelle que Chypre avait déposé une plainte contre la Turquie devant la Commission européenne des droits de l'homme dans les années 70. Dans son rapport adopté le 4 octobre 1983 et rendu public le 2 avril 1992, la Commission européenne a constaté que la Turquie exerçait une discrimination raciale en commettant des actes dirigés exclusivement contre la communauté chypriote grecque. A cet égard, M. van Boven aimerait savoir si des pratiques de "nettoyage ethnique" sont également exercées dans l'autre sens. Y a-t-il des Chypriotes turcs dans les zones contrôlées par le gouvernement et font-ils l'objet de déplacements forcés ?

7. Par ailleurs, M. van Boven émet le voeu que le rapport de Chypre et les observations finales du Comité soient diffusés aussi largement que possible dans le pays et bénéficient de toute la publicité voulue.

8. Le PRESIDENT dit qu'il est difficile de croire qu'aucun cas de violation des droits de l'homme ne s'est produit à Chypre comme cela est affirmé dans le rapport. Y a-t-il simplement lieu de penser qu'aucun acte de cette nature n'a été porté devant les tribunaux ? En revanche, il se félicite comme d'autres membres du Comité avant lui de ce que le Gouvernement de la République de Chypre a indiqué aux paragraphes 3 à 6 de son rapport qu'il applique l'article 14 de la Convention.

9. Le Président aimerait savoir de quelle façon les trois groupes religieux - Maronites, Arméniens et Catholiques - qui ont décidé de faire partie de la communauté grecque exercent leurs droits politiques, notamment électoraux. Peuvent-ils exercer ce droit dans le nord ou doivent-ils se rendre dans le sud du pays ?

10. En ce qui concerne l'application de l'article 7 de la Convention, il aimerait en outre savoir si les principes fondamentaux des droits de l'homme sont enseignés aux élèves des classes élémentaires. Il est d'avis, en la matière, que les enfants devraient recevoir dès un très jeune âge, six ou sept ans, un enseignement concernant les droits de l'homme et surtout la discrimination raciale, qui aiderait certainement à changer les mentalités. En tout état de cause, il pense qu'il serait intéressant de savoir si le gouvernement est satisfait des résultats obtenus dans le domaine de l'éducation en matière de droits de l'homme. Il demande enfin au gouvernement de donner au Comité des éclaircissements sur les informations publiées par la BBC et dans la presse accusant Chypre d'être un centre de trafic de prostituées provenant principalement d'Europe de l'Est et des Philippines. Enfin M. Garvalov forme le voeu que la difficile question de Chypre, dont le Conseil de sécurité s'occupe depuis 1974, trouvera enfin un règlement qui permettra d'améliorer la situation de tous les Chypriotes.

11. M. ABOUL-NASR envisage l'avenir de Chypre avec inquiétude : il est convaincu que la situation ne s'améliorera pas tant que les deux communautés grecque et turque ne se feront pas à l'idée qu'elles appartiennent à Chypre à l'exclusion de tout autre Etat. Cet indispensable sentiment d'appartenance, transcendant les différences d'origine ethnique, doit être enseigné dans les écoles.

12. M. MARKIDES (Chypre) remercie le Comité et exprime sa gratitude au rapporteur de pays pour Chypre, M. Rechetov, qui a analysé le rapport de son pays (CERD/C/263/Add.1) de façon approfondie et posé des questions judicieuses à cet égard. La République de Chypre s'engage à ce que les questions qui seront restées sans réponse soient traitées dans son prochain rapport.

13. S'agissant des questions posées par M. Aboul-Nasr sur des groupes religieux, M. Markides tient tout d'abord à faire observer que la Turquie s'est efforcée dans son rapport de traiter avec franchise des questions difficiles, voire épineuses. Il assure le Comité que le Gouvernement chypriote souhaite vivement instaurer l'harmonie et l'unité dans son pays. Des dispositions relatives aux groupes religieux prévues dans la Constitution n'ont pas été librement adoptées par la République de Chypre, mais lui ont été imposées comme des conditions sine qua non de son accession à l'indépendance en vertu des accords de Zurich et de Londres. Toutefois, la suggestion de modifier la Constitution lui paraît difficilement réalisable actuellement.

14. Aux remarques de M. Song sur les atteintes au droit de se déplacer, de posséder des biens et de s'établir librement sur toute l'étendue du territoire de la République, il explique que cet état de fait regrettable est dû à la présence massive des forces d'occupation turques stationnées à Chypre depuis 21 ans. En conséquence, près de la moitié de la population n'est pas en mesure d'exercer les droits susmentionnés en raison de la politique de ségrégation ethnique appliquée par les forces turques, qui ont des objectifs tout autres que le bien-être des Chypriotes. En violant les droits en question, les forces d'occupation turques ne respectent pas les dispositions de la Convention et de la Charte des Nations Unies, les résolutions de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité ainsi que les recommandations des organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment celles du Comité. M. Markides déclare qu'il faut espérer, comme M. Song l'a déjà dit, que cette situation ne s'éternisera pas et que le jour viendra où le Gouvernement chypriote exercera pleinement son autorité sur tout le territoire de la République conformément aux résolutions du Comité.

15. En réponse à la demande de renseignements formulée par M. Yutzis concernant la structure démographique de Chypre, M. Markides déclare qu'il y a à Chypre quelque 610 000 Chypriotes grecs, 80 000 Chypriotes turcs, 2 300 Arméniens, 4 400 Maronites, 600 Catholiques, et, enfin, 90 000 colons turcs "transplantés" illégalement en violation de la Quatrième Convention de Genève, ainsi que 35 000 soldats des forces d'occupation turques. A ce sujet, le Gouvernement de la République de Chypre pense que les différentes communautés culturelles autochtones doivent participer à la vie de la communauté chypriote pour le bien général, à l'exclusion des communautés transplantées de l'extérieur.

16. Se référant aux questions formulées au sujet du paragraphe 2, M. Markides explique qu'il ne faut pas entendre qu'aucune violation des droits de l'homme ne s'est produite à Chypre pendant la période du rapport, mais simplement qu'aucun cas de violation n'a été porté devant les tribunaux. A cet égard, il renvoie le Comité au paragraphe 15 du rapport, où il est dit que tous les citoyens jouissent de tous les droits politiques garantis par la Constitution.

17. Répondant à la demande d'information de M. de Gouttes concernant les titres de propriété, le représentant de Chypre explique que les autorités d'occupation installées dans la partie occupée délivre ces titres de propriété pour transférer à des colons turcs des biens appartenant à des Chypriotes grecs dans la partie occupée. C'est, précise-t-il, la première fois que des titres de plein droit sur des biens de Chypriotes grecs sont délivrés à des colons et à des Chypriotes turcs, pratique très grave qui enfreint les dispositions de la Convention. Le gouvernement a dénoncé cette mesure auprès du Secrétaire général de l'ONU et du corps diplomatique international. M. Markides saisit cette occasion pour demander au Comité d'intervenir en vue de faire cesser cette pratique.

18. Les membres du Comité ayant demandé des informations d'ordre général sur la situation à Chypre et l'évolution de la question chypriote, M. Markides explique qu'en raison de l'invasion turque Chypre subit la pire catastrophe de sa longue histoire pourtant millénaire. En effet les Chypriotes grecs qui représentent 82 % de sa population ont été expulsés de 37 % du territoire. Jusque-là, Chypre avait constitué une entité unique vieille de plusieurs millénaires, avant de connaître la tentative de division à laquelle on assiste. Aujourd'hui, 20 ans après l'invasion de juillet 1974 par la Turquie, 35 000 soldats turcs continuent d'occuper une partie considérable du territoire de la République chypriote, divisant la population et violant systématiquement les droits fondamentaux de ses habitants. La politique de l'occupant consiste à modifier systématiquement le caractère historique et à faire échouer toute tentative pour parvenir à un règlement viable. De nombreuses résolutions des Nations Unies et d'importantes décisions du Commonwealth ont été adoptées, mais restent lettre morte.

19. M. Markides déclare que la cause de la République de Chypre reçoit un appui considérable de la part de la communauté internationale et donne lecture du communiqué publié lors du dernier sommet du Commonwealth, tenu en 1993, qui en est selon lui la preuve. D'après ce communiqué, les chefs de gouvernement du Commonwealth ont réaffirmé leur appui à l'indépendance, à la souveraineté, à l'intégrité territoriale, à l'unité et au statut d'Etat non aligné de la République de Chypre. Ils ont demandé fermement l'application de toutes les résolutions des Nations Unies concernant Chypre, en particulier des résolutions 365 (1974) et 550 (1984) du Conseil de sécurité. A cet égard, ils ont mis l'accent sur la nécessité d'assurer le retrait, le plus rapidement possible, de toutes les forces turques et des colons ainsi que le retour des réfugiés, la restauration et le respect des droits de l'homme de tous les Chypriotes. Ils ont souligné que chacun devait s'abstenir de tout acte de nature à modifier la structure démographique de Chypre.

20. Les chefs de gouvernement ont préconisé le retrait de toutes les forces étrangères présentes sur le territoire chypriote et dénoncé l'attitude négative de la partie chypriote turque. Ils ont enfin accueilli avec satisfaction l'intention exprimée par le Secrétaire général de l'ONU de demander au Conseil de sécurité des Nations Unies d'envisager de prendre de nouvelles mesures pour assurer l'application effective des nombreuses résolutions du Conseil de sécurité concernant Chypre.

21. Pour résumer, M. Markides déclare que la République de Chypre est parvenue à un tournant de son histoire. On assiste, dit-il, à une augmentation considérable des forces turques stationnées dans la partie occupée qui est devenue, selon un rapport du Secrétaire général, l'une des zones les plus militarisées du monde. Le Secrétaire général a signalé dans un autre rapport, publié en 1994, que l'armement des forces turques a été modernisé et qu'il comporte 300 blindés, ce qui est une évolution inquiétante.

22. M. Markides estime que si une solution n'a pas été trouvée depuis 20 ans que dure le problème chypriote, c'est pour une seule raison : la Turquie n'a pas la volonté politique de parvenir à un règlement. L'objectif de la Turquie n'est pas le bien-être des Chypriotes; on le voit bien, car les Turcs violent systématiquement les droits des Chypriotes grecs, ont expulsé 82 % de la population de la partie occupée, remplacent les noms de lieux grecs par des noms turcs et détruisent la culture grecque dans la partie occupée. Par ces actes innommables, la Turquie veut démontrer l'impossibilité d'une cohabitation entre Grecs et Turcs à Chypre.

23. La Turquie ne se préoccupe même pas du bien-être des Chypriotes turcs, dont le nombre est passé de 120 000 en 1974 à 80 000 aujourd'hui et qui, face à l'arrivée massive de colons en provenance de la Turquie qui les surpassent à présent en nombre, se voient contraints d'émigrer pour chercher du travail dans d'autres pays. Il faut rappeler à cet égard qu'au moment de l'invasion, 70 % des ressources économiques de Chypre se trouvaient dans la partie actuellement occupée par la Turquie. Ce qui, par ailleurs, signifie que les Chypriotes grecs ont dû survivre avec seulement 30 % des ressources, alors qu'ils représentaient 82 % de la population de l'île. L'objectif de la Turquie est donc en fait de créer artificiellement une partie turque séparée dans l'île en vue de l'annexer à terme.

24. Récemment, des consultations officieuses ont eu lieu, qui n'ont pu aboutir à cause de l'intransigeance de la partie turque. L'ONU poursuit ses efforts afin de trouver une base commune de négociations en vue du règlement du problème chypriote.

25. Mme LOIZIDOU (Chypre) répond à d'autres questions posées par les membres du Comité. S'agissant de savoir si la Cour suprême peut être directement saisie de la question de la non-constitutionnalité d'une loi, elle répond par la négative, mais précise qu'aux termes de l'article 146 de la Constitution, toute partie à une procédure judiciaire peut soulever la question de la non-constitutionnalité d'une loi ou d'une décision, auquel cas le tribunal est tenu d'en référer à la Cour suprême et la procédure est suspendue.

26. A propos de la liberté de religion, Mme Loizidou dit qu'elle est garantie par les dispositions de l'article 18 de la Constitution, dont elle donne lecture. En ce qui concerne le droit au travail, elle indique que si le gouvernement n'est pas tenu de fournir du travail à chacun, il fait néanmoins tout pour créer les conditions devant permettre d'assurer le plein emploi. Quant au droit d'exercer la profession de son choix, il est garanti par l'article 25 de la Constitution. Il convient également de noter que Chypre est partie aux conventions de l'OIT sur l'égalité de rémunération, sur la fixation des salaires minima et sur la discrimination (emploi et profession).

27. En ce qui concerne les mesures prises pour faire connaître la Convention, Mme Loizidou indique que toutes les conventions et tous les traités auxquels Chypre adhère sont publiés au Journal officiel et font l'objet de comptes rendus dans les médias. Des mesures particulières sont prises pour sensibiliser la population et les autorités compétentes à la question des droits de l'homme, notamment par le biais de l'éducation. Des publications sur la violation des droits de l'homme paraissent dans plusieurs langues et des brochures et des affiches sont distribuées aux écoles et aux organisations de jeunes. Tous les établissements d'enseignement primaire, secondaire et supérieur célèbrent chaque année plusieurs événements et anniversaires étroitement liés au système des Nations Unies, ce qui est l'occasion de faire mieux connaître aux jeunes les buts et les principes de l'Organisation. La Déclaration universelle des droits de l'homme, la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Convention européenne des droits de l'homme donnent également lieu à diverses manifestations.

28. Dans le domaine de l'information, plusieurs mesures ont été prises durant la période considérée pour promouvoir les objectifs de la Convention. La télévision et la radio ont diffusé des émissions spéciales en langue grecque et turque, mais aussi en arménien et en anglais. Les résolutions pertinentes de l'ONU et celles d'autres organisations et conférences internationales condamnant la discrimination raciale ont fait l'objet d'une large publicité. A l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale, le Président de la République de Chypre fait généralement une déclaration et la radio et la télévision retransmettent les discours du Secrétaire général de l'ONU et du Président de l'Assemblée générale. L'anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et la Journée des Nations Unies donnent également lieu à des manifestations auxquelles participent souvent des membres du gouvernement.

29. La liberté de la presse (loi sur la presse de 1989) est une garantie importante du respect des droits de l'homme. Le respect de la démocratie et des droits de l'homme est l'un des principes que les chaînes de radio et de télévision doivent observer pour être autorisées. Les rapports de la République de Chypre établis à l'intention des organisations internationales auront désormais le caractère de publications officielles.

30. Les fonctionnaires sont censés connaître la législation de leur pays et les conventions internationales. Le nouveau programme de formation et de recyclage destiné aux fonctionnaires inclura la question des conventions internationales et plus particulièrement de celles qui concernent les droits de l'homme. Des conférences et des séminaires seront en outre bientôt organisés à ce sujet.

31. Les trois organisations non gouvernementales qui s'occupent à Chypre de la protection des droits de l'homme sont l'Association panchypriote pour la protection des droits de l'homme, le Comité international pour la protection des droits de l'homme et le Comité pour la protection des droits de l'homme à Chypre. Enfin les langues utilisées à l'université sont le grec et le turc.

32. M. MARKIDES (Chypre) espère que les informations fournies par sa délégation satisferont les membres du Comité et assure ces derniers que le prochain rapport de Chypre contiendra des renseignements détaillés sur tous les points soulevés. Il remercie les membres du Comité et notamment le rapporteur de pays pour leurs contributions et l'intérêt qu'ils portent à son pays.

33. M. RECHETOV (Rapporteur de pays) remercie la délégation chypriote d'avoir enrichi de son expérience la connaissance que les membres du Comité avaient de la situation à Chypre et de s'être efforcée de répondre à chacune des questions posées. Les membres du Comité se sont dans l'ensemble déclarés désireux que la communauté internationale s'emploie énergiquement à mettre un terme à une situation artificielle qui est extrêmement menaçante, tant pour la situation des droits de l'homme à Chypre même que pour l'ordre international. Ils se sont montrés préoccupés face aux nombreuses violations des droits de l'homme qui résultent de cette situation. Beaucoup ont relevé incidemment que ces violations concernaient aussi directement l'un des membres du Comité, M. Sherifis, à qui M. Rechetov exprime la solidarité du Comité. Il suggère que dans l'élaboration de sa recommandation finale, le Comité tienne compte du voeu exprimé par la délégation chypriote que le Comité ne délaisse pas la situation à Chypre, voeu qui rejoint le sentiment profond des membres du Comité. Enfin M. Rechetov espère que le dialogue fructueux qu'entretient Chypre avec le Comité se poursuivra.

34. Le PRESIDENT félicite la délégation chypriote pour le rapport CERD/C/263/Add.1 ainsi que des réponses très détaillées qu'elle a apportées aux questions posées par les membres du Comité. Il souhaite la poursuite d'un dialogue constructif avec Chypre et espère que la délégation chypriote sera en mesure, lorsqu'elle viendra pour son prochain rapport, de faire état d'une évolution encourageante en ce qui concerne la situation dans son pays.

35. Le PRESIDENT indique que le Comité a ainsi conclu la première partie de l'examen du treizième rapport périodique de Chypre.

PROJET DE RECOMMANDATION GENERALE CONCERNANT LA SEGREGATION (CERD/C/46/Misc.1)

36. M. BANTON rappelle qu'à sa 969ème séance, le Comité avait examiné un avant-projet de cette recommandation générale, que le Président lui avait demandé de modifier à la lumière des observations formulées par les membres du Comité. La version modifiée du projet (CERD/C/46/Misc.1), dont il est l'auteur, se lit comme suit :

37. M. Banton précise que ce projet a pour but de rappeler aux Etats parties qui ne traitent plus de l'article 3 dans leur rapport que la suppression de l'apartheid en Afrique du Sud ne rend pas caduc cet article. On assiste en effet depuis quelques années, notamment en Europe occidentale, à une résurgence de la ségrégation, non seulement dans certains quartiers d'habitation mais aussi dans certains établissements scolaires.

38. M. de GOUTTES appuie le projet de recommandation proposé par M. Banton. Il estime en effet que l'article 3 n'a rien perdu de son intérêt puisqu'il s'applique non seulement à l'apartheid, mais aussi à la ségrégation raciale dans son ensemble et à "toutes les pratiques de cette nature".

39. Mme SADIQ ALI fait sien le projet de recommandation générale car l'apartheid et la ségrégation raciale persistent dans certains pays.

40. M. ABOUL-NASR souhaiterait qu'il soit précisé, au paragraphe 1 du projet, que les Etats parties s'engageront non seulement à prévenir la ségrégation raciale et l'apartheid mais aussi à les "interdire" et à les "éliminer", comme le précise l'article 3.

41. M. Van BOVEN dit que les situations de ségrégation raciale qui peuvent survenir sans que l'Etat en ait pris l'initiative (voir par. 2 du projet), contrairement à ce qui se passait en Afrique du Sud, sont parfois complexes et méritent réflexion. En effet, dans de nombreuses villes, des personnes appartenant à une même communauté ethnique ou linguistique peuvent choisir de leur plein gré de vivre dans le même quartier. C'est le cas par exemple de Chinatown, à New York, ou de certains quartiers surinamais aux Pays-Bas.

42. Inversement, des personnes d'une même communauté peuvent être contraintes d'habiter dans le même quartier pour des raisons économiques liées notamment au prix des loyers. Pour remédier à cette ségrégation, la mairie de Rotterdam a décidé de limiter à 5 % du nombre total des habitants d'un même quartier le nombre des personnes appartenant à certains groupes sur la base de l'origine ethnique.

43. Ces exemples montrent qu'il est difficile de généraliser et que la situation varie selon les pays. Le Comité devrait donc s'accorder un délai de réflexion avant d'adopter ce projet, qui souligne à juste titre que l'article 3 ne porte pas seulement sur l'apartheid.

44. Le PRESIDENT reconnaît que le Comité ne doit pas adopter ce projet dans la précipitation. Il indique à propos de la ségrégation que dans les pays où les Tziganes sont sédentarisés, on assiste à la formation de ghettos urbains et on considère que le projet de recommandation est nécessaire car il rappelle aux Etats parties que les dispositions de la Convention relative à la ségrégation raciale ont un caractère obligatoire.

45. M. YUTSIS dit que la lutte de la communauté internationale contre la manifestation la plus virulente du racisme, à savoir l'apartheid en Afrique du Sud, a peut être occulté d'autres formes de ségrégation raciale. En effet, curieusement, à présent que l'apartheid a été démantelé, on assiste à l'aggravation du racisme dans le monde. Des communautés entières sont exclues de la culture et de la civilisation. Si cette exclusion s'explique souvent par des raisons économiques, il se trouve que dans bien des cas les exclus parlent la même langue, ont la même couleur de peau ou appartiennent à un même groupe ethnique. Enfin, M. Yutsis appuie le projet de recommandation (CERD/C/46/Misc.1) quant au fond mais reconnaît que des modifications de forme pourraient y être apportées.

46. M. CHIGOVERA appuie lui aussi ce projet de recommandation, qui insiste avec raison sur le fait que l'article 3 garde toute sa valeur. Il ajoute à ce propos qu'il a fait sienne la proposition de M. Aboul-Nasr tendant à ajouter les mots "interdire" et "éliminer" à la première phrase du paragraphe 1.

47. M. SONG dit que le projet de recommandation souligne à juste titre que la fin de l'apartheid ne signifie pas la fin de la ségrégation raciale. Il estime cependant, comme M. van Boven, que le Comité devrait préciser ce qu'il entend par ségrégation. A Beijing par exemple, il existe depuis 300 ans un quartier musulman avec des mosquées et des restaurants où l'on sert de la viande de boeuf. Il est évident que les personnes qui vivent dans ce quartier le font de leur plein gré et ne sont victimes d'aucune discrimination de la part du Gouvernement chinois, bien au contraire.

48. Le PRESIDENT croit comprendre que les membres du Comité souhaitent s'accorder un délai de réflexion avant d'adopter le projet de recommandation.

49. Il en est ainsi décidé.

QUESTIONS D'ORGANISATION ET QUESTIONS DIVERSES (point 2 de l'ordre du jour) (suite)

Stratégie commune sur les droits des femmes et des enfants

50. Le PRESIDENT informe le Comité que le Haut Commissaire aux droits de l'homme et le Sous-Secrétaire général aux droits de l'homme souhaiteraient que, conformément à la Déclaration de Vienne, le Comité mette l'accent sur la protection des droits de la femme et des droits de l'enfant. Lors de la cinquième Réunion des présidents des organes créés en vertu d'instruments internationaux, il a souligné que le Comité avait recensé de nombreux cas où les enfants et les femmes, notamment celles qui appartiennent à des minorités ethniques, ont été victimes de discrimination. Il a par ailleurs donné l'assurance aux autres présidents que le Comité contribuerait, en la matière, à l'élaboration d'une stratégie commune des différents organes du système des Nations Unies et s'efforcerait de déterminer les domaines dans lesquels les droits des femmes et des enfants ne sont pas respectés.


La séance est levée à 12 h 50.


©1996-2001
Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights
Geneva, Switzerland