Réservé aux participants

 

E/C.12/1994/WP.22

15 novembre 1994

 

FRANCAIS

Original : ESPAGNOL

 

 

COMITE DES DROITS ECONOMIQUES,

SOCIAUX ET CULTURELS

 

Onzième session

21 novembre - 9 décembre 1994

 

 

APPLICATION DU PACTE INTERNATIONAL RELATIF AUX

DROITS ECONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

 

 

Journée de débat général sur l'enseignement des droits de l'homme

et les activités d'information concernant le Pacte international

relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

 

(5 décembre 1994)

 

 

Document de travail établi par l'Association américaine de juristes

 

 

1.L'Association américaine de juristes estime que l'enseignement des droits de l'homme doit avoir pour but de stimuler la pensée critique et d'inciter à une réflexion indépendante face aux "évidences" et aux options offertes par les grands courants de pensée, transmis en particulier par les moyens de communication de masse.

 

"Le droit d'apprendre, c'est le droit de lire et d'écrire, le droit de questionner et de réfléchir, le droit à l'imagination et à la création, ... le droit de développer ses compétences individuelles et collectives" (Déclaration de la quatrième Conférence internationale sur l'éducation des adultes, Paris, 19-29 mars 1985).

 

L'être humain dont la pensée n'est pas libre est incapable de faire valoir ses droits et encore moins de les exercer.

 

2.Ainsi, sur le plan concret, l'enseignement des droits de l'homme doit consister notamment à apprendre à mettre à l'épreuve les principes, les normes et les instruments relatifs aux droits de l'homme par rapport à la réalité quotidienne.

 

 

 

GE.94-19975 (F)

3.L'enseignement des droits de l'homme fait partie de l'éducation en général. Force est de constater qu'une grande partie de l'humanité est privée du droit à l'éducation tel qu'il est consacré à l'article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et à l'article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

 

En effet, selon le Rapport mondial sur l'éducation, 1991, de l'UNESCO, il existait dans le monde en 1990 948 millions d'adultes analphabètes, les taux les plus élevés d'analphabétisme se situant dans les pays pauvres et touchant, parmi les populations les plus pauvres de chaque pays, les femmes et les filles en particulier.

 

L'affirmation selon laquelle l'analphabétisme dans le monde a tendance à diminuer n'est pas entièrement fondée car s'il est vrai qu'il diminue globalement en pourcentage, il ne diminue pas en chiffres absolus (Ali Hamadache, "Alphabétisation, droits de l'homme et paix", série : questions sur l'alphabétisation, UNESCO-BIE, 1990, p. 5).

 

En outre, la pauvreté croissante de vastes secteurs de la population et la diminution des dépenses sociales dans un grand nombre de pays comme suite aux mesures d'ajustement ont entraîné une augmentation des abandons scolaires. Dans son rapport intitulé "La situation des enfants dans le monde, 1989", l'UNICEF a indiqué que les dépenses consacrées à l'éducation avaient diminué de 25 % dans les 37 pays les plus pauvres et a affirmé que ... dans près de la moitié des 103 pays en développement sur lesquels il existait des informations récentes, le taux d'inscription à l'école primaire des enfants âgés de six à onze ans était en net recul (Rapport cité, p. 1).

 

En ce qui concerne les filles, "... du fait que dans bien des régions on a de plus en plus tendance à ne pas les scolariser afin qu'elles puissent aider leur mère, il est à peu près certain qu'une autre génération de filles va se trouver encore plus défavorisée par rapport à leurs frères". Selon Mme Phoebe Asiyo, du Fonds de développement des Nations Unies pour la femme, en Afrique, par exemple, "les filles sont de plus en plus nombreuses à abandonner l'école primaire et secondaire ou simplement à ne pas aller du tout à l'école à cause de l'augmentation de la pauvreté (Jodi Jacobson, Les préjugés à l'égard des femmes, la pauvreté et le piège démographique, POPULI, publication du Fonds des Nations Unies pour la population, vol. 19, No 4, octobre 1992, p. 12).

 

4.L'enseignement des droits de l'homme doit être fondé sur une conception globale qui fasse ressortir l'interdépendance existant entre les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels. L'expérience a prouvé que les politiques économiques et financières qui reviennent à priver la majorité de la population de ses droits économiques, sociaux et culturels sont arrêtées par des groupes minoritaires qui commencent par transgresser les principes de la démocratie représentative et de la participation populaire, pour ensuite violer les droits civils et politiques des citoyens, outre leurs droits économiques, sociaux et culturels, et que les plans de développement économique qui excluent l'existence d'une véritable démocratie participative conduisent inévitablement à l'échec et à la régression politique et sociale.

 

5.Jusqu'à présent, les services consultatifs et d'assistance technique en matière de droits de l'homme ont été consacrés exclusivement à la promotion des droits civils et politiques.

 

L'Association américaine de juristes a insisté à diverses reprises devant la Commission des droits de l'homme sur la nécessité d'inclure la promotion des droits économiques, sociaux et culturels dans les activités de consultation et d'assistance technique.

 

Par exemple, en mars 1993, lors de la quarante-neuvième session de la Commission, le représentant de l'Association américaine de juristes a déclaré :

 

"Il est manifeste que les programmes de services consultatifs privilégient jusqu'à présent les droits civils et politiques au détriment des droits économiques, sociaux et culturels. Nous estimons que l'indivisibilité et l'interdépendance de l'ensemble des droits de l'homme doivent se traduire dans les faits et que les responsables des services consultatifs et d'assistance technique doivent tenir compte du paragraphe 6 de la résolution sur le droit au développement adoptée par la Commission, dans lequel elle prie instamment tous les organismes compétents des Nations Unies, en particulier les institutions spécialisées, de tenir dûment compte de la Déclaration (sur le droit au développement) en planifiant leurs programmes d'activités et de s'efforcer d'en promouvoir l'application. Pour répondre à cette orientation donnée par la Commission, les services consultatifs devraient pouvoir assurer des cours et des séminaires animés par des fonctionnaires hautement qualifiés des organismes des Nations Unies qui se consacrent particulièrement aux droits économiques, sociaux et culturels, tels que le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, le Bureau international du Travail (BIT), l'UNESCO, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, etc." (E/CN.4/1993/SR.62).

 

En outre, l'Association américaine de juristes a insisté à plusieurs reprises devant la Commission des droits de l'homme sur la nécessité de veiller à ce que les services consultatifs ne bénéficient pas uniquement aux fonctionnaires gouvernementaux, mais également aux membres d'organisations non gouvernementales au niveau local.

 

6.En conclusion, l'Association américaine de juristes considère que l'enseignement des droits de l'homme :

 

1)Doit contribuer à susciter chez l'individu une conscience critique face à la société et doit être une contribution à la libération et au plein épanouissement de l'être humain;

 

2)Doit porter sur l'ensemble des droits sans exception, compte tenu de leur indivisibilité;

 

3)Doit viser non seulement les normes et les procédures mais également l'apprentissage de la confrontation entre les normes et la réalité;

 

4)Doit inclure l'étude du fonctionnement des organismes qui s'occupent des droits de l'homme (Assemblée générale, ECOSOC, Conseil de sécurité), des organes spécialisés (Commission des droits de l'homme, Sous-Commission, organes de surveillance de l'application des Pactes, etc.) et des grandes institutions économiques, commerciales et financières internationales;

 

5)Doit comprendre l'apprentissage de l'analyse critique des rapports et des statistiques, ainsi que l'étude de nouvelles méthodes de mesure et d'évaluation, avec la participation des populations au niveau local.

 

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels devrait prendre des initiatives dans ce sens et établir en premier lieu des contacts directs avec le Conseil d'administration des services consultatifs et d'assistance technique, avec l'Institut de recherche des Nations Unies pour le développement social, avec l'OIT, etc.

 

 

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